ET DE LA CURIOSITÉ.
II
M. le comte de Nieuwerkerke à une lettre
adressée par M. Ingres à l'Institut. Dans cette
réponse, l’ex-administration provisoire du
musée Napoléon III est attaquée. Permettez-
nous donc, à nous qui composions l’adminis-
tration désignée, de répondre à notre tour, et
d’établir quelques faits irrécusables.
Au mois de février 1861, un jeune savant
envoyé en mission, M. Heuzey, s’arrêtait à
Rome. Là, il apprenait qu’àl’improviste, sans
que les négociations en eussent transpiré, la
Russie venait d’acheter un certain nombre
d’objets faisant partie des collections Cam-
pana. A la date du 3 mars, il expédiait à Paris
une dépêche télégraphique annonçant ce fait
non prévu; car, depuis la saisie du musée
Campana par l’administration du mont-de-
piété de Rome, saisie remontant à plus de
trois ans, le gouvernement pontifical s’était
réservé de pouvoir racheter ces collections
pour compléter les siennes. Aussi le gouver-
nement français avait-il abandonné toute idée
antérieure d’achat.
La dépêche de M. Heuzey était suivie de
deux lettres de lui, du 6 et du 11 mars, toutes
deux contenant des explications détaillées sur
le musée Campana ; dépêche et lettre pas-
saient sous les yeux de l’Empereur. Au même
moment, l’ambassadeur de France à Rome,
M.le duc de Grammont, avertipar M. Schnetz,
directeur de l’Académie, faisait de son côté
la même communication.
M. L éon Renier, membre de l’Institut, qui
déjà avait été envoyé à Rome l’année précé-
dente, fut immédiatement appelé par l’Empe-
reur et chargé d’y retourner, afin de savoir à
quel prix et comment on pourrait traiter de
l’acquisition du musée. M. Renier, séance
tenante, demanda qu’un artiste, M. Cornu, lui
fut adjoint, l’Empereur y consentit, et, le
22 mars, les deux commissaires partaient
pour Rome, sans que le but de leur voyage
eût été ébruité. C’était chose nécessaire pour
arriver à un résultat; car l’administration du
British Muséum de Londres avait à R,ome un
de ses directeurs, le savant archéologueNew-
ton, qui négociait une acquisition.
Le choix de commissaires étrangers à l’ad-
ministration fut sans doute fait en vue du
secret momentané et absolu qui devait présider
aux commencements de la négociation.
Deux mois plus tard, M. Clément était
également envoyé à Rome pour aider les
commissaires à recevoir, pièce par pièce, les
collections définitivement acquises, à faire
emballer, à expédier, accompagner, déballer
et classer les 860 grandes caisses contenant
le musée.
Le contrat d’achat fut signé le 20 mai par
M. le duc de Grammont et le cardinal Anto-
nelli. Le 22 mai, M. le comte de Nieuwer-
kerke arrivait à Rome ; il en repartait le 2 juin»
sans avoir eu le temps de recevoir le musée,
qui alors était jugé devoir entrer dans les
attributions du ministre d’Etat, et, par consé-
quent, ne relevait plus de son administration-
Au mois de juin 1861, MM. Cornu et Clé-
ment étaient nommés par S. Exc. le ministre
d’Etat, à titre provisoire, administrateur et
administrateur adjoint, et, plus tard, M. Sa"
glio était attaché à l’administration. Le 1er mai
1862, le musée Napoléon III, déballé et classé
pendant l’hiver, était ouvert, onze mois après
la signature du contrat d’achat.
Le public a jugé l’acquisition et l’exposi-
tion.
La lettre de M. le comte de Nieuwerkerke
nous reproche d’avoir désiré que le musée
Napoléon III ne fût pas réuni au Louvre et
qu’il continuât de subsister comme musée
distinct.
Nous ne nous en défendons pas. Oui, nous
avons dit que ces collections formaient un
ensemble d’œuvres, tel que l’industrie fran-
çaise pourrait et devrait s’en inspirer ; mais
que, pour qu’il en fût, ainsi, il serait à dési-
rer qu’elles restasssentaffectées spécialement
à ce but, qu’elles servissent à un enseignement
pratique, que des cours d’art appliqué à l’in-
dustrie, des leçons sur les moyens et procé-
dés antiques, sur la beauté de laforme, sur le
goût, toutes choses qui s’enseignent, mais se
devinent rarement, fussent institués près de
ce musée-école.Londres a son British Muséum,
sa National Gallery qui répondent à notre
Louvre, où le public amateur, le savant,
l’artiste vont admirer les chefs-d’œuvre de
l’art. Qu’avons-nous qui réponde à son
musée Kensington , avec son enseignement ap-
pliqué à l’industrie, ses études et ses cours?
Au reste, nous ne revendiquons pas pour
nous l’initiative de cette idée d’un musée-
école. Elle fut émise par des articles et sur-
tout par les industriels qui se pressaient dans
les galeries du musée Napoléon III, et qui,
dans le courant du premier mois, avaient
déjà demandé près de 600 cartes d’étude pour
examiner et dessiner les bijoux, les émaux,
les bronzes, les terres cuites, les vases, etc.,
de la collection. Cette idée, elle était exprimée
par diiïérents organes de la presse; elle ins-
pirait une pétition adressée à S. Exc. le mi-
nistre d’Etat et signée par des artistes et des
industriels.
