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Bulletin de l' art pour tous — 1897

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No 142 (Octobre 1897)
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https://doi.org/10.11588/diglit.16821#0038
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BULLETIN DE L'ART POUR TOUS

N° 142

Échos

Prix Ary Scheffer. — Un décret vient d'au-
toriser l'Académie des Beaux-Arts à accepter la
donation à elle faite par M. René-Nicolas Mar-
jolin, membre de l'Académie de médecine, de la
nue propriété d'une somme de 100,000 francs
pour le revenu, après le décès de Mme Marjolin,
usufruitière, être affecté à la création d'un prix
biennal, qui, sous le nom de prix Ary Scheffer,
sera décerné à la meilleure gravure en taille-
douce exécutée par un artiste français.

-O-

Le temple gallo-romain de Criquebceuf-
sur-Seine. — Les amateurs d'archéologie visi-
tent en ce moment les ruines d'un temple gallo-
romain que viennent de découvrir au Catelier-
de-Criquebceuf-sur-Seine, dans l'arrondissement
de Louviers, MM. de Vesly et Quesné.

Ce temple s'élève sur une petite éminence,
entre Criquebœuf et Martot, dans la vallée de la
Seine. Ayant son entrée à l'est, il affecte la
forme d'un quadrilatère de 16 mètres de côté à
l'extérieur. Une colonnade entourait la « cella »
<?u sanctuaire. En avant du temple et du côté de
chaque entrée, on aperçoit deux édicules carrés
dans l'un desquels on voit encore des traces de
feu. Des pierres sculptées ainsi que des débris
de poterie gallo-romaine ont été également trou-
vés; mais un des objets les plus intéressants
est une réglette mince considérée comme une
mesure de longueur, avec plusieurs divisions
différentes ; c'était, assure-t-on, le demi-pied ro-
main.

-O-

Une découverte sur l'Acropole. — Dans
une des dernières séances de Y'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, M. S. Reinach a
communiqué à ses collègues une lettre de M. Cav-
vadias, éphore général des antiquités grecques,
qui annonce la découverte sur l'Acropole d'une
inscription intéressante pour l'histoire de l'art.

Celte inscription nous apprend que le petit
temple de la Victoire Aptère, qui domine encore
aujourd'hui l'entrée de l'Acropole, a été construit
vers 450 avant Jésus-Christ par Callicratès, un
des architectes du Parthénon au début du gou-
vernement de Périclès.

Bibliographie

Catalogue des vases antiques de terre cuite
du Musée du Louvre, par E. Pottier, conserva-
teur adjoint du Musée. — Prix, broché : 1 fr. 20. —
Librairies-Imprimeries réunies, 2, rue Mignon, Paris.

A quoi sert un Musée de vases
antiques (1)

Il est peu de personnes qui, en parcourant les
galeries du Louvre, n'aient été frappées de la
place importante qu'y occupent les salles de cé-
ramique grecque. En effet, notre Musée natio-
nal, grâce à l'appoint de la collection Campana
acquise en 1863 et s'ajoutant en bloc à l'ancien
fonds, est devenu, dans ce domaine, le plus riche
du monde; aucune autre collection ne peut riva-
User avec lui. Les nations étrangères ne se font
pas faute de lutter avec nous sur ce terrain,

(1) Nous considérons comme une bonne fortune de pouvoir
mettre sous les yeux des lecteurs de l'Art pour tous la très curieuse
étude qui, sous forme d'introduction, ouvre si heureusement le ca-
talogue du jeune et savant conservateur de la Céramique antique
au Musée du Louvre. (Note de la rédaction.)

