G
LA CHRONIQUE DES ARTS
que nous voyons suffit en effet à suggérer tou-te la
bête. La couleur est aussi délibérément simplifiée.
M. Yan Dongen juge inutile de remplir toute une
surface de sa couleur; quelques touches lui suffi-
sent ou, lorsqu’il consent à couvrir la toile, c’est
d’une teinte toute plate, à la manière des peintres
égyptiens.
Ces schémas sont d'ailleurs harmonieux. Ces
femmes aux têtes trop petites, aux torses trop longs,
aux jambes effilées, se tiennent en des poses qui
sont pour le peintre l’occasion d’une jolie ara-
besque.
Cette peinture synthétique donne parfois une
impression extraordinaire de réalité. Derrière cette
amazone se dresse une futaie du Bois faite de
quelques lignes et de quelques couleurs, mais qui
paraît à notre œil merveilleusement profonde.
M. Van Dongen, malgré son désir de simplification,
reste un réaliste. Cette femme nue, drapée dans
un châle jaune, cette image de M™° Desjardins,
nous donnent l’illusion du relief, delà solidité,de la
vie. M. Yan Dongen jouit delà réalité en voluptueux.
Nous dirions volontiers que lorsque ses théories
le condamnent au schématisme, son tempérament
proteste et le ramène vers la nature compliquée,
un peu morbide, mais qui est enfin la nature.
Exposition Altmann
(Galerie Devambez)
M. Altmann, lui, se réjouit du spectacle de cette
nature, il s’y abandonne, s’y complaît. Nous ne
voulons que dire ici tout l’intérêt de son exposi-
tion : un article, écrit depuis trois ans, doit
bientôt paraître dans la Gazette. Le talent de
cet artiste s’est encore affermi, sa virtuosité
accentuée. Qu’il représente Cannes, Saint-Jean-
de-Luz ou Nemours, qu’il peigne les environs de
Paris ou la Bourgogne, M. Altmann empâte libre-
ment, charge sa toile de couleurs éclatantes et
'œil éprouve une vraie joie à contempler ces œu-
vres à la fois habiles et spontanées. M. Altmann
joint à ces peintures des croquis de gares, d’ateliers
militaires, des portraits de R. A. T. largement éta-
blis et traités avec la même souplesse.
Exposition de peinture et sculpture
(Galerie G. Petit)
La galerie G. Petit a réuni des œuvres d’artistes
connus. MM. Cottet, Dauchez, Aman Jean, Raf-
faëlli, Lucien Simon exposent des œuvres pour la
plupart déjà vues. Nous avons grand plaisir à con-
templer de M. H. Martin ces peupliers qui dressent
dans l’atmosphère ensoleillée et dansante de l’au-
tomne leurs jaunes frondaisons au-dessus d’une
herbe toute tiquetée d’ombre. Le Marché aux che-
vaux de M. Simon est une œuvre pleine de verve
et de mouvement. Le Portrait de Mgr Péchenard,
par M. Aman Jean est d’un bel effet décoratif :
cette robe violette s’oppose au grand dessin de
Soissons brûlé qui fait tache noire derrière le
prélat. M. Le Sidaner a dessiné aux crayons de cou-
leur de délicats paysages intimes. M. Lobre, à côté,
montre d’exquises natures mortes. Enfin, au fond
de la salle est, en place d’honneur, le Portrait du
cardinal Mercier de M. A. Besnard. Le cardinal est
debout, drapé dans son manteau écarlate, devant
la Belgique qui brûle; sa face fine et maigre, se
penche, tout éclairée de ce double reflet, tandis
qu’un grand Ghrist en grisaille étend ses bras
comme pour le protéger et lui dire que nulle souf-
france n’est sans consolation. Ce portrait est à la
fois symbolique, classique et très libre, et nous
retrouvons là tout entier le talent, divers et souple
de M. Besnard. M. Rodin expose le buste cé-
lèbre de J.-P. Laurens ou des statuettes admira-
rables de beauté plastique et d’expression, comme
Paolo et Francesca, VÈve, ou La Nuit de mai.
