BULLETIN DE JUIN 189S
Salon de 1898
Le Carrelage en faïence
du Château de Polisy (Aube)
(Pl. 3733 et 3748)
Gracieusement situé à la jonction de la Laigne
et de la Seine, le château de Polisy appartint
longtemps à la famille des Dinleville qui donna
un évéque à Auxerre et des baillis à Troyes.
Fréquemment remanié, il ne resle guère au- j
jourd'hui du château de la Renaissance qu'une
des chambres à coucher, celle que François de
Dinteville, évéque d'Auxerre, avait ornée, entre
1545 et 1549, d'un magnifique carrelage.
C'est ce carrelage que notre collaborateur,
M. Ch. Chauvet, a relevé avec un grand talent
de décorateur et un scrupule rare, et qu'il a
exposé, cette année, au Salon des artistes fran-
çais.
Où et par quelles mains ce carrelage a-t-il été
exécuté? Les avis, à cet égard, sont partagés.
Longtemps on crut, avec M. Le Brun-Dal-
banne, que ce carrelage avait été exécuté, pour
l'évêque G. de Dinteville, pendant un séjour
qu'il fit en Italie, de 1539 à 1542, par les petits-
neveux de Robbia, qui ne cessèrent d'exercer
leur art que vers 1560 (1).
M. André Pottier, le premier, croyons-nous,
revendiqua celle œuvre comme sortant des ate-
liers français. « Si, dit-il, l'on a pu exécuter à
Rouen, en 1542, le pavage d'Écouen, rien n'em-
pêche que l'on ail fabriqué, en 1545, dans la
même ville ou ailleurs, le pavage de Polisy (2). »
Enfin, dans son savant Catalogue raisonné des
Carrelages vernissés, incrustés, historiés et fai en-
cés du Musée de Troyes (3), M. Louis Le Clerl, !
rapprochant habilement les dales inscrites sur le
pavage de Polisy, les couleurs qui entrent dans
sa décoration et les œuvres similaires connues
de la même époque, arrive à cette conclusion à j
laquelle nous nous rattachons volontiers :
« Il est permis d'admettre, comme l'a fait j
M. André Pottier, que le carrelage de Polisy a 1
pu être exécuté en France par des artistes ita- i
liens, soit à Rouen, comme le pense cet auteur, '
soit plutôt, d'après nous, à Nevers, ville plus
rapprochée que Rouen du siège épiscopal de
Guillaume de Dinteville. On devra évidemment
adopter cette dernière opinion, si l'on considère
(1) Le Brun-Dalbannc, Portefeuille archéologique de l'Aube.
(2) André Pottier, Histoire de la Faïence de Rouen.
(3; Au Musée de Troyes, rue Saint-Loup, 1892.
que l'évêque d'Auxerre fut le principal négocia- j
teur du mariage de Catherine de Médicis avec
Henri II et qu'il trouva un refuge, à Florence,
dans la famille de cette princesse, lorsqu'elle fut
forcée de s'expatrier à la suite de l'empoisonne-
ment du fils du roi. 11 dut certainement, par
reconnaissance et pour être agréable à la reine,
favoriser les artistes italiens qu'elle avait attirés
en France à sa suite, et, parmi eux, les faïen-
ciers qu'elle avait tenté d'installer à Nevers .»
Ce carrelage, qui a donné lieu à tant de con-
troverses, échantillon unique de la fabrication
française au milieu du xvie siècle, n'avait jamais
été relevé complètement et par un véritable
artiste.
Nos lecteurs apprendront avec plaisir que le
relevé de M. Charles Chauvet, qu'ils ont pu
remarquer cette année au Salon des artistes j
français et auquel Y Art pour tous a consacré deux
planches (p. 3733 et 3748), a valu ù son auteur
une troisième médaille dans la section d'archi-
tecture et qu'il fait partie des œuvres acquises
par l'État.
