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Bulletin de l' art pour tous — 1898

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No 149 (Mai 1898)
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https://doi.org/10.11588/diglit.16822#0017
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5, rue Saint-Benoit \V

37e Année ^ Mai 1898

à fait indépendant dans la conception de ses vivantes est uniquement choisie dans le monde

BULLETIN DE MAI 189S œuvres proprement créatrices, il a trouvé catholique et particulièrement dans le milieu

désormais pour ses travaux d'interprétation la j sacerdotal, cela tient uniquement à ses fréquen-

voie définitive dans laquelle il s'engage résolu- tations, à la ferveur active de ses croyances

ment. religieuses et politiques.

A ce moment de sa vie, Gaillard nous offre Dans ses premiers portraits gravés comme

nO^ition*^ 1111 s'nguner spectacle. Ce dessinateur impec- aussi dans ses peintures, c'est-à-dire au début,

cable, ce patricien consommé, cet esprit savant, dans toutes ses œuvres originales, Gaillard se

érudit, cultivé, nourri de la pensée des maîtres, débarrasse moins aisément des souvenirs du

respectueux du passé auquel il était attaché par passé. Ce n'est pas un homme d'imagination.

tant de liens, autant par son idéal artistique que Aussi, dans toutes ses compositions pillo-

Expositions périodiques d estampes \ . ... ,. ' , . .. , ,, ,.. ï . .L

r _ ^ par ses croyances et la constitution même de resques, a-t-il besoin d un guide qu il choisit

au Musée du Luxembourg tQut gon elre mora]) nous [e voyons — jamais avec une indécision et un trouble qui le font

satisfait, embarrassé devant la simplicité et la aller de Mantegna à Raphaël ou aux Lombards

l'œuvre de gaillard (1) complexité de l'art et de la vie qu'il contemplait de la Renaissance, comme de Van Eyck à

avec un œil si pénétrant et si lucide — lutter < Rembrandt ou à Franz liais, pour ne pas dire

- contre le passé, se révolter contre toute son même de Rigaud à Fragonard. Il n'y a qu'à se

éducation première, ses souvenirs obsédants rappeler la Vierge au lys, le Saint Sébastien,

d'école, ses vieilles admirations, toutes ces VHomme à la guitare, le portrait peint de

C.-F. GAILLARD richesses accumulées de la mémoire qu'on sent Léon XIII, etc.

A),t un jour inutiles et stérilisantes. Dès lors il rompt p0ur dire un mot en passant de cette face de

définitivement avec la tradition, refuse les con- SOn talent, il s'est, comme peintre, trompé plus
I a date de 18G9 est à retenir dans son œuvre seiIs des niailres> se garde de toute convention. d'une r0js sur lui-même. Il n'a eu vraiment ni
avec la planche de VHomme à l'œillet, que l'on 11 se d(M'end même de LouLe coquetterie d'aï- l'invention, ni le brillant, ni l'éclat, ni le charme,
est habitué à considérer comme le chef-d'œuvre liste et sa préoccupation constante est de faire et on se demande comment parfois il a pu
de ses gravures d'interprétation et qui, quoi oublier l'ouvrier devant l'œuvre. 11 faut l'avouer, prendre conseil près de maîtres aussi étrangers
qu'il en soit, est une des pièces qui le caracté- 11 ne Pense Pas a la belle éPreuve et ne S01Snc à son tempérament. Son art, sans doute, n'est
risent avec le plus de bonheur. Le Gattamelata . Pas ses élals en vue de la convoiLise des ama- pas trisle ; il n'est point non plus mystique et
venait déjà d'affirmer un merveilleux outil se leurs. 11 veut uniquement donner l'illusion corn- tout au contraire très sain; mais est il grave, con-
jouanl des difficultés les plus ardues; VHomme Plèle dLl modèle, être vivant ou œuvre d'art. centré, d'une austérilé qui correspond à l'ascé-
à l'œillet, cette fois, est un chef-d'œuvre, parce l\ se Prend modestement comme une sorte tisme de son esprit. Il reste toujours, dans sa
qu'il surprend d'abord moins par les moyens d'appareil supérieur qui non seulement fixe la j peinture aux rousseurs bitumineuses, quelque
que par le résultat. forme extérieure des choses, mais les pénètre j chose qui rebute à première vue. Mais comme il
Sans doute, dans notre lente contemplation S profondément jusqu'au plus secret de l'âme. vous reprend vite et comme il vous tient par sa
de cette étrange et attachante figure, nous pour- Presque aussitôt après VHomme à Vœillet suit, sincérité, sa candeur, sa probité, sa puissance
rons admirer la subtilité de ces tailles déci- la même année, la Vierge de la Maison d'Or- de vie! Rien n'est attachant, dans son œuvre
siveS) — bien qu'à vrai dire il faille savoir que léans, de Raphaël, aujourd'hui à Chantilly. Il j peint de même que dans son œuvre gravé,
tous les champs, en manière de lavis, qui cou- existe un premier état curieux de celte pièce, j comme toute cette incomparable suite de poi-
vrent les vêlements et les fonds, étaient l'œuvre ' T-'' marque comme un dernier mouvement traits. Dans cet ordre d'idées, il a été tout à fait
d'un préparateur spécial. Sans doute nous d'hésitation. C'est un état très gris que Gail- supérieur.