Exposition d’art décoratif
(G3, avenue des Champs-Elysées)
L’immeuble oû s’est v installée la Croix-Rouge
abrite une exposition d’art décoratif organisée au
profit d’œuvres de bienfaisance. Les objets expo-
sés sont de qualité très diverse. A côté d’une sta-
tuette de M. Bartholomé, nous retrouvons les va-
ses en métaux repoussés de M. Dunand, les bi-
joux de M. Ch. Rivaud, les médailles de M. André-
Adolphe lîivaud, des broderies de ficelle de MB“
Ory-Robin. M. Mayodon peint des plats en se sou-
venant de M. Henri Martin ; M. Ruhlmann expose
des meubles d’une belle matière; l'atelier Martine,
d’amusantes étoffes ; M. Alfred Bichon, de fort jo-
lispendentifsémaillés ;M.Hamm,desboîtesencorne
et bois où il utilise curieusement le décor floral ;
enfin, M. Coudyser, des coussins brodés au passé.
Rien de tout cela n’est très nouveau.
Louis IIautecceur.
Institut de France
Séance trimestrielle (17 janvier 1917)
Sur le rapport de M. Widor, l’Institut accepte, à
l'unanimité, un legs qui lui a été fait par M. An-
dré-Gabriel Ferrier, mort au Val-de-Grâce des
suites d’une maladie contractée au front, legs con-
sistant en la somme nécessaire pour créer un prix
annuel de 4.0U0 francs, destiné à un peintre de
figures ou d’histoire, de nationalité française, ex-
posant au Salon de la Société des Artistes français.
-<5 ^^*3 ï>~-
Académie des Beaux-Arts
Séance du 30 décembre 1916
Le bureau, pour l’année 1917, a été ainsi consti-
tué: M. Théodore Dubois, président; M. Ferdi-
nand Humbert, vice-président et M. Widor, secré-
taire perpétuel.
M. Laguillermie lit une notice sur la vie de M.
Roty, son prédécesseur.
Séance du 6 janvier 1917
La pension annuelle de 5.000 fr. instituée par
M. Anastasi, peintre, en faveur d’un artiste pein-
tre, frappé comme lui de cécité au cours de sa
carrière, étant devenue vacante, l’Académie a par-
tagé la pension par moitié entre deux artistes
peintres devenus aveugles à la suite de blessures
reçues au champ d’honneur.
Séance du 13 janvier
L'architecte américain, M. Whitney Warren,
correspondant de l’Académie, adresse à ses con-
frères un rapport sur les nouveaux attentats alle-
mands contre la cathédrale de Reims. « Chaque
LA CHRONIQUE DES ARTS
que nous voyons suffit en effet à suggérer tou-te la
bête. La couleur est aussi délibérément simplifiée.
M. Yan Dongen juge inutile de remplir toute une
surface de sa couleur; quelques touches lui suffi-
sent ou, lorsqu’il consent à couvrir la toile, c’est
d’une teinte toute plate, à la manière des peintres
égyptiens.
Ces schémas sont d'ailleurs harmonieux. Ces
femmes aux têtes trop petites, aux torses trop longs,
aux jambes effilées, se tiennent en des poses qui
sont pour le peintre l’occasion d’une jolie ara-
besque.
Cette peinture synthétique donne parfois une
impression extraordinaire de réalité. Derrière cette
amazone se dresse une futaie du Bois faite de
quelques lignes et de quelques couleurs, mais qui
paraît à notre œil merveilleusement profonde.
M. Van Dongen, malgré son désir de simplification,
reste un réaliste. Cette femme nue, drapée dans
un châle jaune, cette image de M™° Desjardins,
nous donnent l’illusion du relief, delà solidité,de la
vie. M. Yan Dongen jouit delà réalité en voluptueux.
Nous dirions volontiers que lorsque ses théories
le condamnent au schématisme, son tempérament
proteste et le ramène vers la nature compliquée,
un peu morbide, mais qui est enfin la nature.
Exposition Altmann
(Galerie Devambez)
M. Altmann, lui, se réjouit du spectacle de cette
nature, il s’y abandonne, s’y complaît. Nous ne
voulons que dire ici tout l’intérêt de son exposi-
tion : un article, écrit depuis trois ans, doit
bientôt paraître dans la Gazette. Le talent de
cet artiste s’est encore affermi, sa virtuosité
accentuée. Qu’il représente Cannes, Saint-Jean-
de-Luz ou Nemours, qu’il peigne les environs de
Paris ou la Bourgogne, M. Altmann empâte libre-
ment, charge sa toile de couleurs éclatantes et
'œil éprouve une vraie joie à contempler ces œu-
vres à la fois habiles et spontanées. M. Altmann
joint à ces peintures des croquis de gares, d’ateliers
militaires, des portraits de R. A. T. largement éta-
blis et traités avec la même souplesse.
