MANUSCRIT DU NIEDERMUENSTElt, PL. III.
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Le maître souverain montre ses leçons pour la direction d’un monastère, dans les
trois autres petits cadres qui occupent les coins du grand carré formé par toute la
miniature. C’est, en face de l’abbesse, la Piété qui médite l’Évangile et la règle. Sous
ses pieds, on personnifie le maintien de la discipline (Districtioius rigor). Cette figure
tient le livre ouvert où la règle monastique doit demeurer devant tous les yeux; et
la main qu’elle porte à ses lèvres avec un air de commandement annonce que le
silence est la grande garantie du recueillement et de l’ordre quotidien dans une com-
munauté 4. Vis-à-vis de cette seconde personnification, une autre assez curieuse exprime
ce qu’il faut avoir d’habileté pour appliquer aux diverses occurrences la sévérité ou la
douceur (.Discretionis ternperamentum). C’est une mère près de laquelle se groupent trois
enfants: mais elle n’est pas uniquement mère; elle est reine, comme le montre sa
couronne (autant que j’en puis juger sur le dessin), et doit être maîtresse d’elle-
même comme des autres. Deux de ses enfants sont assis sur son bras gauche et sur
son genou droit. Un autre, debout près d’elle, indique sans doute ceux qui sont déjà
grandelets ; et chez lesquels il faut prêter aide à la raison qui point. En consé-
quence la mère se tourne vers cet aîné, brandissant de la droite une verge qui doit
brider les fantaisies du jeune âge lorsque le discernement se fait jour dans les
petites cervelles. A vrai dire, ce n’est guère qu’une menace; car sous cette même
main s’aperçoit un plateau chargé de fruits. L’enfant choisira donc entre la récompense
et la peine, selon qu’il voudra écouter sa conscience naissante ou ses fâcheux instincts;
à lui de se faire son propre sort, même dans la famille. Le monde, communément, mais
l’éternité surtout, n’est qu’à ce prix; et chacun doit prendre l’habitude de se tracer
la route d’après la loi, plutôt que d’après l’impulsion naturelle. Ainsi se forment peu
à peu les bonnes coutumes; qui gouverne, doit cultiver cette éducation de l’âme dans
ceux qu’il a charge de préparer à la pratique de la vie.
Il y aurait assurément à développer maint autre détail d’antiquités ou de leçons
morales, d’art même, soit dans cette planche, soit dans celles qui l’ont précédée ou
la suivront ; mais vouloir tout dire est souvent la recette la plus sûre pour devenir
ennuyeux. Arrêtons-nous, il en est peut-être plus que temps: mieux vaut être jugé trop
concis que trop diffus. Si quelque occasion ultérieure se rencontre naturellement de revenir
sur des particularités curieuses que nous aurions omises pour abréger, nous nous
réservons le droit de retourner en arrière; sinon c’est déjà un service passable rendu
aux antiquaires et aux artistes que de leur avoir ouvert cette mine presque fermée
à la plupart d’entre eux jusqu’à ce que le P. Arth. Martin se chargeât de graver lui-
même des pages si importantes. Un employé de la bibliothèque bavaroise ne cachait pas
sa mauvaise humeur en voyant cette fougue d’un Français qui écrémait le dépôt dû aux
rois Maximilien et Louis. Plus de vingt ans se sont écoulés depuis lors, et l’Allemagne
s’est-elle beaucoup occupée de mettre à profit nos délais, en prenant les devants sur
nous ?
1. Aussi les vieux coutumiers de Cluny nous ont-ils con-
servé une sorte de répertoire pour les gestes qui devaient
seuls suppléer à la parole pendant tout le temps où le
silence était de rigueur. Si quelque nécessité demandait
que l’on se fît l’un à l’autre une question ou une réponse
urgente, il y avait tout un système de communication
silencieuse qu’on apprenait dès le noviciat pour ces cas
extraordinaires.
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Le maître souverain montre ses leçons pour la direction d’un monastère, dans les
trois autres petits cadres qui occupent les coins du grand carré formé par toute la
miniature. C’est, en face de l’abbesse, la Piété qui médite l’Évangile et la règle. Sous
ses pieds, on personnifie le maintien de la discipline (Districtioius rigor). Cette figure
tient le livre ouvert où la règle monastique doit demeurer devant tous les yeux; et
la main qu’elle porte à ses lèvres avec un air de commandement annonce que le
silence est la grande garantie du recueillement et de l’ordre quotidien dans une com-
munauté 4. Vis-à-vis de cette seconde personnification, une autre assez curieuse exprime
ce qu’il faut avoir d’habileté pour appliquer aux diverses occurrences la sévérité ou la
douceur (.Discretionis ternperamentum). C’est une mère près de laquelle se groupent trois
enfants: mais elle n’est pas uniquement mère; elle est reine, comme le montre sa
couronne (autant que j’en puis juger sur le dessin), et doit être maîtresse d’elle-
même comme des autres. Deux de ses enfants sont assis sur son bras gauche et sur
son genou droit. Un autre, debout près d’elle, indique sans doute ceux qui sont déjà
grandelets ; et chez lesquels il faut prêter aide à la raison qui point. En consé-
quence la mère se tourne vers cet aîné, brandissant de la droite une verge qui doit
brider les fantaisies du jeune âge lorsque le discernement se fait jour dans les
petites cervelles. A vrai dire, ce n’est guère qu’une menace; car sous cette même
main s’aperçoit un plateau chargé de fruits. L’enfant choisira donc entre la récompense
et la peine, selon qu’il voudra écouter sa conscience naissante ou ses fâcheux instincts;
à lui de se faire son propre sort, même dans la famille. Le monde, communément, mais
l’éternité surtout, n’est qu’à ce prix; et chacun doit prendre l’habitude de se tracer
la route d’après la loi, plutôt que d’après l’impulsion naturelle. Ainsi se forment peu
à peu les bonnes coutumes; qui gouverne, doit cultiver cette éducation de l’âme dans
ceux qu’il a charge de préparer à la pratique de la vie.
Il y aurait assurément à développer maint autre détail d’antiquités ou de leçons
morales, d’art même, soit dans cette planche, soit dans celles qui l’ont précédée ou
la suivront ; mais vouloir tout dire est souvent la recette la plus sûre pour devenir
ennuyeux. Arrêtons-nous, il en est peut-être plus que temps: mieux vaut être jugé trop
concis que trop diffus. Si quelque occasion ultérieure se rencontre naturellement de revenir
sur des particularités curieuses que nous aurions omises pour abréger, nous nous
réservons le droit de retourner en arrière; sinon c’est déjà un service passable rendu
aux antiquaires et aux artistes que de leur avoir ouvert cette mine presque fermée
à la plupart d’entre eux jusqu’à ce que le P. Arth. Martin se chargeât de graver lui-
même des pages si importantes. Un employé de la bibliothèque bavaroise ne cachait pas
sa mauvaise humeur en voyant cette fougue d’un Français qui écrémait le dépôt dû aux
rois Maximilien et Louis. Plus de vingt ans se sont écoulés depuis lors, et l’Allemagne
s’est-elle beaucoup occupée de mettre à profit nos délais, en prenant les devants sur
nous ?
1. Aussi les vieux coutumiers de Cluny nous ont-ils con-
servé une sorte de répertoire pour les gestes qui devaient
seuls suppléer à la parole pendant tout le temps où le
silence était de rigueur. Si quelque nécessité demandait
que l’on se fît l’un à l’autre une question ou une réponse
urgente, il y avait tout un système de communication
silencieuse qu’on apprenait dès le noviciat pour ces cas
extraordinaires.