Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1920

DOI Heft:
Nr. 1 (15 Janvier)
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.25680#0011

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
ET DE LA CURIOSITÉ

Par un décret en date du 9 décembre 1919, le
ministre de l’Instruction publique est autorisé a
accepter, au nom de l’État, pour le palais de l'on-
tainebleau, un billard en acajou et bois de citron,
de l’époque de la Restauration, olTert par le comte
Lavaurs, vice-président de la Société des « Amis de
Fontainebleau ».

Par décrets en date du 24 décembre 1919 et 4 jan-
vier 1920, le ministre de l’Instruction publique est
autorisé à accepter, au nom de l’État, pour être alfec-
tés au château de la Malmaison, les objets ci-après,
offerts par 51 •6 Mândeville : 1° un autographe, daté
du 8 octobre 1810. et portant la signature de 1 im-
pératrice Joséphine, consistant en un rapport fait à
l’impératrice par M. Bùupland, intendant du domaine
de la Malmaison, au sujet d’un achat de terrains
avoisinant ce domaine; 2° une jarretière brodée de
palmes ayant appartenu à l’impératrice Joséphine ;
3° quatre rubans bleus des dames d’honneur de
l’impératrice ; 4° une paire de bas brodés au chiffre
de la reine Hortense, avec la marque du fabricant
« Thomas » ; 5° une gravure en couleurs, représen-
tant une vue de la Malmaison du côté de l'Orange-
rie, peinte par Mougin, gravée par Chapeux ; — et,
offerts par M. Brouwet, 20 volumes de l'Histoire du
Bas-Empire portant le cachet de la bibliothèque de
Malmaison.

Devant T « Atelier du peintre » de Courbet (1)

Dans une lettre à son ami Ghampfleury, Courbet
raconte la conception de son tableau qu’il nomme
« une allégorie réelle ». Peu nous importe cette con-
ception (que l’on pourra lire ailleurs) puisque le
tableau est un chef-d’œuvre de peinture. Je puis
avouer sans exagération que je n’ai rien vu de plus
beau depuis dix ans, c’est-à-dire depuis que je suis
allé à Amsterdam voir la Bonde de nuit.

L’œuvre est très grande (5m96 de long sur 3m60
de haut) et se divise en trois groupes, dont deux,
placés sur les côtés, sont noyés dans la pénombre
et dont un, le principal, est dans la lumière. Ce
principal groupe, c’est Courbet lui-même peignant
un paysage et ayant près de lui une femme nue,
un chat blanc et un gamin de village en bras
de chemise. Dans le groupe placé à droite des
spectateurs il y a ses amis, parmi lesquels Bruyas
— l’amateur qui le soutenait de sa bourse, — sa
sœur, Ghampfleury sou défenseur dans la presse, et
Baudelaire, il a donné la belle place à sa sœur qui
forme le nœud du groupe et se renverse en arrière
en un mouvement plein de charme; elle est drapée
dans un châle qui anime de ses dessins relevés la
sévérité fondamentale de ce côté du tableau. Baude-
laire, tout à fait au premier plan, à l’extrême bord,
est plongé dans l’ombre et lit dans un grand livre.
L’autre groupe, à la gauche du spectateur, est
formé de divers personnages que le peintre a rencon-
trés et dont la perversité ou la misère l’ont frappé. On
y trouve un résumé des doctrines humanitaires de
Courbet, qui a l’air de dire : « Je suis ici entre les
penseurs et les pauvres, et je ne sais lesquels sont
les plus misérables et les plus à plaindre. »

Nous laissons le côté littéraire du tableau pour
admirer bien humbb ment ses incontestables beautés.