Exposition de peinture et sculpture
(Galerie G. Petit)
La galerie G. Petit a réuni des œuvres d’artistes
connus. MM. Cottet, Dauchez, Aman Jean, Raf-
faëlli, Lucien Simon exposent des œuvres pour la
plupart déjà vues. Nous avons grand plaisir à con-
templer de M. H. Martin ces peupliers qui dressent
dans l’atmosphère ensoleillée et dansante de l’au-
tomne leurs jaunes frondaisons au-dessus d’une
herbe toute tiquetée d’ombre. Le Marché aux che-
vaux de M. Simon est une œuvre pleine de verve
et de mouvement. Le Portrait de Mgr Péchenard,
par M. Aman Jean est d’un bel effet décoratif :
cette robe violette s’oppose au grand dessin de
Soissons brûlé qui fait tache noire derrière le
prélat. M. Le Sidaner a dessiné aux crayons de cou-
leur de délicats paysages intimes. M. Lobre, à côté,
montre d’exquises natures mortes. Enfin, au fond
de la salle est, en place d’honneur, le Portrait du
cardinal Mercier de M. A. Besnard. Le cardinal est
debout, drapé dans son manteau écarlate, devant
la Belgique qui brûle; sa face fine et maigre, se
penche, tout éclairée de ce double reflet, tandis
qu’un grand Ghrist en grisaille étend ses bras
comme pour le protéger et lui dire que nulle souf-
france n’est sans consolation. Ce portrait est à la
fois symbolique, classique et très libre, et nous
retrouvons là tout entier le talent, divers et souple
de M. Besnard. M. Rodin expose le buste cé-
lèbre de J.-P. Laurens ou des statuettes admira-
rables de beauté plastique et d’expression, comme
Paolo et Francesca, VÈve, ou La Nuit de mai.
Exposition d’art décoratif
(G3, avenue des Champs-Elysées)
L’immeuble oû s’est v installée la Croix-Rouge
abrite une exposition d’art décoratif organisée au
profit d’œuvres de bienfaisance. Les objets expo-
sés sont de qualité très diverse. A côté d’une sta-
tuette de M. Bartholomé, nous retrouvons les va-
ses en métaux repoussés de M. Dunand, les bi-
joux de M. Ch. Rivaud, les médailles de M. André-
Adolphe lîivaud, des broderies de ficelle de MB“
Ory-Robin. M. Mayodon peint des plats en se sou-
venant de M. Henri Martin ; M. Ruhlmann expose
des meubles d’une belle matière; l'atelier Martine,
d’amusantes étoffes ; M. Alfred Bichon, de fort jo-
lispendentifsémaillés ;M.Hamm,desboîtesencorne
et bois où il utilise curieusement le décor floral ;
enfin, M. Coudyser, des coussins brodés au passé.
Rien de tout cela n’est très nouveau.
Louis IIautecceur.
Institut de France
Séance trimestrielle (17 janvier 1917)
Sur le rapport de M. Widor, l’Institut accepte, à
l'unanimité, un legs qui lui a été fait par M. An-
dré-Gabriel Ferrier, mort au Val-de-Grâce des
suites d’une maladie contractée au front, legs con-
sistant en la somme nécessaire pour créer un prix
annuel de 4.0U0 francs, destiné à un peintre de
figures ou d’histoire, de nationalité française, ex-
posant au Salon de la Société des Artistes français.
-<5 ^^*3 ï>~-
Académie des Beaux-Arts
Séance du 30 décembre 1916
Le bureau, pour l’année 1917, a été ainsi consti-
tué: M. Théodore Dubois, président; M. Ferdi-
nand Humbert, vice-président et M. Widor, secré-
taire perpétuel.
M. Laguillermie lit une notice sur la vie de M.
Roty, son prédécesseur.
Séance du 6 janvier 1917
La pension annuelle de 5.000 fr. instituée par
M. Anastasi, peintre, en faveur d’un artiste pein-
tre, frappé comme lui de cécité au cours de sa
carrière, étant devenue vacante, l’Académie a par-
tagé la pension par moitié entre deux artistes
peintres devenus aveugles à la suite de blessures
reçues au champ d’honneur.
Séance du 13 janvier
L'architecte américain, M. Whitney Warren,
correspondant de l’Académie, adresse à ses con-
frères un rapport sur les nouveaux attentats alle-
mands contre la cathédrale de Reims. « Chaque