N° 3
PARAISSANT TOUS LES MOIS
MAI 1902
BULLETIN
DES MUSÉES ROYAUX
DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS
(Antiquités, Industries d'Art, Art monumental et décoratif, Armes et Armures, Ethnographie)
A BRUXELLES
ABONNEMENTS :
Pour la Belgique ...... 5 francs. | Pour l'Etranger.. . 6 fr. 50.
Le numéro : 50 centimes.
LA SECTION DE LA PEINTURE
DÉCORATIVE ET LA GALERIE DE LA
BELGIQUE MONUMENTALE
IL nous est arrivé à tous d’avoir, à l’improviste,
visité pour la première fois quelque ville de pro-
vince et d’en être revenu surpris autant qu’émer-
veillé des trésors artistiques que nous venions d’y
« découvrir ».
Les retours sur nous-mêmes vont leur train dans
ces moments-là. « Nous ne connaissons vraiment
pas notre pays. Est-ce la peine d’aller quérir au
loin des impressions d’art quand, sans passer la
frontière, nous pouvons trouver tout aussi bien
chez nous, à peu de peine et à moindres frais ?
etc. »
Mais les salutaires réflexions ne durent guère.
Nous n’entreprenons pas plus pour cela le pèleri-
nage de nos trésors nationaux et, aux premiers jours
de liberté, c’est vers les « plages lointaines » que
nous prenons de nouveau notre vol.
Quelle est donc la raison de cette façon de faire
étrange et illogique ?
Il est certain que nos monuments pâtissent, à
leur façon, de cette tendance, naturelle chez
l’homme, que traduit l’axiome : nul n’est pro-
phète en son pays
Le lointain communique à toutes choses une
attirance particulière ; la distance qui nous en sé-
pare et qu’il faut franchir pour les atteindre leur
donne, semble-t-il, une valeur de plus.
Voyager au loin nous fait, du reste, sortir da-
vantage de nous-mêmes. Tandis que nous nous
trouvons constamment « en pays de connaissance»
devant les manifestations d’une vie publique, dont
nous faisons partie, nous aussi, ce que nous ren-
controns à l’étranger nous réserve, au contraire,
presque toujours du nouveau, du piquant, de l’iné-
dit, et la saveur du voyage en devient naturelle-
ment tout autre.
Je fais certes la part large à ces dispositions.
Mais il est un autre motif encore pour lequel le
voyage au dehors l’emporte d’ordinaire sur l’autre,
motif un peu paradoxal, en apparence, mais, au
fond, très réel et très positif : c’est qu’avant même
de les avoir vus nous connaissons les monuments
étrangers beaucoup mieux que les nôtres. On en
parle davantage, nous les entendons vanter, nous
lisons ce qui paraît sur eux, leurs représentations
nous passent constamment sous les yeux, si bien
qu’aiguillonnés, suggestionnés nous voulons égale-
ment aller les voir et nous mettre à même d’en
parler à notre tour.
S’il en est ainsi, la conclusion ne s’impose-t-elle
pas aussitôt ? C’est que nous fassions un peu
mieux connaître, pareillement, les belles choses de
notre pays, c’est que nous révélions leur existence
à ceux qui ne semblent pas s’en douter, c’est que
nous en fassions ressortir les mérites, que nous
travaillions, en un mot, à les mettre en valeur.
Une revue gantoise, dont nous aimons à em-
prunter les idées, la Petite revue illustrée de l'art
en Flandre, se livrait tout récemment à des réfle-
xions fort justes et très pratiques à ce propos.
« La ville de Gand, disait l’article, qui fait tant
PARAISSANT TOUS LES MOIS
MAI 1902
BULLETIN
DES MUSÉES ROYAUX
DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS
(Antiquités, Industries d'Art, Art monumental et décoratif, Armes et Armures, Ethnographie)
A BRUXELLES
ABONNEMENTS :
Pour la Belgique ...... 5 francs. | Pour l'Etranger.. . 6 fr. 50.
Le numéro : 50 centimes.
LA SECTION DE LA PEINTURE
DÉCORATIVE ET LA GALERIE DE LA
BELGIQUE MONUMENTALE
IL nous est arrivé à tous d’avoir, à l’improviste,
visité pour la première fois quelque ville de pro-
vince et d’en être revenu surpris autant qu’émer-
veillé des trésors artistiques que nous venions d’y
« découvrir ».
Les retours sur nous-mêmes vont leur train dans
ces moments-là. « Nous ne connaissons vraiment
pas notre pays. Est-ce la peine d’aller quérir au
loin des impressions d’art quand, sans passer la
frontière, nous pouvons trouver tout aussi bien
chez nous, à peu de peine et à moindres frais ?
etc. »
Mais les salutaires réflexions ne durent guère.
Nous n’entreprenons pas plus pour cela le pèleri-
nage de nos trésors nationaux et, aux premiers jours
de liberté, c’est vers les « plages lointaines » que
nous prenons de nouveau notre vol.
Quelle est donc la raison de cette façon de faire
étrange et illogique ?
Il est certain que nos monuments pâtissent, à
leur façon, de cette tendance, naturelle chez
l’homme, que traduit l’axiome : nul n’est pro-
phète en son pays
Le lointain communique à toutes choses une
attirance particulière ; la distance qui nous en sé-
pare et qu’il faut franchir pour les atteindre leur
donne, semble-t-il, une valeur de plus.
Voyager au loin nous fait, du reste, sortir da-
vantage de nous-mêmes. Tandis que nous nous
trouvons constamment « en pays de connaissance»
devant les manifestations d’une vie publique, dont
nous faisons partie, nous aussi, ce que nous ren-
controns à l’étranger nous réserve, au contraire,
presque toujours du nouveau, du piquant, de l’iné-
dit, et la saveur du voyage en devient naturelle-
ment tout autre.
Je fais certes la part large à ces dispositions.
Mais il est un autre motif encore pour lequel le
voyage au dehors l’emporte d’ordinaire sur l’autre,
motif un peu paradoxal, en apparence, mais, au
fond, très réel et très positif : c’est qu’avant même
de les avoir vus nous connaissons les monuments
étrangers beaucoup mieux que les nôtres. On en
parle davantage, nous les entendons vanter, nous
lisons ce qui paraît sur eux, leurs représentations
nous passent constamment sous les yeux, si bien
qu’aiguillonnés, suggestionnés nous voulons égale-
ment aller les voir et nous mettre à même d’en
parler à notre tour.
S’il en est ainsi, la conclusion ne s’impose-t-elle
pas aussitôt ? C’est que nous fassions un peu
mieux connaître, pareillement, les belles choses de
notre pays, c’est que nous révélions leur existence
à ceux qui ne semblent pas s’en douter, c’est que
nous en fassions ressortir les mérites, que nous
travaillions, en un mot, à les mettre en valeur.
Une revue gantoise, dont nous aimons à em-
prunter les idées, la Petite revue illustrée de l'art
en Flandre, se livrait tout récemment à des réfle-
xions fort justes et très pratiques à ce propos.
« La ville de Gand, disait l’article, qui fait tant


