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La chronique des arts et de la curiosité — 1877

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Nr. 29 (8 Septembre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26612#0285
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ET DE LA CURIOSITÉ

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solennité qui nous rassemble, il n’y a en cause
que l’art du passé. Or, quand cet art d’un autre
âge se personnifie dans un maître tel que Rubens,
quand ce passé revit dans d’aussi éclatants chefs-
d'œuvre que ceux dont s'enorgueillissent vos
églises et vos musées, plus que jamais les liens
d'une admiration commune doivent se resserrer
entre nous, et les sentiments qui nous auiment
se manifester hautement. Unissons-nous donc,
Messieurs, ou plutôt restons unis comme nous le
sommes pour honorer d’un cœur convaincu la
mémoire du peintre prodigieux qui, depuis trois
siècles, remplit le monde de sa gloire; pour sa-
luer en lui un homme à tous égards priviégié,
puisqu’il lui a été donné d’allier l’ardeur d’une
imagination héroïque à la sérénité d’un talent
toujours maître de soi, la fougue à l’esprit de
méthode, la puissance dans l’invention à la science
approfondie des moyens, et, pour tout dire enfin,
l’habileté pittoresque la plus sûre à l’abondance
du plus facile génie qui fut jamais!

DISCOURS DE M. CHARLES BLANC

Après les dignes paroles que vient de pronon-
cer le secrétaire perpétuel de notre Académie,
qu’il soit permis à un écrivain vieilli dans l’étude
des beaux-irts d’apporter ici devant cette noble
effigie de Rubens, l’hommage de ceux qui ont
consacré leur vie à la philosophie du sentiment.

Ce n’est pas à vous, Messieurs, qu’on peut ap-
prendre quelque chose sur Rpbens, à vous qui
avez le culte de vos grands hommes, de vos grands
artistes surtout, à vous que personne n’a devan-
cés dans la recherche des documents dont se
compose l’histoire, telle qu’on la veut aujour-
d’hui, précise, authentique, autographe, appuyée
sur d'irrécusables témoignages. Je dis l’histoire et
non pas la biographie, parce qu’il est des hom-
mes dont la biographie s’élève aux proportions
de l’histoire : Rubens est de ce nombre. Son nom,
dans notre langue française qui est aussi la vôtre,
est considéré comme le synonyme et, pour ainsi
parler, comme la définition même du coloris.

Ne croyez pas, cependant, que cette qualité soit,
à nos yeux, la seule qui l’ait rendu célèbre. Les
dons qui constituent les peintres de premier ordre,
Rubens les a tous : l’invention, l’ordonnance, la
clarté du langage pittoresque, la chaleur, le mou-
vement, l’éclat. Son style, s’il manque de pureté,
ne manque jamais de grandeur. Son dessin, tou-
jours bien construit, toujours pris de haut, con-
tient, non pas la lettre, mais l’esprit des choses.

11 exprime, sinon la suprême distinction du geste
dans les formes choisies, du moins la justesse de
la pantomime dans les formes vivantes. Son exé-
cution reste légère, à fleur de peau, parce qu’elle
est si savante, si facilement heureuse, qu’il n’a
point à y revenir. Semblable à un musicien qui
saurait, avec une égale supériorité, inventer son
poème, en écrire la partition, en improviser la
mise en scène, en exécuter le chant, Rubens est
à la fois et au même instant un compositeur ad-
mirable et le plus brillant des virtuoses.

Une des choses qui ont étonné l’esthétique et
qui bétonneront encore, c’est que la province la
plus reculée de l’empire des arts, la plus éloignée !
de leur première patrie, les l’ays-Bas, ait vu j

naître les deux grands peintres qui devaient por-
ter au plus haut degré l'éloquence de la couleur
et celle du clair-obscur. 11 était réservé à ces deux
pays que la politique a séparés, mais que le génie
de l’art, réconcilie, de voir la peinture faire briller
au soleil les spectacles les plus magnifiques, et
creuser la profondeur mystérieuse des ombres,
trouver en un mot de nouvelles expressions dans
les fanfares de la couleur et dans le silence de la
lumière.

Mais, sans franchir les limites de la Flandre, on
peut admirer que l’art flamand, après avoir eu,
au xv» siècle, les représentants illustres qui s’ap-
pelaient Van Eyck, Memling, Quentin Metsys, ait
été personnifié, au xvue siècle, par Rubens. Ces
vieux maîtres avaient peint les sentiments intimes
dans leurs figures de femmes, si élancées, si déli-
cates, si virginales : Rubens peignit l’extérieur
de la vie, le rayonnement du soleil, l’éclat de la
santé, dans ses figures sensuelles, aux carnations
opulentes.

Le maréchal d’Anvers, ce forgeron devenu
peintre par amour, exprimait en quelque manière
l’âme de votre art : Rubens en a exprimé le tem-
pérament. Loin d’imiter vos peintres du xv°siècle,
qui ne devaient rien à l’influence étrangère, Ru-
bens est allé chercher au dehors des inspirations
et des pensées. Si jamais il n’avait quitté son
pays, il n’eût été peut-être qu’un autre Jordaens.
En promenant son génie à travers l’Europe, il l’a
développé en largeur et en élévation. Ce furent
ses voyages en Italie, en France, à Madrid, à Lon-
dres, sa jeunesse passée au milieu des beaux es-
prits de Mantoue. ses relations diplomatiques
avec les grands d’Espagne, ses rapports avec Ma-
rie de Médicis et Charles lor qui firent de lui, par
excellence, le gentilhomme de la peinture. C’est,
en étudiant, à Venise, les Titien, les Zelotti, les
Véronèse, à Rome, le palais Farnèse et la chapelle
Sixtine, qu’il apprit à tout voir en grand, tout,
même la couleur. C’est, enfin, parce qu’il n’a pas
localisé son esprit qu’il nous a donné le droit de'
venir, nous, vos amis étrangers, prendre part â
ces belles fêtes auxquelles nous conviait, après
votre courtoisie, le caractère d'universalité qui
s’attache à la renommée et au génie de Rubens.

CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE

Pour le moment, tout, dans le monde artisti-
que, est en repos. Les expositions d’été sont fer-
mées, après avoir fait des recettes plus que satis-
faisantes malgré la mauvaise saison. Les ventes
de tableaux et d’objets d’art sont suspendues, et
les possesseurs actuels hésiteront beaucoup à re-
commencer les tristes expériences de l’été passé.
On a vu passer de main en main les plus beaux
spécimens à des prix dérisoires. Enfin, les expo-
sitions provinciales qui ont lieu en automne ne
font qu’annoncer leur prochaine ouverture. Parmi
ces expositions, celles de Manchester, de Liver-
pool et de Glasgow sont les plus digues d’intérêt
général. A Manchester surtout, cité manufactu-
rière par excellence,commerçante d’esprit, dénuée
de tout charme naturel ou esthétique, mais très-
remuante de caractère, une école distincte de
 
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