L. R. j
Échos
La décoration des fêtes publiques à
l'Exposition de 1900. —La classe 71 de l'Ex-
position de 1900 vient de décider de créer une
section spéciale de la décoration des fêtes pu-
bliques. Dans ce but, elle fait un appel à tous
ceux que leurs travaux antérieurs et leur expé-
rience reconnue indiquent tout d'abord ; mais
elle tient aussi à s'assurer le concours d'hommes
encore inconnus et d'artistes indépendants, aux-
quels elle veut réserver la plus grande liberté.
Chacun pourra s'adresser au président de la
classe 71, groupe XII, 3e sous-commission,
97, quai d'Orsav.
-O-
Commission Municipale des Beaux-
Arts — MM. Puvis de Chavannes, Paul Bau-
douin, peintres, Crauk, Aube, sculpteurs, Just
Lisch, architecte, Bracquemond, graveur, sont
maintenus en fonctions pour une nouvelle
période de trois ans, expirant le 31 décem-
bre 1900, comme membres de la commission
municipale des Beaux-Arts.
M. Formigé est nommé membre de cette com-
mission, dans la section d'architecture, en rem-
placement de M. Ginain, décédé.
-©-
Missions d'Art. — M. Anlony Valabrègue j
est chargé par la direction des Beaux-Arts d'une
mission à l'effet de continuer, dans les musées
et collections d'Allemagne, les études qu'il a
déjà commencées, en 1893, à Dresde, à Berlin, à
Potsdam, sur les maîtres de l'école française, et
plus particulièrement du xvme siècle.
Notre confrère s'occupera tout d'abord des
œuvres françaises qui se trouvent au Musée de
Carlsruhe et dans les collections du grand-duc
de Bade. Il ira ensuite à Mayence, à Darmstadt,
à Dusseldorf, à Brunswick, etc. Il étudiera entre
autres les œuvres assez nombreuses du statuaire
lloudon que possèdent certains musées alle-
mands, et la galerie ducale de Schwerin spécia-
lement.
A la suite de ce voyage d'art dans l'ouest et
dans le nord de l'Allemagne, M. Antony Vala-
brègue se rendra en Hollande.
Il se propose, tout en visitant les musées au
point de vue de l'histoire de l'art, de prendre
aussi des notes sur l'art industriel et de nous
renseigner sur les riches établissements fondés
dans ces dernières années pour aider au déve-
loppement des arts décoratifs en Allemagne.
—G—
Les entrées payantes aux Salons de
1898 ont donné un total de 348,000 francs dont
les deux tiers sont réparlis à la Société des Ar-
tistes français et un tiers à la Société nationale
des Beaux-Arts. Les entrées gratuites se sont
élevées à 32,500. La journée du l' r juillet, offerte
par les deux Sociétés d'artistes à la Société des
Amis du Louvre, a produit 2,760 francs de re-
celte.
_o_
Légion d'honneur. — Par décret du Prési-
dent de la République, M.Henner (Jean-Jacques),
artiste peintre, membre de l'Institut, titulaire de
la médaille d'honneur dans la section de peinture
au Salon de 1898, officier depuis le 11 juillet 1878,
est promu au grade de commandeurdans l'ordre
national de la Légion d'honneur.
-O-
Prix Marie Bashkirtseff et de Raicre-
court-Goyon. — A la suite du Salon de 1898,
ces deux prix ont été décernés, le premier à
M. Ant.-M.-A. Roux-Renard, auteur des ta-
bleaux : Au pays des chimères et La chambre de
Su^on; le second, à M. Ernesl-Gaslon Marché,
auteur des tableaux : Premier quartier, et Un
coin du parc Saint-Ange.
-O-
Ecole nationale des Beaux-Arts. — Par
décret présidentiel, rendu sur le rapport du Mi-
nistre del'Instruction publiqueet des Beaux-Arts,
M. Paul Dubois, statuaire, membre de l'Institut,
a été maintenu, pour une période de cinq années
commençant le 1er juin 1898, dans les fonctions
de Directeur de l'Ecole nationale et spéciale des
Beaux-Arts.
