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Bulletin de l' art pour tous — 1892

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No 73 (Janvier 1892)
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LARTPOUR-TOUS

FNCYCLOP£J)J£'J?S LART/NDUSTRIFL ET DECORA TIF

paraissant tcrus les mois

Emile Reiber

Directeur - Fondateur
1861-64 o iS86-go

Litrairtcs-lmprimeries réunies

Arvcie.nn& .Maison .Moral
PARIS

2, rue Mignon, 2

31e Année '—=^> Janvier 1892

C. Sauvageot i P. Gélis-Didot

Do7cZrc Directeur
1865-85 ) !8gi

La Yraie manière de comprendre l'Art

A PROPOS D'UNE PUBLICATION RÉCENTE (1)

BULLETIN DE JANVIER 1892 i encore, il travaille à élargir le domaine des aria. 1 ment défendue. Membre de l'opposition aous

Et c'est là, étant donné l'esprit de notre publi- l'Empire, minisire des Arts aous Gambetta,
cation, le côté auquel nous nous attacherons membre des commissions parlementaires, des
particulièrement dans la carrière de M. Antonin unions artistiques, sans cesse il a lutté pour le
Proust, car on peut le considérer à bon droit j triomphe de ces idées. Heureusement, elles ont
comme le champion de notre art décoratif mo-
derne. On sait l'ostracisme injuste qui, depuis
tantôt trois siècles, a condamné les arts décora-
tifs à n'être que des frères méprisés des grands
arts libéraux. Le dédain profond, dans lequel
les peintres et les sculpteurs tenaient les artistes
industriels, décorateurs, orfèvres, émailleurs,
ciseleurs, d'autres encore dont l'art consisle à
orner les produits de l'industrie, est à cetle
heure bien diminué. S'il n'est à la veille de se
changer en sympathie, il est, au moina, aujour-
d'hui entré dana le régime de la tolérance. La
dernière expoaition annuelle du Champ de Mara
est là pour nous le prouver : elle a ouvert ses
portes à tous ces vaillants artistes décorateurs,

Nous assistons, depuis quelques années, à
une des évolutions les plus remarquables qui se
puissent voir : un mouvement artistique, aussi
important sans nul doute que celui de la Renais-
sance, est en train de se produire chez nous; et,
dans les idées comme dans les œuvres, c'est une
véritable révolution qui s'affirme.

Beaucoup d'esprits, et dea meilleurs, attachés
d'une façon trop étroite au culte du passé, son!
malheureusement portés à préjuger de toute
révolution, en considérant toute innovation,
sous quelque forme qu'elle vienne à se produire,
comme la manifestalion malsaine d'idées per-
turbatrices et prématurées. D'autres, au con-
traire, non moins bien intentionnés, veulent
accélérer à l'excès un mouvement dont ils
déplorent la lenteur et se montrent tout prêts
à déclarer au passé une guerre injuste qui ne
tendrait à rien moins qu'à nous le faire répudier
en bloc.

La sagesse, ce semble, se trouve entre ces
extrêmes. La manière la plus saine, comme la
plus large, de comprendre l'art est de lui attri-
buer une égale importance, de lui témoigner la
même admiration dans l'espace etdansle temps,
c'est-à-dire d'en vénérer les manifestations sans
acception d'époque et de pays.

Nous sommes heureux de rencontrer un
exposé de doctrine, tout pénétré de cet esprit
de lokSrance, de justice et de progrès, dana le
livre récemment publié par M. Antonin Proust.

eminent défenseur de notre art contemporain
ne s y montre pas ennemi de noire art du passé ;
il nous appren(J à en a(jmirei. \es œuvres, à en
tirer d utiles enseignements pour l'avenir. Peu
d'hommes, il convient de le reconnaître, ont
montré à un égal degré un tel attachement à la
régénération de notre art. Aucun ne l'aime d'une
façon plus ardente, ne l'a défendu avec une telle
persévérance, une telle somme d'activité.

Parler de ses travaux accomplis depuis plus
de vingt ans, c'est retracer l'histoire même de
l'art français pendant celte période. Il s'est
trouvé mêlé à toutes les luttes, s'est montré
promoteur de toutes les réformes utiles, de
toutes les mesures de progrès, son zèle n'a
point encore failli à la tâche. Les déboires,
certes, ont été nombreux pour cet ami de notre
art national; el, lorsque, obligé de quitter le
pouvoir où son trop court passage s'était signalé
par tant d'innovations originales et utiles, il a
dû conlinuer à combattre pour ses idées, non
plus en ministre mais en indépendant, il n'a pas
renoncé à livrer le bon combat et, aujourd'hui

(1) Antonin Prousi, l'Art sous la République. Paris, 1892; in-8»
Charpentier.

dignes émules de ces maîtres de la Renaissance
qui ne croyaient point s'amoindrir en composant
et ciselant un glaive, un bouclier, un casque,
après avoir modelé et sculpté la statue équestre
d'un condollière ou le buste d'une belle patri-
cienne de Milan ou de Florence. Le musée d'armes
de Turin s'enorgueillit d'un glaive dont la
fusée porte la aignature de Donalello; Clouetne
dédaignait point de peindre dea étendards, le
Titien a compoaé dea armurea, Benvenuto Cel-
lini a exécuté dea aalièrea, ce qui ne l'a point
empêché de modeler le Peraée. Qui songerait
aujourd'hui à ne pas considérer Bernard Palissy
comme une de nos gloires artistiques les plus
précieuses, ou à reléguer les Germain, les Caf-
fieri, les Boulle, les Ballin, en dehors de nos
grands artistes? Ces distinctions ne sont plus de
notre âge, et c'est à une autre époque de rougir
de les avoir établies.

