Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1907

DOI issue:
Nr. 21 (25 Mai)
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.19764#0200
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
190

LA CHRONIQUE DES ARTS


c’est à toi que je le dois », écrivait Stevens. «Tu m’as
pris dans ton atelier..., tu en savais plus que moi
en peinture; tu m’as appris... Chaque fois que
j’ai reçu une nouvelle récompense, ne suis-je pas
veau te serrer la main en te disant m erci ? » Le bon
Willems, en dépit de légitimes succès, ne suivit
pas les voies triomphales de son élève émancipé.
Pourtant, son exemple ne fut pas indifférent à
Stevens, et la critique en tiendra compte pour expli-
quer l’évolution finale du surprenant traducteur
des élégances féminines.

Bien que restreinte à une centaine d’œuvres à
peine, l’exposition ouverte en Belgique permet de
le suivre pas à pas dans ses manières successives.
Aucune phase de sa carrière n’en est absente, et cet
art destiné, en apparence, à conquérir les suffrages
des mondains, est devenu, en résumé, une fête
pour les artistes.

Dès à présent, les œuvres de Stevens concourent
à la richesse des musées. Résisteront-elles à
l’outrage du temps ? Dans plus d’une se révèlent
des symptômes de décomposition. L’éclat primitif
de certaines, remontant à moins d’un demi-siècle,
se présente comme très affaibli, déjà. Quoi qu’il en
soit, le xixe siècle y trouve la représentation la plus
délicieuse d’une face éminemment caractéristique
de sa physionomie, sinon de ses mœurs, comme
le siècle précédent survit en Moreau. La faculté de
et la surprenante technique s’y combi-
eit en des intérieurs, prétextes souvent, mais
d’une réalisation surprenante.

Stevens, à comparer les sacrifices qu’il put faire
à la mode, à ce qu’elle-même lui dut, apparaît
plutôt comme dictant la loi. Non content de faire
valoir un type de femme, à peine apprécié avant
lui, il trouva des nuances, des harmonies, comme
il enrichit la forme, l’ameublement et la décora-
tion des ressources avidement exploitées par le
théâtre et la société. Ces choses demandent qu’on
les rappelle pour situer exactement le maître parmi
ses contemporains.

Peintre d’histoire à ses débuts, il couronna en
quelque sorte sa carrière par la plus saisissante
des pages historiques : le Panorama du Siècle,
fait en collaboration avecM. Gervex, et dont les ad-
mirables esquisses, exposées par le comte Rob. de
Montesquiou-Fezensac, font regretter davantage
le démembrement.

Les musées du Luxembourg, de Marseille,
de Bruxelles, d’Anvers, de Liège, pourraient
suffire, presque seuls, à assurer le renom du
surprenant artiste. L’État belge, avec la Dame
en rose, Y Atelier, la Bête à bon Dieu, Tous les
bonheurs (1881), le Bouquet effeuillé ; le musée
d’Anvers, avec le Sphinx parisien, apportent ici,
peut-on dire, un écrin de joyaux, à côté de pages
exceptionnelles, comme le Farniente, à M. Bod.
Demmé, de Paris, Cruelle certitude (à la princesse
Borghèse), avec sa déconcertante robe jaune, que
nous retrouverons dans Y Atelier, du musée de
Bruxelles, dans Remembcr, à M”" Gardon, dont la
Visite (1869), ainsique Souvenirs et Regrets, au
comte de Montesquiou, comptent parmi les plus
parfaites réalisations du maître. Une seconde
œuvre du même titre, datée de 1857, appartenant
à la collection Dekaut, à Mons; le Convalescent,
à M. Iiuisman van den Nest ; le Modèle, à
M. Alph. Madoux; sous le même titre, une com-
position toute différente, à M. Alph. Willems,
caractérisent Stevens dans la plus haute puis-
sance de son pinceau.

Il importera néanmoins au ci’itique de ne point
laisser à l’écart Rêverie (collection Rotiers), datant
de 1854 ; la Visite matinale, à M. Sarens ; la Ma-
tinée à la campagne (collection Marlier) ; la
superbe étude de femme, à M. Max Liebermann,
de Berlin ; Miss Fauvette, à M.JGeorges Victor-
Hugo, et particulièrement le Profil féminin, de
grandeur naturelle, à M. A. de la Hault, pour
apprécier dans leur plénitude les ressources et
presque les origines d’une maîtrise déconcer-
tante et faite pour avoir raison de toutes les
théories.

H. II.

CHRONIQUE MUSICALE

Théâtre du Châtelet. — Salomé, poème d’Oscar
Wilde, traduit en allemand par Hedwig Lach-
mann, musique de Richard Strauss. (Représenta-
tions de la Société des Grandes auditions musi-
cales).

L’œuvre tant attendue, tant discutée, qui a si
fort scandalisé les uns, et inspiré à d’autres un si
brûlant enthousiasme, est enfin parvenue jusqu’à
nous. L’accueil très favorable du public parisien
fera peut-être oublier à nos voisins les déboires de
Wagner et la légèreté coupable dont nous fîmes
preuve alors. L’œuvre est intéressante, personnelle,
puissante. Il ne lui manque qu’une certaine cha-
leur et une certaine générosité pour mériter le nom
de chef-d'œuvre.

Le poème a été écrit en français par Oscar
Wilde. Il témoigne d’une connaissance de notre
langue aussi parfaite qu’on peut la demander à un
étranger de nombreuses lectures et d’un senti-
ment d’art très raffiné. Le style manque de so-
briété et d’accent ; les métaphores les plus recher-
chées s’y donnent rendez-vous; mais il est clair
que l’auteur a voulu faire œuvre, avant tout, de
littérateur raffiné, et n’écrire que pour un petit
cercle de curieux et d’initiés.

Il a aussi modifié la légende : Salomé, au lieu
d’être seulement la fille obéissante de sa mère, est
elle-même éprise du prophète, en raison de ses pa-
roles cruelles, du feu sombre de ses yeux et de sa
pureté inaccessible. Cette invention est précieuse
et belle, en ce qu’elle donne une vie intense au
personnage de Salomé, et un intérêt dramatique
au meurtre que sa danse obtient. Mais la forme
reste toujours maniérée, contournée, arrangée,
concertée; l’auteur ne se perd jamais de vue et
semble sourire à toutes les joiies choses que lui
suggère son esprit inventif et cultivé.

Tel est le drame qui a séduit M. R. Strauss et qu’il
a mis en musique sur le texte français lui-même,
traduit ensuite en allemand. On a peine à croire,
d’abord, que des mots français aient pu inspirer
une déclamation aussi rude, heurtée, escarpée,
abrupte. Il en est ainsi, cependant, parce que l’au-
teur n’a même pas l’idée d’une accentuation plus
aisée, plus unie, plus conforme au génie de notre
langue et au naturel dont nous sommes de plus en
plus pai’tisans, même au théâtre. Mais au Châtelet,
par bonheur, Salomé était exécutée dans la version
allemande. Encore faut-il remarquer que l’alle-
mand lui-même n’a pas des intonations aussi fa-
rouches; il y a là un procédé particulier de gros-
 
Annotationen