Par arrêté du ministre de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts, rendu sur la présentation du
Conseil supérieur d'enseignement et sur la pro-
BULLETIN DE L'A HT POUH TOUS. — N° 150
Salon de 1898
Le Carrelage en faïence
du Château de Polisy (Aube)
(Pl. 3733 et 3748)
Gracieusement situé à la jonction de la Laigne
et de la Seine, le château de Polisy appartint
longtemps à la famille des Dinleville qui donna
un évéque à Auxerre et des baillis à Troyes.
Fréquemment remanié, il ne resle guère au- j
jourd'hui du château de la Renaissance qu'une
des chambres à coucher, celle que François de
Dinteville, évéque d'Auxerre, avait ornée, entre
1545 et 1549, d'un magnifique carrelage.
C'est ce carrelage que notre collaborateur,
M. Ch. Chauvet, a relevé avec un grand talent
de décorateur et un scrupule rare, et qu'il a
exposé, cette année, au Salon des artistes fran-
çais.
Où et par quelles mains ce carrelage a-t-il été
exécuté? Les avis, à cet égard, sont partagés.
Longtemps on crut, avec M. Le Brun-Dal-
banne, que ce carrelage avait été exécuté, pour
l'évêque G. de Dinteville, pendant un séjour
qu'il fit en Italie, de 1539 à 1542, par les petits-
neveux de Robbia, qui ne cessèrent d'exercer
leur art que vers 1560 (1).
M. André Pottier, le premier, croyons-nous,
revendiqua celle œuvre comme sortant des ate-
liers français. « Si, dit-il, l'on a pu exécuter à
Rouen, en 1542, le pavage d'Écouen, rien n'em-
pêche que l'on ail fabriqué, en 1545, dans la
même ville ou ailleurs, le pavage de Polisy (2). »
Enfin, dans son savant Catalogue raisonné des
Carrelages vernissés, incrustés, historiés et fai en-
cés du Musée de Troyes (3), M. Louis Le Clerl, !
rapprochant habilement les dales inscrites sur le
pavage de Polisy, les couleurs qui entrent dans
sa décoration et les œuvres similaires connues
de la même époque, arrive à cette conclusion à j
laquelle nous nous rattachons volontiers :
« Il est permis d'admettre, comme l'a fait j
M. André Pottier, que le carrelage de Polisy a 1
pu être exécuté en France par des artistes ita- i
liens, soit à Rouen, comme le pense cet auteur, '
soit plutôt, d'après nous, à Nevers, ville plus
rapprochée que Rouen du siège épiscopal de
Guillaume de Dinteville. On devra évidemment
adopter cette dernière opinion, si l'on considère
(1) Le Brun-Dalbannc, Portefeuille archéologique de l'Aube.
(2) André Pottier, Histoire de la Faïence de Rouen.
(3; Au Musée de Troyes, rue Saint-Loup, 1892.
que l'évêque d'Auxerre fut le principal négocia- j
teur du mariage de Catherine de Médicis avec
Henri II et qu'il trouva un refuge, à Florence,
dans la famille de cette princesse, lorsqu'elle fut
forcée de s'expatrier à la suite de l'empoisonne-
ment du fils du roi. 11 dut certainement, par
reconnaissance et pour être agréable à la reine,
favoriser les artistes italiens qu'elle avait attirés
en France à sa suite, et, parmi eux, les faïen-
ciers qu'elle avait tenté d'installer à Nevers .»
Ce carrelage, qui a donné lieu à tant de con-
troverses, échantillon unique de la fabrication
française au milieu du xvie siècle, n'avait jamais
été relevé complètement et par un véritable
artiste.
Nos lecteurs apprendront avec plaisir que le
relevé de M. Charles Chauvet, qu'ils ont pu
remarquer cette année au Salon des artistes j
français et auquel Y Art pour tous a consacré deux
planches (p. 3733 et 3748), a valu ù son auteur
une troisième médaille dans la section d'archi-
tecture et qu'il fait partie des œuvres acquises
par l'État.
