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Bulletin de l' art pour tous — 1903

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No 206 (Février1903)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19292#0005
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LARTPOUR-TOUS ■"

Encyclopédie vf l-artindustriel et décora tîe

joaravssarit tous les 111,0ts

FONDÉ PAR EMILE REIBER

Directeur: Henry CUÉDY, architecte (S. A.

Litrairies-imprimeries réunies

J^^^SSSM^M^S^S^M^^Èn^^. Ç\ PARIS /-) i^y^'rtt.r^'fahr^nr^;)!-.-.^ >c-0.-c^ ir^ûrzxA

7, rue Saint-Benoît

42e Année ^— —Février 1903

FRA GIOCONDO DE VÉRONE |

Architecte de Louis XII )

- I

La biographie du célèbre architecte de
Louis XII est encore si incomplète et si incer-
taine qu'on accueillera sans doute avec bien-
veillance les notes que nous avons réunies à son
sujet. Elles ont ajouté quelques faits nouveaux
aux recherches du P. Marchese, de MM. de Gey-
mùller, Palustre, Muntz, etc.

Le séjour en France de Fra Giocondo est
constaté en 1497 et paraît s'être prolongé jus-
qu'en 1506. On voudrait savoir avec certitude
les constructions qu'il a dirigées; on sait, du !
moins, qu'il s'est occupé d'enseignement, et un
passage de Guillaume Budé (Annotationes in
Pandectas) rapporte qu'il fit à Paris un cours sur
Vitruve. Le témoignage suivant, qui n'est mal-
heureusement pas daté, vient à l'appui du texte
de l'helléniste français et nous apprend en même
temps que l'illustre hébraïsant Lefèvre d'Élaples
était au nombre des auditeurs du moine de
Vérone. On le trouve dans le volume intitulé :
Logica Aristotelis ex tertia recognitione (Fabro
Stapulensi ordinatore), Paris, Henri Estiennc,
1520, in-fol., fol. 14, à un curieux passage sur la
rareté clu bois d'ébène :

Hebenus arbor quœ in India nascitur cujus
lignwn nimio nigrore sui resplendens oculis per-
gratum esse perhibetur, suisque regibus hujus
ligni tributum Persœ pendere soient. Et Joannes
Jucundus superiore anno, cûm recitaret Vitru-
vium, hujus arboris ad lineandas ebartas unius
lignei canonis nobis pergratum fecit aspectum.

Le nom de Fra Giocondo figure une autre fois
dans l'ouvrage de Lefèvre d'Élaples, au milieu ;
d'une énumôration d'humanistes parisiens; la
place très honorable qu'il y occupe ne doit point
étonner, quand on pense à l'érudition classique
du savant éditeur de Vitruve et de César, qui
découvrit en France un important manuscrit des
lettres de Pline le Jeune. Voici le texte : Est in
hoc clarissimo gymnasio Faustus (Andrelinits),
est Joannes Lascaris Rhyndacenus, est Jocundus
Veronensis. est Paulus lEmylius, Hermonymus
Spartanus., Budeus... {îo\.ll).

Un lettré aussi instruit que Fra Giocondo, et
qui faisait marcher de front, comme tant
d'hommes de son temps, les travaux de l'ingé-
nieur ou de l'architecte et les éludes du philolo-
gue, devait posséder une bibliothèque ; tout au
moins, si ses nombreux voyages ne lui permet- !
taienl pas de former une véritable collection, il
avait des manuscrits qu'il serait intéressant de
retrouver. Un Tacile écrit de sa main existait, en
l'année 1595, dans la bibliothèque de Fulvio
Orsini, à Home ; c'est la dale des Fragmenta
historicorum de ce savant. (Anvers, Plantin), où
nous trouvons, à la page 423, cette mention :
(Codex) quem habeo domi scriptum manu accu-
rati viri Jocundi Veronensis. Le seul manuscrit
de Fra Giocondo que nous ayons rencontré est
le n° 2823 clu fonds grec de la Bibliothèque
nationale de Paris; il a été exécuté à Padoue,
par l'imprimeur Zacharie Gallergi, en un petit
format portatif, etconlienl deux comédies d'Aris-
tophane el deux tragédies d'Euripide, avec des
scholies; sur la dernière est la signature : Ioa.
Iucundus. Ce manuscrit nous apprend que Fra
Giocondo, connu seulement comme latiniste,
s'occupait également d'éludés grecques. On
aurait pu s'en douter déjà, rien qu'en songeant
à ses relations intimes, à Venise, avec le grand
propagateur de l'hellénisme, AldeManuce, dans
la maison de qui lout le monde savait parler le
grec.