Ainsi que le dit M. le comte de Nieuwer-
kerke, oui, nous eussions trouvé ce musée
II
M. le comte de Nieuwerkerke à une lettre
adressée par M. Ingres à l'Institut. Dans cette
réponse, l’ex-administration provisoire du
musée Napoléon III est attaquée. Permettez-
nous donc, à nous qui composions l’adminis-
tration désignée, de répondre à notre tour, et
d’établir quelques faits irrécusables.
Au mois de février 1861, un jeune savant
envoyé en mission, M. Heuzey, s’arrêtait à
Rome. Là, il apprenait qu’àl’improviste, sans
que les négociations en eussent transpiré, la
Russie venait d’acheter un certain nombre
d’objets faisant partie des collections Cam-
pana. A la date du 3 mars, il expédiait à Paris
une dépêche télégraphique annonçant ce fait
non prévu; car, depuis la saisie du musée
Campana par l’administration du mont-de-
piété de Rome, saisie remontant à plus de
trois ans, le gouvernement pontifical s’était
réservé de pouvoir racheter ces collections
pour compléter les siennes. Aussi le gouver-
nement français avait-il abandonné toute idée
antérieure d’achat.
La dépêche de M. Heuzey était suivie de
deux lettres de lui, du 6 et du 11 mars, toutes
deux contenant des explications détaillées sur
le musée Campana ; dépêche et lettre pas-
saient sous les yeux de l’Empereur. Au même
moment, l’ambassadeur de France à Rome,
M.le duc de Grammont, avertipar M. Schnetz,
directeur de l’Académie, faisait de son côté
la même communication.
M. L éon Renier, membre de l’Institut, qui
déjà avait été envoyé à Rome l’année précé-
dente, fut immédiatement appelé par l’Empe-
reur et chargé d’y retourner, afin de savoir à
quel prix et comment on pourrait traiter de
l’acquisition du musée. M. Renier, séance
tenante, demanda qu’un artiste, M. Cornu, lui
fut adjoint, l’Empereur y consentit, et, le
22 mars, les deux commissaires partaient
pour Rome, sans que le but de leur voyage
eût été ébruité. C’était chose nécessaire pour
arriver à un résultat; car l’administration du
British Muséum de Londres avait à R,ome un
de ses directeurs, le savant archéologueNew-
ton, qui négociait une acquisition.
Le choix de commissaires étrangers à l’ad-
ministration fut sans doute fait en vue du
secret momentané et absolu qui devait présider
aux commencements de la négociation.
Deux mois plus tard, M. Clément était
également envoyé à Rome pour aider les
commissaires à recevoir, pièce par pièce, les
collections définitivement acquises, à faire
emballer, à expédier, accompagner, déballer
et classer les 860 grandes caisses contenant
le musée.
Le contrat d’achat fut signé le 20 mai par
M. le duc de Grammont et le cardinal Anto-
nelli. Le 22 mai, M. le comte de Nieuwer-
kerke arrivait à Rome ; il en repartait le 2 juin»
sans avoir eu le temps de recevoir le musée,
qui alors était jugé devoir entrer dans les
attributions du ministre d’Etat, et, par consé-
quent, ne relevait plus de son administration-
Au mois de juin 1861, MM. Cornu et Clé-
ment étaient nommés par S. Exc. le ministre
d’Etat, à titre provisoire, administrateur et
administrateur adjoint, et, plus tard, M. Sa"
glio était attaché à l’administration. Le 1er mai
1862, le musée Napoléon III, déballé et classé
pendant l’hiver, était ouvert, onze mois après
la signature du contrat d’achat.
Le public a jugé l’acquisition et l’exposi-
tion.
La lettre de M. le comte de Nieuwerkerke
nous reproche d’avoir désiré que le musée
Napoléon III ne fût pas réuni au Louvre et
qu’il continuât de subsister comme musée
distinct.
Nous ne nous en défendons pas. Oui, nous
avons dit que ces collections formaient un
ensemble d’œuvres, tel que l’industrie fran-
çaise pourrait et devrait s’en inspirer ; mais
que, pour qu’il en fût, ainsi, il serait à dési-
rer qu’elles restasssentaffectées spécialement
à ce but, qu’elles servissent à un enseignement
pratique, que des cours d’art appliqué à l’in-
dustrie, des leçons sur les moyens et procé-
dés antiques, sur la beauté de laforme, sur le
goût, toutes choses qui s’enseignent, mais se
devinent rarement, fussent institués près de
ce musée-école.Londres a son British Muséum,
sa National Gallery qui répondent à notre
Louvre, où le public amateur, le savant,
l’artiste vont admirer les chefs-d’œuvre de
l’art. Qu’avons-nous qui réponde à son
musée Kensington , avec son enseignement ap-
pliqué à l’industrie, ses études et ses cours?
Au reste, nous ne revendiquons pas pour
nous l’initiative de cette idée d’un musée-
école. Elle fut émise par des articles et sur-
tout par les industriels qui se pressaient dans
les galeries du musée Napoléon III, et qui,
dans le courant du premier mois, avaient
déjà demandé près de 600 cartes d’étude pour
examiner et dessiner les bijoux, les émaux,
les bronzes, les terres cuites, les vases, etc.,
de la collection. Cette idée, elle était exprimée
par diiïérents organes de la presse; elle ins-
pirait une pétition adressée à S. Exc. le mi-
nistre d’Etat et signée par des artistes et des
industriels.
Ainsi que le dit M. le comte de Nieuwer-
kerke, oui, nous eussions trouvé ce musée