L. R. j
Échos
La décoration des fêtes publiques à
l'Exposition de 1900. —La classe 71 de l'Ex-
position de 1900 vient de décider de créer une
section spéciale de la décoration des fêtes pu-
bliques. Dans ce but, elle fait un appel à tous
ceux que leurs travaux antérieurs et leur expé-
rience reconnue indiquent tout d'abord ; mais
elle tient aussi à s'assurer le concours d'hommes
encore inconnus et d'artistes indépendants, aux-
quels elle veut réserver la plus grande liberté.
Chacun pourra s'adresser au président de la
classe 71, groupe XII, 3e sous-commission,
97, quai d'Orsav.
-O-
Commission Municipale des Beaux-
Arts — MM. Puvis de Chavannes, Paul Bau-
douin, peintres, Crauk, Aube, sculpteurs, Just
Lisch, architecte, Bracquemond, graveur, sont
maintenus en fonctions pour une nouvelle
période de trois ans, expirant le 31 décem-
bre 1900, comme membres de la commission
municipale des Beaux-Arts.
M. Formigé est nommé membre de cette com-
mission, dans la section d'architecture, en rem-
placement de M. Ginain, décédé.
-©-
Missions d'Art. — M. Anlony Valabrègue j
est chargé par la direction des Beaux-Arts d'une
mission à l'effet de continuer, dans les musées
et collections d'Allemagne, les études qu'il a
déjà commencées, en 1893, à Dresde, à Berlin, à
Potsdam, sur les maîtres de l'école française, et
plus particulièrement du xvme siècle.
Notre confrère s'occupera tout d'abord des
œuvres françaises qui se trouvent au Musée de
Carlsruhe et dans les collections du grand-duc
de Bade. Il ira ensuite à Mayence, à Darmstadt,
à Dusseldorf, à Brunswick, etc. Il étudiera entre
autres les œuvres assez nombreuses du statuaire
lloudon que possèdent certains musées alle-
mands, et la galerie ducale de Schwerin spécia-
lement.
A la suite de ce voyage d'art dans l'ouest et
dans le nord de l'Allemagne, M. Antony Vala-
brègue se rendra en Hollande.
Il se propose, tout en visitant les musées au
point de vue de l'histoire de l'art, de prendre
aussi des notes sur l'art industriel et de nous
renseigner sur les riches établissements fondés
dans ces dernières années pour aider au déve-
loppement des arts décoratifs en Allemagne.
—G—
Les entrées payantes aux Salons de
1898 ont donné un total de 348,000 francs dont
les deux tiers sont réparlis à la Société des Ar-
tistes français et un tiers à la Société nationale
des Beaux-Arts. Les entrées gratuites se sont
élevées à 32,500. La journée du l' r juillet, offerte
par les deux Sociétés d'artistes à la Société des
Amis du Louvre, a produit 2,760 francs de re-
celte.
_o_
Légion d'honneur. — Par décret du Prési-
dent de la République, M.Henner (Jean-Jacques),
artiste peintre, membre de l'Institut, titulaire de
la médaille d'honneur dans la section de peinture
au Salon de 1898, officier depuis le 11 juillet 1878,
est promu au grade de commandeurdans l'ordre
national de la Légion d'honneur.
-O-
Prix Marie Bashkirtseff et de Raicre-
court-Goyon. — A la suite du Salon de 1898,
ces deux prix ont été décernés, le premier à
M. Ant.-M.-A. Roux-Renard, auteur des ta-
bleaux : Au pays des chimères et La chambre de
Su^on; le second, à M. Ernesl-Gaslon Marché,
auteur des tableaux : Premier quartier, et Un
coin du parc Saint-Ange.
-O-
Ecole nationale des Beaux-Arts. — Par
décret présidentiel, rendu sur le rapport du Mi-
nistre del'Instruction publiqueet des Beaux-Arts,
M. Paul Dubois, statuaire, membre de l'Institut,
a été maintenu, pour une période de cinq années
commençant le 1er juin 1898, dans les fonctions
de Directeur de l'Ecole nationale et spéciale des
Beaux-Arts.
Par arrêté du ministre de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts, rendu sur la présentation du
Conseil supérieur d'enseignement et sur la pro-
BULLETIN DE L'A HT POUH TOUS. — N° 150