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Bulletin de l' art pour tous — 1894

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No 104 (Août 1894)
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LÀRTPOUR • TOUS

ENCYCLOPEDIE I)F L'ARTJNBUSmÎEL ET DECORATIF
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Emile Reiber

recteur - Fondateur
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33e Année ^- Août 1894

G. Sauvageot I P. Gélis-Didot

Directeur Directeur

BULLETIN D'AOUT 1894

Auguste Gain

Celui qui porta ce nom — que redira l'avenir
— fui l'honneur même et la même verlu.

El si j'emploie ici la forme cornélienne, c'est
que la vie comme l'œuvre de celui qui vient de
mourir eurent la même robustesse naïve, la
même grandeur puissante, la même simplicité
large qu'on retrouve en l'œuvre comme en la
vie du poète normand.

La vie du vieux tragique reste-l-elle pas un
noble exemple de mâle fierté et la forme de son
vers est-elle pas sculpturale, comme un peu en
pierre, en son ample beauté ?

Tout debout et haut le front peut se Lenir
Gain après Barye. Si différentes furent et l'esthé-
tique et le faire des deux maîtres, chez l'un
comme chez l'autre, pourtant, se retrouve même
souci de la pensée dans la forme, même pour-
suite de la vérité dans la vie, même insufflation \
de l'âme dans la matière.

Le grand artiste que nous regrettons, mort le
lundi 6 août, était, comme Barye, né à Paris, le
16 novembre 1822.

Hélas ! il s'est éteint dans ce même hôtel de
la rue de l'Entrepôt où il était entré, en 1852, en
épousant la fille de P.-J. Mène, un autre sculp-
teur animalier dont les chiens sont célèbres. —
Oui ne connaît ses Levrettes à la balle, si fine-
ment spirituelles ?

Que de rêves, que d'idées, que de sensations
d'art et que de recherches, que d'études, que \
d'œuvres, en quaranle ans, dans celte patriar-
cale demeure où vécut une famille unie dans la j
même haute pensée de travail !

On songe à l'existence reposée de quelque
maître du passé, tout entier aux siens et à sa
lâche idéale.

Dès les jeunes années, ayant eu le rare bon-
heur de voir nettement le but à poursuivre,
Cain reçut de Bude ces leçons du génie qui j
sacrent un esprit.

Sans relâche, sans répit, sans repos, travail-
lant, travaillant, travaillant, tout à son art, en
rêvant le jour, y rêvant la nuit, de l'essai, vite j
arrivé à la réalisation, bientôt il commence j
d'oser et, à vingt-quatre ans, fait pour son coup
d'essai éclater tout à coup son nom dès son
premier envoi au Salon de 1846 où, avant d'être
acquis par la reine Victoria, son groupe de cire :
Fauvette défendant son nid contre un loir, attire \
sur lui l'attention de tous, critique et public, j
attention qui, désormais, ne cessera de le
suivre en son ascension vers les grandes
œuvres, toujours d'aussi juste observation,

d'aussi vigoureux mouvement, d'aussi hautaine
allure — avec, parfois, un pénétrant charme de
philosophie, comme en cet admirable Vautour
rêvant sur une tétè de Sphinx, morceau hors de
pair pouvant soutenir toute comparaison. On a
pu faire aussi beau, impossible de faire plus
beau. La perfeclion ne se dépasse pas.

Plus de soixante envois à une trentaine de
Salons annuels, en indiquant tout ce que l'infa-
tigable artiste a pu créer en dehors de ces fêtes
officielles, prouvent une fécondité inépuisable
dans une rare force de productivité au service
d'une imagination toujours se renouvelant,
souple et variée.

Celles de ses œuvres ornant nos promenades
publiques, Tuileries, Luxembourg, Trocadéro,
le palais de l'Elysée, le domaine de Chantilly,
Versailles, sont dans l'œil de tous, inoubliables.

Betournez voir, aux Tuileries, l'étonnant
groupe du Rhinocéros attaqué par des tigres,
Salon de 1882, morceau vivant et pantelant, si
pantelant et vivant que, devant cette lutte formi-
dable des instincts de la nature, on arrive à
oublier l'artiste, incapable de ne se point inté-
resser au drame, s'allendant toujours à voir le
rugueux géant se dégager ou les fauves avoir
raison de lui, lant cela est saisi sur l'œuvre de
Dieu.

Se faire oublier, disparaître, le comble de
l'art! Ainsi La Fontaine, cet autre animalier de
génie.

Et quelle passion, aussi, et quel mouvement
en ces autres pages terribles, Lion et lionne se
disputant un sanglier, même Salon de 1882, où
palpite la fureur, où rugissent les appétits ;
Tigre terrassant un crocodile, où l'on ne sait
qu'admirer davantage, de la nerveuse cambrure
du félin ou des mouvements spasmodiques de
l'amphibie en proie aux affres de l'agonie; Lion
de Nubie et sa proie, groupe décoratif d'absolue
beauté où le sculpteur s'est montré poète, tant
l'allure superbe de son lion triomphant évoque
avec puissance la sensation grandiose du dé-
sert.

