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Bulletin de l' art pour tous — 1894

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No 100 (Avril 1894)
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https://doi.org/10.11588/diglit.16817#0013
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Z/V'6"X(rzao^/k"iir z 'abt/ndustrÏel et décoratif

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Emile Reiber ) G. Sauvageot I P. Gélis-Didot

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33e Année ^ ^ Avril 1894

BULLETIN D'AVRIL 189/.

P.-V. Galland

On répèle assez courammeni qu'un nrtislc
n'est connu qu'après sa mort. Sons celle l'orme
absolue, l'aphorisme esl exagéré : du moins
on peut dire qu'alors seulemenl il esl bien connu,
l.a mort remel toute ehose en sa place : elle
éteinl la réclame autour des renommées tapa-
geuses, et réhabilite les lalenls mal appréciés;
souvent même, une louable coutume hâte l'heure
de la justice. Les expositions, où des mains
amies réunissent une demi ère fois les I ravaux de
l'homme qui vient de disparaître, et où l'on peut
d'un coup d'œil embrasser son œiure entière,
offrent une occasion précieuse d'apprécier équi-
tablemenl sa valeur : elles sonl l'épreuve con-
cluante qui permel de préjuger t'arrêi définitif
que l'avenir doit rendre sur lui.

Épreuve concluante, mais combien redoutable
pour le lalenl qui la subit! Dans l'atmosphère
recueillie, un peu solennelle, que lui crée l'ad-
mirai ion des amis el des élèves, l'artiste, pour
la première fois, apparail Ici qu'il esl : ses
défauts, ses impuissances s'exagèrenl par la
monotonie forcée que présente une collection
d'oeuvres issues d'une même main. Combien de
peintres — et des plus grands — n'avons-nous
pas vus sortir amoindris de ces expositions, cpii
semblaienl ne devoir être pour eux que des
apothéoses?

Celui dont nous parlons aujourd'hui n'est pas
de ce nombre. L'épreuve suprême lui est singu-
lièrement favorable. A ceux qui le connurent,
elle donne la joie de rendre une dernière fois
justice aux admirables qualités qu'ils aimaient
en lui : pour le public qui savait son nom, mais
ignorait son œuvre, elle esl la surprenante révé-
lation de ce grand talent, qui toujours s'élail
volontairement dérobé à ses hommages.

C'est que P. Galland possédai! au plus haut
degré une vertu si rare de nos jours qu'elle pa-
raît invraisemblable : la modestie. Depuis des
années il peuplaitdeses vibrantes composions,
de ses nymphes gracieuses, de ses rondes
d'amours turbulents, les palais el les hôtels de
tous les pays du monde, sans epic la foule atlen-
tive aux renommées bruyantes soupçonnai les
trésors dont il ne cessait d'enrichir l'art français.
Lui-même peut-être en ignorai! le compte, et
noire admiration ne va pas sans un certain élon-
nemenl à voir que ce millier de dessins, d'es-
quisses rapides, d'impressions fugitives, repré-
sente tout ce que des mains pieuses ont pu
recueillir de son œuvre immense, pour nous la
faire apprécier. Ne nous plaignons pas trop. Ces
ébauches, où son lalenl souple el varié s'épa-

nouil à l'aise, la renferment toùi entière dans
son germe, et nous pouvons la juger sur ces
documents incomplets, comme, d'après l'amon-
cellemenl de ses débris, on reconstituerai! la
splendeur de quelque monument disparu.

Les débuts de Galland avaient élé modesles.
Fils d'un orfèvre habile, ses premiers efforls
artistiques eurent pour Ihéâlre l'atelier paternel.
Puis il entra chez Labrouste el enfin chez Drol-
ling. Il allait ainsi d'un atelier à l'autre, travaillant
de lous côlés, son esprit de conscience et de
recherche personnelle l'empêchant de s'inféoder

j à aucun maître. Ses premières œuvres furenl
sans grande portée. Puis le hasard d'une com-
mande l'attira à Constantinople, où il devail
peindre, pour un noble Arménien, les murs d'un
palais important. .Mais le clienl, fantasque
autant que riche, renonça à son premier projet,
el l'ouvrage fut délaissé avant son achèvement.
Un second voyage en llalie exerça sur notre

5 artiste une influence décisive. La \ ue des chefs-
d'œuvre de Venise et de Home; augmenta son
goûl pour la peinture décorative. Il sentil que là
était sa vraie vocation el s'engagea sans réserve
dans cette voie où il dèvail trouver bienlôl les
plus éclatants succès.

A partir de celle époque les œuvres se succè-
dent sans interruption, loutes marquées d'un
cachel très personnel d'élégance, de facilité el
de richesse.