Le document qui va suivre est précisément
une lettre de Fra Giocondo à Aide, écrite de

Rome en 1514. C'est la première lettre de lui qui
soit connue et nous en avons transcrit l'original
italien à la Bibliothèque Valicane. Le texte a été
publié clans notre recueil de pièces inédiles
intitulé : Les Correspondants d'Aide Manuce.
Il a paru utile d'en donner aussi une traduction.
Les renseignemenls qui s'y trouvent jettent une
certaine lumière sur le séjour de Fra Giocondo
à Rome.

Rappelons que Fra Giocondo, déjà octogé-
naire, avait été appelé de Venise par Léon X,
pour prendre avec Raphaël la direction des Ira-
vaux de Saint-Pierre, après la mort de Bra-
manle. On remarquera qu'il ne fait pas la
moindre mention de son jeune collaborateur,
silence qu'il est difficile d'attribuer à la modestie.
En revanche, il se montre lui-même accablé de
faveurs, logé par le pape auprès du Vatican,
comblé d'argent et de présents ; c'est le cardi-
nal Bibbiena, l'ami de Raphaël, qui est chargé
de payer sa principale pension el de satisfaire à
tous ses désirs.

Pour comprendre la seconde partie de la
lettre, il faut se rappeler que Fra Giocondo
venait de publier, cette môme année, chez l'im-
primeur vénitien, une édition de Columelle et
des autres agronomes romains et qu'il l'avait
dédiée à Léon X. Il avait travaillé aussi au
recueil cle grammairiens latins paru en novem-
bre 1513, chez Aide, à la suites des Cornucopiœ
de Perolli ; il avait notamment collationnc le
texte de Nonius avec des manuscrits de Paris.
Ces travaux, et quelques œuvres d'art, avaient
occupé une bonne partie du séjour qu'il avait
fait à Venise ou à Vérone depuis son retour de
France. Mais laissons parler le bon moine :

« Au seigneur Aide, homme très instruit
et très ami.

A Venise.

« Mon très cher messer Aide,
« Au milieu des chaleurs extrêmes el fort
dangereuses qu'il fait ici, chacun cherche à vivre
et à°se tenir en santé; on ne parle point d'autre
chose. Bernardino est malade, ainsi qu'un aulre
(serviteur) que j'ai amené avec moi de Venise,
et jusqu'à présent ils me coûtent de bonsducals.
De quelle manière j'étais attendu et comme j'ai
été bien accueilli de beaucoup de monde el
surtout du Souverain Pontife, les résultats le
montrent assez. Je ne vous dirai pas de longues
paroles, mais des faits. Tout d'abord le Pape
m'a donné cent ducals d'or de chambre ; puis il
m'a payé quatre-vingts ducats cle carlins pour le
loyer d'une année d'une maison choisie près du
Palais (Vatican) et cle Saint-Pierre. C'est là que
• j'habite à présent : il y a jardins, loges, etc.
| Puis il m'a donnélegouverncmenldela Fabrique
| de Saint-Pierre, ce qui produit de grands profits
et monte à une somme de trois cenls ducats par
an, plus encore, me dil-on. Puis le Pape m'a
constitué une pension annuelle de quatre cents
j ducals d'or cle chambre, payés par le cardinal
de Sainle-Marie in Portico, sur une simple quit-
tance de ma main, quand je le veux et comme je
le veux. J'en ai déjà préalablement louché cent
cinquante, et le cardinal en question m'a dit, de
la part cle Notre Seigneur, que celte provision
est pour l'ordinaire el que je n'aie pas à y regar-
der, mais que plus je voudrai, plus on me don-
nera. Je n'ai qu'à demander et à tâcher de vivre
' el de l'aire bonne chère, le désir du Pape étant
de prolonger ma vie le plus possible. J'ai entendu
de sa bouche même, trois ou quatre fois, des
paroles du même genre el cle plus généreuses
encore. D'autre part, on m'a donné deux bonnes
mules, une futaille cle bon vin rouge et une autre
de bon vin blanc.

