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BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
mais on ne torturait plus le texte d'une inscription
d’une façon invraisemblable et Mobilier se rallia sans
hésitation à cette lecture. Datée ou non, la châsse
de Saint-Benoît-sur-Loire ne nous apporte, en l’oc-
FIG. 5. - BOUCLE DE TARA.
( D’après VEarly Christian art in Ireland.)
currence, aucun élément certain de comparaison.
Si nous l'avons citée, c’est parce que, grâce à sa
forme, on associe son origine à celle de Saint-Bon-
net d’Avalouze.
A notre avis, lorsqu'on étudie la châsse d’An-
denne, il n’est pas possible de sortir des produc-
tions de la période barbare ou de leurs dérivés. En
effet, la châsse d’Andenne ne nous paraît pas se
rattacher directement à l’époque barbare, mais
plutôt aux données de l’art irlandais. Cette convic-
tion m’est venue surtout en parcourant les ouvrages
de Lindenschmidt, de Boulanger, de Montelius, de
l’abbé Cochet, de de Baye, etc.; nulle part on n’y
trouve de similitude frappante, décisive, avec notre
pièce. On n’y rencontre que des analogies plus ou
moins sensibles, ainsi que mon collègue et ami le
baron de Loë le constata lui-même. Ce phénomène
s'explique par cette circonstance qu’irlandais,
Anglo-Saxons et leurs élèves n’ont pas reproduit
servilement les thèmes qu’ils tenaient des artisans
de l’époque barbare. Ils ont eu des interprétations
personnelles ; et même dans leurs variations les
plus exacerbées, on entrevoit toujours le thème-
original.
Qu’il nous soit permis de jeter un nouveau
coup d’œil sur le petit reliquaire d’Andenne.
Remarquable entre tous les éléments est ce motif
d’entrelacs qui recouvre la face principale de la
châsse. Il accuse un sens du décor, une virtuosité
même qu’on ne s'expliquerait guère sans une tra-
dition fortement ancrée. Il nous suffira de citer
les broches ou fibules de Tara (flg. 5), de Roscrea
et celle d’Ardagh surtout, pour y constater quelle
vigueur de style et quelle fermeté de tracé les orfè-
vres irlandais ont déployées dans l’interprétation
de ces entrelacs. Us ne le cèdent pas à ces autres
Irlandais enlumineurs des livres de Kells et des
livres de Durrow dont l’ouvrage de Marg. Stokes
nous donne des spécimens.
On remarque aussi sur la châsse d’Andenne les.
entrelacs des versants du toit exécutés à main libre.
Si on examine chacun des triangles, on constate
que tous les traits s’enchaînent de la façon la plus
étroite, de manière à former un trèfle surmonté de
deux 8, etc. D’un triangle à l’autre, il y a des diver-
gences, mais elles sont minimes et peu apparentes ;
elles suffisent néanmoins à laisser à l’objet le
charme d’une œuvre exécutée sans contrainte et
sans froide symétrie. Le choix même de la forme
triangulaire n'est pas indifférent ; on la rencontre
souvent dans des objets irlandais, entre autres.
(D’après VEarly Christian art in Ireland, fig. 39, by
Marg. Stokes.)
dans les boucles citées précédemment, dans les
crosses de Dympna (fig. 6), dans la crosse irlandaise
du Musée d’Edimbourg (fig. 7) et dans celle de
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
mais on ne torturait plus le texte d'une inscription
d’une façon invraisemblable et Mobilier se rallia sans
hésitation à cette lecture. Datée ou non, la châsse
de Saint-Benoît-sur-Loire ne nous apporte, en l’oc-
FIG. 5. - BOUCLE DE TARA.
( D’après VEarly Christian art in Ireland.)
currence, aucun élément certain de comparaison.
Si nous l'avons citée, c’est parce que, grâce à sa
forme, on associe son origine à celle de Saint-Bon-
net d’Avalouze.
A notre avis, lorsqu'on étudie la châsse d’An-
denne, il n’est pas possible de sortir des produc-
tions de la période barbare ou de leurs dérivés. En
effet, la châsse d’Andenne ne nous paraît pas se
rattacher directement à l’époque barbare, mais
plutôt aux données de l’art irlandais. Cette convic-
tion m’est venue surtout en parcourant les ouvrages
de Lindenschmidt, de Boulanger, de Montelius, de
l’abbé Cochet, de de Baye, etc.; nulle part on n’y
trouve de similitude frappante, décisive, avec notre
pièce. On n’y rencontre que des analogies plus ou
moins sensibles, ainsi que mon collègue et ami le
baron de Loë le constata lui-même. Ce phénomène
s'explique par cette circonstance qu’irlandais,
Anglo-Saxons et leurs élèves n’ont pas reproduit
servilement les thèmes qu’ils tenaient des artisans
de l’époque barbare. Ils ont eu des interprétations
personnelles ; et même dans leurs variations les
plus exacerbées, on entrevoit toujours le thème-
original.
Qu’il nous soit permis de jeter un nouveau
coup d’œil sur le petit reliquaire d’Andenne.
Remarquable entre tous les éléments est ce motif
d’entrelacs qui recouvre la face principale de la
châsse. Il accuse un sens du décor, une virtuosité
même qu’on ne s'expliquerait guère sans une tra-
dition fortement ancrée. Il nous suffira de citer
les broches ou fibules de Tara (flg. 5), de Roscrea
et celle d’Ardagh surtout, pour y constater quelle
vigueur de style et quelle fermeté de tracé les orfè-
vres irlandais ont déployées dans l’interprétation
de ces entrelacs. Us ne le cèdent pas à ces autres
Irlandais enlumineurs des livres de Kells et des
livres de Durrow dont l’ouvrage de Marg. Stokes
nous donne des spécimens.
On remarque aussi sur la châsse d’Andenne les.
entrelacs des versants du toit exécutés à main libre.
Si on examine chacun des triangles, on constate
que tous les traits s’enchaînent de la façon la plus
étroite, de manière à former un trèfle surmonté de
deux 8, etc. D’un triangle à l’autre, il y a des diver-
gences, mais elles sont minimes et peu apparentes ;
elles suffisent néanmoins à laisser à l’objet le
charme d’une œuvre exécutée sans contrainte et
sans froide symétrie. Le choix même de la forme
triangulaire n'est pas indifférent ; on la rencontre
souvent dans des objets irlandais, entre autres.
(D’après VEarly Christian art in Ireland, fig. 39, by
Marg. Stokes.)
dans les boucles citées précédemment, dans les
crosses de Dympna (fig. 6), dans la crosse irlandaise
du Musée d’Edimbourg (fig. 7) et dans celle de