comme sur tant d'autres, et s'efforcent, parleurs
acquisitions annuelles, de diminuer l'avance que
nous avons prise sur elles. Le Musée de Londres
comptait en 1870 environ 2,000 vases ; le nouveau
| catalogue, en cours de publication, en compren-
! dra à peu près 5,000. Le Musée de Berlin, en
1846, possédait 2,000 vases ; le catalogue de
M. Furtwângler, paru en 1885, en décrit plus de
4,000, et les acquisitions énumérées chaque
année dans le Jahrbuch prouvent que, depuis,
ce nombre s'est accru d'une très notable façon.
Le Musée de Munich, où O. Jahn trouvait envi-
ron 1,400 vases à étudier en 1854, est resté
presque complètement stationnaire depuis cette
époque. Le Musée du Vatican se contente aussi
d'un choix de 1,200 à 1,400 pièces. Le Musée de
Naples en compte plus de 4,000, cataloguées par
Heydemann en 1872. Le Musée industriel de
Vienne, dont le but est seulement de présenter
quelques spécimens antiques à côté des céra-
miques du Moyen âge et de la Renaissance,
vient de faire paraître un catalogue de M. Masner
où sont énumérées 600 poteries. Au Musée de
l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg, le nombre des
! vases dépassait 2,000en 1869; je ne sais s'il s'est
augmenté depuis. Enfin, le Musée d'Athènes,
mieux placé que tout autre pour profiter des
; trouvailles nouvelles, a vu son avoir plus que
triplé depuis le travail fait en 1876 par M. Colli-
I gnon sur un ensemble de 800 pièces. Or le
Louvre, actuellement, contient plus de 6,000 vases
peints, et, si l'on ajoute à ce total la très belle
collection déposée au Cabinet des médailles, on
constate qu'à Paris seulement, le nombre des
monuments exposés au public dépasse le chiffre
respectable de 8,000.

Pourtant, ce champ d'études, si vaste, si com-
plet, qui constitue l'une des plus belles richesses
de nos collections nationales, est loin d'être
connu à sa juste valeur. Parmi les visiteurs qui
s'arrêtent pour donner un regard aux vases nu-
mérotés et classés dans les vitrines du premier
étage, combien ne voient là que des curiosités,
! des réunions de potiches entassées dans des ar-
> moires pour le plaisir des amateurs de bibelots?
Il serait puéril et inutile de s'indigner de cet état
de choses. Tout le monde, en France, n'est pas
archéologue et tout le monde n'est pas forcé de
savoir ce que peut enseigner à des modernes
une amphore de Nicosthènes ou une coupe
d'Euphronios. L'étude des vases grecs, la ce'ra-
mographie, subit le sort commun de toutes les
sciences. Elle a eu des débuts obscurs, peu glo-
rieux, souvent entachés de charlatanisme et
d'ignorance. Comme la chimie est sortie de l'al-
chimie, l'astronomie de l'astrologie, la médecine
de la sorcellerie, et comme aujourd'hui, sous
nos yeux, la science des phénomènes psychiques
sort du spiritisme, de même l'archéologie est
sortie du magasin et du bric-à-brac des anti-
quaires. L'archéologie des vases, en particulier,
date de quarante ans à peine : c'est O. Jahn qui,
dans une admirable préface au catalogue de
Munich, en a posé définitivement les fondements.
Après lui, elle a marché à pas très rapides.
Aujourd'hui, elle occupe un grand nombre de
savants en France, en Allemagne, en Angleterre,
en Italie et jusqu'en Amérique; elle a produit
des bibliothèques entières ; elle a pris une place
à part dans les musées d'antiques, à côté des
sculptures, des bronzes et des terres cuites qui
forment avec les vases peints un tout indisso-
luble. Si le public, si les lettrés eux-mêmes sont
restés étrangers à cette rénovation, ce n'est pas
tout à fait leur faute. Je crois qu'il appartient aux
gens du métier d'initier les hommes de bonne
volonté à ce qui se passe dans la science, de leur
faire toucher du doigt les progrès réalisés, de
leur expliquer les raisons des classements et des
acquisitions.

Un seul mot justifierait l'emplacement réservé
dans le Louvre aux galeries céramiques tout à
côté des salles de peintures et de dessins. Les
vases peints sont les documents les plus sûrs et les
plus nombreux qui soient parvenus jusqu'à nous
pour reconstituer V histoire de la peinture en Grèce.