j « Vos Columelle el vos Cornucopiœ sont
arrivés. Je m'étonne que vous n'ayez pas écrit
qu'on m'en donne. Pour les Cornucopiœ, il est
raisonnable que j'en aie encore un ou deuxexem-
plaires, en considération de mon Nonius et de
Festus Pompeius. Pour les Columelle, nous
étions convenus qu'on me donnerait dix ducats
et dix exemplaires, et que, pour les autres
(livres) auxquels j'ai collaboré, vous m'en feriez
aussi une bonne pelite pari. Ainsi, messer Aide,
toute chose promise est due, à moins que lepro-
mitto promittis ne doive être qu'un vain mot.
Aussitôt les Columelle arrivés, j'en ai fait relier
un pour l'offrir au Pape. L'occasion se présen-
tera de lui parler de vous et je le ferai gaillar-
dement. J'aurais beaucoup de choses à vous
écrire, mais le loisir me manque. Communiquez
les présents détails sur mon compte à messer
André Navagero el recommandez-moi à lui.
« Rome, 2 août 1514.

« El vostro frater Jo. Jocundo. »

Dans les notes qu'a publiées la Galette des
\ Beaux-Arts sur les architectes de Saint-Pierre
(1879, II, p. 520), M. Muntz a supposé, en divi-
sant, à raison cle 25 ducats par mois, la somme
cle 500 ducats portée au compte de Fra Giocondo
sur les registres de la Fabrique de Sainl-Pierre,
que ses fonctions ont dû se prolonger vingt mois.
Comme il est mort le Ie1'juilIeL 1515, cela repor-
terait nu 1er décembre 1513 l'époque où il fut
attaché aux travaux de la Basilique; il aurait
donc rempli celle charge du vivant de Bramante,
mort le 11 mars 1514. Nous croyons, au con-
traire, qu'il n'y a élô appelé qu'après la mort du
grand architecte el à peu près en même temps
que Raphaël. On ne peut guère se fier à un cal-
cul d'appointements, puisque nous voyons que
Fra Giocondo recevait des sommes dont le
chiffre n'était pas fixé, el les 500 ducats au compte
de la Fabrique ont pu lui être attribués en beau-
coup moins cle temps qu'on ne pense. D'autre
; part, le début de la leltre indique clairement
qu'il vient d'arriver à Rome et que la fonction de
• directeur des travaux lui a été attribuée depuis
assez peu cle temps. Il n'annoncerait pas ainsi
celle nouvelle à ses amis de Venise, si, comme
on le voit dans l'hypothèse de M. Muntz, il
venait de faire lui-même, quelques mois plus
tôt, le voyage cle Rome à Venise.

Nous pouvons savoir à quel moment il a quitté
Venise pour aller à Rome Navagero, dans une
leltre clu 10 mai 1514, demande à un ami si le
Fra est parti. Le 15 mai, celui-ci date encore de
Venise l'épître dédicatoire à Léon X cle sa col-
lection des agronomes imprimée chez Aide.
Mais, le 1" juillet, il est Installé à Rome, car
Raphaël, dans une leltre à son oncle, annonce,
comme une chose d'ailleurs toute récente, qu'on
vient de lui adjoindre, pour les travaux de la
Basilique, Fra Giocondo, « homme cle grande
réputation et très docle, âgé de plus cle quatre-
vingls ans ». C'est donc, en toute sécurité, au
mois de juin 1514, qu'il faut fixer l'arrivée à
Rome du collaborateur de Raphaël.

Le vieil arliste ne fil pas profiler longtemps
son cadel des conseils de son expérience. Soit
que ses nouveaux efforts de travail aient épuisé
ses dernières forces, soit qu'il n'ait pu résister à
la «bonnechère» que lui recommandait LéonX,
il ne survécut guère plus d'une année à son
arrivée à Rome. Sa leltre nous fait assez bien
connaître son caractère. Jovial et bon vivant, ne
dédaignant point le vino vermiglio et les pensions
pontificales, sûr de son talent el un peu grisé
par ses succès, tel nous apparaît, dans l'intimité
cle sa causerie avec un ami, le moine-architecte
que les Français du xviu siècle appelaient « le
' frère Joyeux ». — P. de Nolhac.

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. —

N° 20G.
 
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