A Paris, il décore les tympans de l'église
Sainl-Euslache, le Panlhéon, l'Hôtel de Ville,
la Sorbonne, les hôtels Erlanger, Aguado, Pa-
rent, Camondo, le Continental, l'hôtel de \l""
de Cassin, etc. A Moscou, il exécute de
grandes décorations pour le palais Narishkine;
à Xexx-York, il peinl la grande galerie de l'hôtel
Van der Bill; à Londres, l'hôtel Rothschild; à
Madrid, le palais Calderon; à Stuttgard, le Palais-
Royal.

La liste complète de ces grands travaux nous
entraînerait Irop loin et>!c trouve d'ailleurs dans
des notices plus élefltTiies.

L'œuvre de Galland révèle deux qualilés
maîtresses : l'extrême conscience et le senti-
ment intense de l'effet décoratif. .Ne cherchez
pas en lui le créateur, le révolutionnaire à la
recherche de formules nouvelles. C'esl un artiste
d'un goût parfait, d'une science très pure, servi
par un œil délical el une main habile. Sesarran-
gcmcnls sont toujours voulus. Sur le papier où
il retrace sa vision première, la ligne générale
apparail bien nettement, ligne préméditée, volon-
laire, qui transparall toujours, tenace, à travers
la série patiente des recherches, sous les modi-
fications diverses que lui imprime l'élude sévère
du modèle. Si cette exclusion de Vimprévu
donne à l'œuvre définitive un peu de froideur,
elle lui fait gagner singulièrement au point de
vue de la lenue el du style.

La conception des formes esl très personnelle:
il suffi! d'avoir étudié une fois, pour ne plus s'y
méprendre, celles qui ont sa prédilection : la
grâce un peu virile du petil Amour, la maigreur
élégante de l'adolescent, el les lignes fuselées

de ces femmes, aux épaules délicates, aux han-
ches larges et pleines, aux extrémités infé-
rieures un peu fortes, dont le modèle italien
offre si souvent le type. Dans les colorations ce
sont les nuances rares et délicates qui le lenlenl:
des bleus el des gris perlés d'une finesse exquise,
el ces harmonies, d'un effet un peu mince dans
ses tableaux de chevalet, s'approprient merveil-
leusement à ses œuvres décoratives. Sans doute
il élail un peintre de morceau éminent, et dans
lous ses ouvrages, histoire, genre, paysage, il
savail mcltre une virtuosité d'éxécution, une
science solide, une émotion et une sincérité qui
les rendaient précieux, mais la décoration fut son
vf ai génie ; c'est dans ces belles pages, où la
composilion se marie si heureusement avec
l'architecture, riches, pittoresques, étoffées sans
lourdeur, cliscrèles et éclatantes, que ses qua-
lités Irouvèrent toujours leur plus complel épa-
nouissement.

Il eûl élé dommage qu'un tel maîlre ne formai
point de disciples. Il élail déjà directeur d'art à
la manufacture des Gobelins, membre du Con-
seil supérieur des beaux-arls et du Conseil de
perfectionnement de la manufacture de Sèvres.

La direction des beaux-arts lui confia, en
1874, la mission d'organiser à l'École des beaux-
arls un cours d'Arl décorai if. Pendant près de
vingl ans, Galland a rempli sa lâche avec la
conscience que l'on pouvait attendre de son
caractère. A quelles résislances se heurtèrent
ses efforls? Est-ce quelque jalousie mesquine
qui se cachai! sous le dédain dont on parut
accueillir le nouvel enseignement? Ce n'est pas
à nous de le rechercher. Ce qui est certain, c'est
que les élèves des Beaux-Arts se tinrent à
Pécari de l'atelier Galland et on ne peut se
flatter que ses leçons aient eu un résultat immé-
diat bien considérable.

El pourtant ce n'est pas là la part la moins
glorieuse de son œuvre féconde. Comme pro-
fesseur, Galland a rendu à l'Art un service inap-
préciable : il a créé un enseignement et déter-
miné les formules d'une science qui végétait
avant lui. Il a introduit dans la décoration l'étude
directe et scrupuleuse de la nature, montré le
parti qui peut se tirer de la combinaison des
fleurs et des ornements avec la figure, appris
par son exemple combien la peinture des
grandes surfaces gagne à subordonner ses effels
dans une mesure déterminée, aux lignes et aux
effels de l'architecture. A ce point de vue, son
influence reste grande et fructueuse, parce que
l'artiste reste pour démontrer par son exemple
l'excellence des principes que posa le profes-
seur.

Et devant celle belle exposition, dernier sou-
venir d'un homme qui ne laisse après lui qu'es-
lime et regrets, il nous revient celle pensée
consolante que le \ rai lalenl voit loujours arriver
son heure, et que P. Galland ne fut pas impru-
dent de laisser à la postérité le soin de rendre
justice à son œuvre.

P. de Laubadère.

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N' 100.
 
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