Ainsi, comme défenseur de ces idées si libé-
rales et si justes, M. Antonin Proust nous inté-
resse ici particulièrement, car il les développe
dans son livre. Sous le titre VArt sous la
République, l'ancien ministre des Arts a résumé
les rapports et les discours qu'il a publiés ou
prononcés depuis plus de quinze ans, sur les
questions qui intéressent les arls.

« Ayant toujours, dit-il en débulanl, eu cetle
conviction que le culte des arts ne constitue pas
seulement l'une des plus pures jouissances de
l'homme, mais qu'il est encore l'un des plus
puissants auxiliaires de la fortune des nations, je
me suis efforcé de faire entendre à mes contem-
porains que la société française, issue de la Ré-
volution, a le devoir de conserver scrupuleuse-
ment, sans les dénaturer, les œuvres d'arl qui
lui ont été léguées par les siècles précédents;
qu'elle doit en outre substituer à l'enseignement
particulier, disparu avec les corporations, un
enseignement analogue procédant des notions
générales obligatoirement répandues, qu'il lui
faut enfin encourager les arts en provoquant
l'émulation dans toutea les branches de l'activilé
artistique. »

Telle est la formule que l'auteur a conalam-

prévalu en partie, et la fondation de l'Union des
Arts décoratifs et de son musée est là pour nous
montrer ce que peuvent une ardeur et une per-
sévérance qui ne se laissent point rebuter.

Encore que novateur très hardi, M. Antonin
Proust a donné la meaure de la largeur de son
esprit par les soins qu'il a apportés à la conser-
vation de nos richesses d'art, et tous les amis
des belles choses, tous les archéologues lui ont
su gré de son idée du musée des moulages des
monuments français au Trocadéro. Dès 1876,
M. Antonin Proust luttait pour celle utile fonda-
tion; on sait le mal qu'il eut à la faire établir. Et
tant de temps s'écoula entre le premier projet et
l'exécution que plus d'un put se donner la gloire
de l'idée et la revendiquer comme sienne. Il en
a été un peu de môme pour les remaniements
importants dont l'administration des Beaux-Arts
a profité depuis quelques années, pour la fon-
dation de l'École du Louvre, des écoles d'ensei-
gnement professionnel grâce auxquelles les géné-
rations qui suivront bénéficieront des avantages
de notre ancien système des maîtrises, sans
avoir à en redouter les tyrannies. Nul plus que
lui n'a lutté pour rendre l'enseignement du des-
sin obligaloire dans les écoles primaires, et nous
ne pouvons faire mieux que de citer ici les pa-
roles judicieuses et éloquentes qu'il prononça à
cet effet :

« Lorsque le pouvoir royal, par l'éditde 1648,
a séparé les beaux-arts des arts, lorsqu'il a créé
un privilège pour les peintres, sculpteurs et
architectes en leur adjoignant ceux des gra-
veurs, tapissiers et céramistes qui avaient, sous
la proteclion du roi, mission de multiplier, de
propager et d'augmenter la durée des produits
des beaux-arls, lorsqu'il a été déclaré que tout
artisan cpii se qualifierait d'artiste encourrait une
peine de mille livres d'amende, le pouvoir royal
a pris une mesure conforme à ses doctrines.
Mais aujourd'hui, de lels préjugés n'ont plus de
raison d'être ; il devient impossible de ne pas
admettre que l'cnseignemenl initial du dessin est
utile à tous les citoyens et que, des écoles nor-
males qui forment les inatituleurs et les institu-
trices, il doit pénétrer dans les écoles primaires.
On ne saurait méconnaître qu'il faut varier les
applications de ce même enseignement selon les
professions qu'elles peuvent seconder, et, quant
à l'enseignement supérieur, on a peine à conce-
voir la survivance de méthodes qui ne se bornent
pas à apprendre la langue des arts, mais cjuiont
encore la prétention d'enseigner par des pro-
cédés infaillibles comment on en doit user. »

On ne peut, du resle, pas reprocher à M. An-
tonin Proust d'être un défenseur déterminé de
l'enseignement officiel. Peu de voix, aussi auto-
risées que la sienne, ont eu le courage de s'éle-
ver dans les conseils et commissions du gouver-
nement, et avec une telle franchise, contre le»

BULLETINS DE L'ART POUR TOUS. —

N° 73.


 
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