A l’heure où nous sommes, au milieu du désarroi
de la peinture, causé d’une part par des révoltés qui

(1) Qui vient d’être acquis par le Musée du Louvre
et dont on trouvera ci-jointe la reproduction.

veulent tout détruire et une école officielle qui
enseigne ce qu’il faudrait combattre, un tel tableau
semble une leçon, un appel lancé par nos grandes
traditions françaises à la folie qui s’est emparée du
monde moderne. L’exposition publique d’u.ne œuvre
aussi grave, aussi sérieuse, aussi dépourvue de
prétextes puérils, de motifs de dissolution, aussi
solide dans son arrangement que dans son exécution,
aussi saine, aussi sincère, aussi pleinement vraie,
aussi sonorement peinte, aùssi librement réalisée
dans la vie et dans la science, dans le métier et dans
l’art, l’exposition d’une telle œuvre, à notre heure
de trouble et d’égarement, est' une manifestation
d’un caractère à faire sérieusement réfléchir les
peintres, à leur montrer du doigt leurs erreurs,
enfin capable de les ramener des caprices d’une
fantaisie morbide à l’amour de la vraie peinture.

L’ensemble, en est parfaitement établi, les grandes
taches toutes à leur place; on ne saurait en chan-
ger une sans nuire à l’ouvrage. La matière en est ri-
che, sobre, rare; elle éveille l’idée des plus grands
maîtres. On la sent faite de ces terres, de ces ocres,
de ce noir contre lesquels on a tant crié et qui dé-
montrent une fois de plus leur durable puissance et
l’éclat et la santé que leur donne le temps. Enfin, c’est
un tableau qui s’impose dès l’entrée — avant même
qu’on en ait reconnu le sujet — par la puissance de
l’art, et il sollicite l’esprit.

On a dit que Courbet était vulgaire, que sa pein-
ture était comme lui..., qu’il y avait de la crapule
dans sa vision et dans son pinceau... Que voyons-
nous? Un ensemble d’une grande gravité, des mor-
ceaux dignes de Titien et de Velâzquez (l’irlandaise),
des tons tous très distingués (parce qu’aucun n’est
un ton de paletle), une présentation assise, ordonnée,
parfaitement liée parle clair-obscur et l’effet; enfin,
une œuvre classique au meilleur sens du mot. Voilà
ce que VAtelier du peintre nous paraît être aujour-
d’hui. Et quant au réalisme, on le cherche sans le
trouver; car on ne saurait nommer réalisme la con-
formité de cette peinture à la vérité naturelle. En ce
cas c’est un réalisme si traditionnel, qu’il n’est plus
une invention, mais une simple soumission aux mo-
dèles les plus célèbres. Enfin, c’est un réalisme dont
pouvaient seuls s’indigner les partisans d’un faux
idéal, les fabricants d’images suavement bêtes qui
ont représenté pendant cinquante ans la médiocrité
dans notre pays.

La place me manque pour démontrer que les plus
idéalistes des peintres se sont tous exprimés par le
réalisme, c’est-à-dire par la profonde connaissance
du réel, depuis Léonard de Vinci, Raphaël, Michel-
Ange, jusqu’à Rubens, Rembrandt et Goya; qu’au
contraire c’est le manque de réalité qui tue l’ait,
car la connaissance de la nature est le commence-
ment de la peinture.

Platon disait : « L’homme a plus besoin de plomb
que d’ailes ! » C’est le cas de certains esprits portés
au délire ; il est ben de les ramener sur la terre, au
milieu des réalités, de les exciter à s’exprimer à
nous par le langage de la nature. Nier la réalité,
Vinterpréter sans en avoirpénétré les lois ou lui tour-
ner le dos pour se livrer à tous les caprices, cela
est aussi dangereux et mauvais que d’y enliser son
esprit, que de la copier sans discernement. H y
a autant à craindre du déréglement que de la sou-
mission servile. 11 existe un juste milieu, qui con-
siste à peindre fortement, à voir profondément, et
aussi à faire sortir de l’observation de la nature cette
image d’ordre, de plénitude et d’harmonie qui est
l’esprit même et qui constitue la beauté visible.
 
Annotationen