serons déconcertés parcelle technique qui lard avait poursuivi avec la hantise de Marc- j C'est qu'il est doué au plus haut point du sens

échappe; nous resterons surpris en songeant à Antoine qu'il rappelle, il est vrai, d'assez loin. ! de la vie; il fait sortir par tous les traits l'âme

celte sensibilité inouïe de l'œil auquel était sou- 1 Revenu de son erreur, il le poussa avec lïnten- \ intime du modèle. On ne les oublie plus quand

mise, avec une intelligence merveilleuse, la j sile réelle des colorations en écartant de son j on les a vus une fois, lous ces portraits. Celle

main la plus légère el la plus sûre, la plus ferme souvenir ce dernier rappel du passé. Puis appa- j figure de sa tante, ce visage populaire, aux ban-

et la plus souple qui ail manié sur le cuivre le raissenl: la Vierge de Botlicelli, le Crépuscule, deaux plats de cheveux incolores, aux traits

losange incisif du burin. Mais ce qui nous frappe la Tête de cire el, après la série de ses portraits 1 vulgaires et sans dessin, sourcils inachevés,

au premier abord, c'est la magie de cette évo- originaux, les grandes œuvres de reproduction j yeux bridés, nez épaté se perdant dans les

cation d'un chef-d'œuvre qui nous parle, avec dont l'interprétation l'avait tourmenté toute sa \ muscles distendus des joues, bouche fendue

toule son âme mystérieuse, toute sa naïve, forte vie el (lu il nc voulait aborder que sûr de ses j largement, quel ensemble de physionomie à

et exclusive individualité, son véritable el \ forces el maître de ses moyens: les Pèlerins décourager tout aulre artiste! Mais comme

propre langage, sans atténuation, sans modifi- d'EmmaUs, le Saint Georges et enfin, venant cette bonne femme vous relient par l'indéfi-

calion, sans idéalisation. Nous sommes en face clore son existence au moment où il aurait eu nissable sourire, bon, patient et résigné, qui

de Van Eyck et nous ne pensons pas à Gail- besoin d'une nouvelle vie, les deux rêves j illumine discrètement lous les coins de son

Itirtl. demeurés irréalisés de son âme d'arliste : la visage!

C'est l'époque climalérique de la vie de ce Joconde et la Cène. Ici c'est l'œil mort mais encore expressif, le

maître; car dès lors, conscient de lui-même, C'est en 1872 qu'il inaugure ses grands por- pli hautain et amer des lèvres du prélat aveugle,

fixant un but précis, il ne se méprend plus traits originaux, avec l'effigie du Comte de M"1 de Ségur; là ces grandes figures pontificales:

guère sur sa nature el, s'il n'est pas encore tout Chambord. On a dit, à ce sujet, qu'il avait rêvé Pie IX avec son sourire fin, bienveillant, spiri-

__ ! de synthétiser dans de hautes personnifications tuel clans une face grasse et amollie ; puis les

.... ,, . m ... ,. , , réelles les grandes figures de la société chré- traits nerveux, animés, vivants de son succes-

(1) Expositions periodlquei denampaa au Musée national du i i> ■ vù a i m • d

Luxembourg. Deuxième exposition, catalogue des œuvres expo- tienne : le KOI, I Lvtque, le ftloine, le Soldat. ; seur Léon XIII, physionomie de vieil Italien de

it.'u„»G^ line parait pas qu'il se soit arrêté longtemps la Renaissance qui évoque aussi le masque

(2) Voir iiuiiettn de r.irt pour tous, avril isjs. à cette idée et, si la série de ses représentations ; ironique de Voltaire, où se lisent toute la finesse

BULLETIN DE L'ART POUR TOI'S. —

N° 149.
 
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