Prodigieuse intensité de vie ne se pouvant
expliquer que par l'amour du sujet traité.

C'est qu'Auguste Cain sans cesse étudiait ses
modèles, à tout instant, en toutes leurs habi-
tudes, c'est qu'il a passé des années au Jardin
des Plantes ou chez les dompteurs, à voir vivre
les fauves en leur intimité, et que, chez lui, le
philosophe a su compléter l'anatomiste, analy-
sant leur caractère, étudiant leurs mœurs, épiant
leurs pensers, violences ou tendresses, amours
ou haines, joies ou mélancolies, cherchant à dé-
couvrir le secret de leur âme.

De leur âme, oui, de leur âme qui a toujours
préoccupé l'homme, l'animal tenant large place
en toutes les littératures, depuis Loqmau, petit
neveu d'Abraham, jusqu'à Théophile Gautier, en
passant par Bidpaï, auteur de la Sagesse des
siècles, qui, lui, n'hésite pas à rapporter ce que la
gazelle se dit en son âme, par Esope, par Phèdre,
par Marie d'Orléans, par La Fontaine auquel il
faut revenir toujours quand il est question des

j créatures de Dieu que, fort irrévérencieusement
j et follement, nous appelons bêtes.

Si nous jugeons la genl zoologiquc, croyez
qu'elle nous le rend. Animée d'un respect craintif
( pour l'être debout, elle sait parfaitement recon-
| naître tout le mal que nous nous donnons pour
j lui faire la vie douce.

En sculpture, sans nous arrêter à l'Egypte, où
j l'animal représentait certaines idées divines, les
| écrits de l'antiquité grecque et latine men-
I tionnent de nombreuses œuvres, dont quelques-
\ unes ont été épargnées par les siècles.

Douze cent soixante-dix ans avant notre ère,
c'est tout d'abord le cheval de Troie, dû à la
collaboration d'Epeus et de Strouglion, puis, ce
sont les douze bœufs et les quatorze lions d'Hi-
j ram de Tyr, dans le temple de Salomon, puis
j les chevaux d'ébène des sculpteurs Toreutiques
Dipœnus et Scyllis de Crète et ceux d'Antiphane,
de Mynnion d'Agryles, de Phyromaque, de
Praxias de Mélite, de Calynthus, et les chevaux
de Venise de Lysippe de Sicyone, puis les
centaures d'Arcesilas, de Pappias, d'Aristeas,
d'Aphrodisias, en marbre noir. Ce sont ensuite
| les vaches de Theopropus d'Egine, celles de
Philésias d'Erébie en Eubée, celle de Myron
d'Éleuthère, chef-d'œuvre inimitable, paraît-il,
j et qui existait encore au ve siècle. Du même
j Myron, le coq de bronze du Louvre, prodigieux
\ de vie et de beauté. Célèbres, le taureau d'ai-
\ rain de Phalaris, dû, comme le cheval de Troie,
à une collaboration, celle de Dontas de Lacédé-
\ mone et de Périllus d'Agrigente, et le Taureau
\ furieux d'Apollonius et de Tauriscus de Tralles.
Citons encore le veau abattu de Ménsechme de
Sicyone, Voie de Boëthus de Carthage, la lionne
d'Arcésilaùs, la tortue de Cléomènc fils, le chien
de Leucon, le sz'«g-eencipolinduCapitole,d'Am-
moniuset Phidias, la chèvre du plasticien romain
Primus, et nous aurons, je crois, à peu près
épuisé la liste de ce qui nous est connu.

Enumération ayant ce but, donner â Cain
comme aux animaliers contemporains leurs
Lettres de noblesse, beaucoup inclinant encore
à croire moins méritoire, plus aisé, secondaire,
de sculpter un tigre qu'une Vénus.

Outre que le modèle fauve a la pose moins
facile, disons à ces bonnes gens qu'en art, il n'y
a de secondaire que le manque de talent, un
portraitiste de moutons comme Jacque — mort
tout récemment aussi, celui-là — ou un portrai-
tiste de tigres comme Cain valant exactement
autant que tous les portraitistes de l'humanité,
à condition, bien entendu, que ces derniers
valent autant qu'eux. Le tout est d'abord de
faire ressemblant.

Je n'ai parlé jusqu'ici que bêtes féroces et
combats. Cain était trop artistement amoureux
de la Ménagerie pour se borner à quelques
espèces. Il a tout regardé, tout étudié et tout
rendu.

Son premier envoi nous a montré des Fau-
vettes et un Loir ; nous aurons à nous
arrêter, pour admirer, devant d'autres oiseaux
et volatils, aigles, ibis, vautours, buses, faucons,

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N- 104.
 
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