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Bulletin de l' art pour tous — 1894

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No 106 (Octobre 1894)
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Encyclopédie de eartindustriel et décoratif

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33e Année ^— ----> Octobre 1894

BULLETIN D'OC. TOBRE 189/.

L'Épée du Marquis de Pescaire

AU MUSÉE DE CLUNY (1)

C'est une chose singulière et faite pour nous
rappeler la fragilité des choses d'ici-bas, de
penser combien ceux-là même qui ont le plus
rempli le monde du bruit de leur nom ont laissé
peu de souvenirs matériels de leur personne.

Tout objet, cependant, qui appartint à un
homme illustre, semble avoir retenu quelque
chose de lui, et mérite d'être conservé à l'égal
d'une parcelle de son œuvre. Et l'on s'efforce
de chercher en la matière des enseignements
et des leçons, comme si, par son entremise, le
mort pouvait encore nous parler et nous dire
ce que nous ignorons, ce que nous ne saurons
jamais de lui. Car ce vestige paraît résumer,
à nos yeux, la vie vécue de son propriétaire ;
il nous met pour un instant en communion
intime avec lui. Ainsi certaines mères prennent
un amer plaisir à conserver, à manier les vête-
ments de leur enfant mort, comme la femme
de ce marin disparu qui trompait les angoisses
de l'attente en louchant les effets de son homme.

Mais s'il s'agit d'un grand capitaine, son épée,
jusqu'à nous conservée, devient une chose d'im-
portance capitale. Car l'arme, par excellence,
semble faire partie intégrante de sa personne,
la continuer même à travers les siècles, se
dresser devant nous comme un témoignage
vivant des batailles et des luttes que le mort
a traversées, où il a combattu, succombé ou
vaincu. La main qui la tenait n'a-t-elle pas, à
quelque époque, plus ou moins remanié cette
carte politique de l'Europe dont les divisions
tracées et retracées sans cesse avec le sang et
les larmes des vaincus ne résistent pas au
temps, qui se charge de nous démontrer l'inu-
lililé de l'effort, à nous qui ne pouvons nous
décider à la résignation de l'oubli?

Quand, se plaçant à un point de vue plus par-
ticulier, on examine dans nos musées les épées
ayant appartenu à nos grands capitaines, à nos
souverains, on est frappé du petit nombre de
ces glorieuses épaves laissées par le temps. Je
ne viendrai point réveiller ici d'anciennes que-
relles archéologiques en parlant de l'épée de
Charlemagne. On sait comment il faut dater
a l'épée de France ». Mais une relique plus
vénérable encore et dont l'authenticité se dé-
montre avec une rigueur scientifique est la
monture de l'épée de Chilpéric, que l'on peut
voir au musée du Louvre. Le musée de Troyes

(1) l.'Art pour tous a donné l'année dernière un dessin de cette
épée (voir, 1833, p. 323T>).

/ se vante de posséder l'épée et le scramasaxe
j de Théodoric qui vainquit et fut tué à la grande
; bataille où succombèrent les bandes d'Altila.
î Quelques autres débris moins importants existent
i en divers musées. Puis, jusqu'au xvi° siècle, nous
ne possédons rien.
Le musée d'Artillerie est maintenant proprié-
j taire de l'épée de parement de François Ier,
; qu'il a héritée du musée des Souverains. C'est
sans doute une œuvre italienne. La lame plate,
courte, à pans adoucis, porte dans sa gorge
d'évidement des gravures dorées, avec le nom
d'un armurier espagnol ou italien qui s'en donne
! pour l'auteur :

CHATAL DO ME FECIT

La monture est de cuivre plaqué d'or et
émaillé. Le pommeau, orné de feuilles d'a-
canthe, enserre dans ce feuillage, où s'entre-
mêlent des rinceaux d'or, une sphère d'émail
rouge qui forme sa masse. La fusée en torsade
est émaillée de rouge et de blanc, avec orne-
ments d'or parmi lesquels se jouenl des sala-
mandres. La croisette de la garde, verticalement
aplatie et dont chaque quillon s'épate à son
extrémité en un fleuron bilobé, porte sur ce
champ bordé d"un orle en torsade l'inscription
j suivante, écrite en lettres émaillées.

Sur l'un des champs :

ceux qui portèrent l'épée (le tableau de La part
du Capitaine suffit à le prouver), — fut un grand
I connaisseur en fait d'épées anciennes, et il en
réunit une belle série qu'il répara avec la plus
grande adresse.