J En effet, tout le monde sait que les chefs-
d'œuvre produits par les grands peintres, tels
que Polygnote, Zeuxis, Apelle, Parrhasios, ont
disparu et sont irrémédiablement perdus pour
nous. Nous n'avons de ces époques classiques,
comme monuments authentiques de peinture,
que quelques dalles de tombeaux où l'on saisit
les vestiges, aujourd'hui bien décolorés, des
personnages qu'on y avait tracés à l'aide du pin-
ceau. Ces débris, dont le nombre ne dépasse
pas peut-être une vingtaine (voy. l'article de

; M. Milchhœfer, Gemalte Grabstelen, dans les Mit-
theilungen de l'École allemande d'Athènes, t. V.
1880, p. 164 et suiv.), sont absolument insuffi-
sants pour nous donner une idée de ce qu'ont
pu être les compositions des maîtres. La série
si riche et si connue des peintures d'Herculanum
et de Pompéi, les quelques fresques recueillies

; dans des chambres sépulcrales de l'Italie méri-
dionale, de la Cyrénaïque et de la Crimée, appar-
tiennent à une époque basse qui s'étend entre le
meou le ne siècle avan t notre ère et le nesiècle après.
Elles permettent d'étudier et de connaître assez
exactement la peinture en usage sous les succes-
seurs d'Alexandre et sous l'Empire romain. Mais

; il serait fort téméraire d'y chercher un reflet des

; âges antérieurs, et ce sont ces âges qui nous
intéressent le plus. Pour toute la période des
débuts et de la floraison classique, on serait en
face du néant absolu si l'on n'avait pas les vases
grecs.

On peut prouver, en effet, par de nombreux
rapprochements avec les descriptions des au-
teurs, que les peintres de vases ont eu très sou-
vent sous les yeux des œuvres d'art célèbres
dont ils conservaient l'ordonnance générale et
parmi lesquelles ils choisissaient certains épi-
sodes ou certains personnages pour les intro-
duire dans leurs croquis. Ce ne fut jamais une
copie servile. Ce qu'ils nous présentent, c'est le
rajeunissement adroit d'un sujet connu et clas-
sique pour leurs contemporains. Nous ne pou-
vons pas les comparer aux fidèles estampes ni
aux reproductions photographiques qui, répé-
tées à des milliers d'exemplaires, conserveront
aux siècles futurs l'image exacte des chefs-
d'œuvre de nos musées, quand le temps aura
fait son œuvre sur ceux-là comme sur ceux de
l'antiquité. Mais ils sont à peu près pour nous ce
que serait l'imagerie de nos revues et de nos
journaux illustrés, si notre peinture tout entière
périssait d'un seul coup : n'y aurait-il pas là une
matière suffisante pour reconstituer l'esthétique
de notre siècle, son style artistique et ses sujets
de prédilection? Nous les comparerons plus jus-
tement encore à ces émaux de Limoges, à ces
majoliques italiennes, à ces porcelaines du
xvne siècle qui répètent, sous une forme libre et
pourtant dans un style d'imitation, les scènes
religieuses, les portraits de personnages célè-
bres, les pastorales et les sujets de genre traités
par la grande peinture de leur époque. Mais, à
côté de l'art industriel du Moyen âge et de la
Renaissance, nous pouvons encore voir exposés
bon nombre des originaux qui leur servaient de
modèles; en face des vases grecs, nous ne pou-
vons plus rien mettre. C'est ce qui en augmente
singulièrement la valeur et l'intérêt. La copiées!
devenue aussi précieuse qu'un original. De même
qu'un texte d'Homère du ixe ou du xe siècle,
transcrit d'après un manuscrit plus ancien par
des moines ignorants, a aujourd'hui pour nous
la rareté et l'inestimable prix d'une editio prin-
ceps, en dépit de toutes les fautes qu'il contient,
de même aussi, malgré la distance qui séparait
un ouvrier du Céramique athénien d'un grand
artiste comme Polygnote, le produit industriel, la
modeste coupe dans laquelle on buvait aux jours
de fête et qui se vendait quelques drachmes à
l'Agora, a conquis le rang d'un document histo-
rique et artistique de premier ordre.

(A suivre.) Edmond Pottier.
 
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