Illes chérissait fort, ses épées, et il s'en mon-
trait jaloux autant qu'un Oriental de ses femmes,
i car il les tenait renfermées sous clef et ne les
j laissait point voir. Mais celles de toutes qu'il te-
j nait le moins à produire à la lumière fut certaine-
; ment cette épée du marquis de Pescaire dont il de-
| vint propriétaire à une époque et par des voies
qui sontdemeurées un mystère. Lorsqu'il mourut,
en 1887, Edouard de Beaumont légua ses chères
épées au musée de Cluny. Son exécuteur testa-
; mentaire, M.Alexandre Dumas, a préféré joindre
J l'épée de Pescaire à ses compagnes, et on peut
j admirer toutes ces belles armes réunies dans
les deux vitrines où le regretté M. Darcel les
i avait soigneusement disposées.

Les dictionnaires et encyclopédies ne donnent
pas beaucoup de renseignements sur ce Pes-
caire, qui fut pourtant une intéressante figure du
j commencement du xvie siècle. Aussi croyons-
! nous pouvoir tracer le portrait de l'homme avant
| de parler de son épée.

Ferdinand-François d'Avalos, marquis de Pes-
| caire et d'Aquin, naquit dans le royaume de
Naples en 1489. Par son père, Alphonse d'Avalos,
marquis de Pescaire, tué en 1496, et par sa mère,
Diane de Cardone, il tenait à la grande noblesse
espagnole, car son grand-père, Rodrigue d'Ava-
los, comte de Ribades, avait été connétable de
Caslille.

En 1512, à la bataille de Ravenne, le marquis
de Pescaire — car il avait hérité du titre de son
père, mort en 1496 — fut blessé et fait prison-
nier par les Français, et il dut faire honneur à
Gaston de Foix, son vainqueur, en suivant son
convoi funèbre. Puis il fut mis en prison et
n'en sortit que grâce au maréchal de Trivulce,
qui avait épousé une de ses tantes, Béatrix
d'Avalos; il dut payer six mille écus et s'engager
à ne plus porter les armes contre le roi de
France. A vrai dire, le bonhomme Louis XII ne
se souciait guère de donner la clef des champs
à ce mauvais compagnon ; il le laissa cependant
partir en regrettant sa faiblesse.

Le protégé de Trivulce ne tarda point à donner
la mesure de sa reconnaissance. Le fond du ca-
ractère de Ferdinand d'Avalos était une mau-
vaise foi insigne. Cet Espagnol, né en Italie,
semble avoir pris tous les défauts de sa terre
natale. A la morgue et à la dureté de l'Espagne,
il joint la duplicité, la fourberie de l'Italie. Impi-
toyable pillard, dur aux vaincus, partout où il
passe, c'est le feu du ciel ; il met les villes à sac,
détruit, rançonne, égorge les garnisons, livre
les femmes aux soldats. Si l'on a pu reprocher
aux Français d'avoir apporté en Italie la mau-
vaise guerre, lui se charge de la continuer.

A peine sorti de prison, il fait le dégât chez
nos alliés les Vénitiens, bat l'Alviane à la Morta,
près de Vicence (6 octobre 1513), prend Gênes.
Il nous défait à la Bicoque (avril 1522) et bat

FECIT -f POTENTIAM.

j

| Et sur le revers :

IN -f- BRACHIO + SUO.

Cette épée historique, plus magnifique qu'é-
légante, n'est point une épée d'armes, mais une ;

! épée de parement. L'épée avec laquelle Fran-
çois Ier donna de si grands coups dans le champ j

! de Pavie, avec laquelle il tua force nobles j
hommes, parmi lesquels Ferdinand Castriot,
marquis de Saint-Ange, dernier descendant de ;

j Scanderbeg, n'est point certainement celle que j
nous venons de décrire. Sa lame est à l'Armeria

; de Madrid. D'après une tradition espagnole,
l'épée du musée d'Artillerie aurait été prise à ;

( Pavie dans les bagages, au quartier du Roi.

Nous ne discuterons point ici la valeur artis- j
tique de celle glorieuse épave de notre histoire, j
Cette épée du roi-chevalier n'est point, à tout ;

I prendre, aussi belle que bien d'autres moins ;
connues et qui lui sont supérieures par l'élé-

| gance de leurs proportions, la simplicité et la
pureté de leur forme, la fermeté de leur parti.
On pouvait voir, à notre Exposition univer-

\ selle de 1889, au pavillon du Ministère de la
Guerre, dans une petite vitrine où étaient i

i quelques armes de parement du xvie siècle, se ;

i dresser l'épée de Pescaire. Cette arme précieuse }

j entre toutes appartenait à M. Alexandre Dumas ;

J à qui l'avait léguée Edouard de Beaumont, à i

j charge de la faire remettre après sa mort au
musée de Cluny.

On sait qu'Edouard de Beaumont—ce peintre
qui fit si peu de tableaux, mais qui savait si bien

; l'histoire, nous oserions dire « vécue », de tous

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N* 106.
 
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