MANUSCRIT DU NIEDERMUENSTER, P. 38.
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Cette fois, S. Mathieu est assis au centre d’un grand losange orné, et surmonté de
son attribut ordinaire (l’homme ailé, qu’on appelle souvent un ange). Cet emblème,
on animal évangélique, lui est attribué dès l’origine de l’art chrétien; et l’on s’ac-
corde à dire que le commencement de l’Évangile selon saint Mathieu trouve là son
expression saillante. C’est qu’il débute par la génération humaine de Notre-Seigneur.
comme Fils de David et d’Abraham1. Nous verrons pour les trois autres, qu’on a fixé
de même la signification des symboles évangéliques en raison des premières paroles qui
commencent chaque Évangile. Ici nous avons en outre, sons les pieds de S. Mathieu,
un petit personnage semi-classique tenant sur son giron une énorme dame-jeanne, en
manière de Y urne penchante qui endort le Rhin près du mont Adule, chez Boileau.
Pour plus de souvenirs gréco-romains, cette personnification a la tête cornue; forme
qui se retrouve surtout chez les poètes dans la peinture d’un fleuve. Voulait-on jadis
exprimer ainsi la lutte d’un courant d’eau douce contre la mer quand il y verse ses eaux
grossies dans un long cours ; ou bien cela signifiait-il les déchirements farouches que
les rivières puissantes exercent sur leurs rivages, et les ramifications qui divisent souvent
leurs embouchures quand elles ne sont pas maîtrisées par une longue et puissante
industrie? Je m’en rapporte aux commentateurs, et constate uniquement le fait.
Nous avons donc là un fleuve, et l’inscription du cercle où siège saint Mathieu
le dit assez clairement d’ailleurs 2. L’ancien symbolisme, que nous avons presque laissé
tomber en oubli, comparait volontiers les quatre évangélistes aux quatre fleuves
du paradis terrestre (Gen. n, 10-14). De même que les quatre courants indiqués dans
la Genèse étaient censés porter la richesse et l’abondance au loin, les secrétaires pri-
vilégiés de la Bonne Nouvelle ont répandu par le monde l’enseignement du Fils de
Dieu pour éclairer et sanctifier tous les hommes. Le Géhon (ou Gihon) est attribué à
notre évangéliste ; et la bande de pourpre qui court sur la tête de ce fleuve porte en
lettres d’or l’indication suivante : « Le nom du Géhon signifie félicité, c’est pourquoi
il désigne l’Évangile de saint Mathieu 3. »
Nous verrons ailleurs le motif ou le prétexte, en vertu de quoi chaque fleuve du
Paradis est censé se rattacher à l’un des évangélistes en particulier. L’art primitif
du christianisme n’y cherche pas ces détails si minutieux \
Les quatre petits carrés qui occupent les coins de la page s’expliquent par l’in-
tention de mettre surtout en saillie la généalogie du Fils de Dieu selon la chair.
C’est ce qu’annonce l’inscription en grandes lettres carrées, qui se lit verticalement
à droite et à gauche :
<t Matheus (sic) ex r'egum docet ortum slemmate Christum. »
D’autres textes, en minuscules, pourraient donner matière à des longueurs dont on
1. Sous l’ange (ou l’homme ailé), afin qu’on ne s’y
trompe pas, est tracée l’explication de ce symbole : « In
» Christo compléta est visio hominis, etc. » (Cf. Ezech. i,
5-22 ; Âpoc. iv, 6-9 ; etc. )
2. « Nuntius iste boni fluit amnis ut hic paradisi. »
3. « Geon (sic) interprétaiur félicitas, et significat evan-
» gelium Matthei. »
à. Dans mes Caractéristiques des saints, les titres Agneau
et Phénix montrent Notre-Seigneur parlant du haut d’une
colline d’où s’échappent quatre ruisseaux. C’est là ordinai-
rement toute Eallusion faite à la propagation du christia-
nisme par le livre des quatre Évangiles, dans ces monuments
antiques. Il est vrai que la sculpture doit s’imposer un
langage bref, et que les écrivains ecclésiastiques se sont
donné carrière dans la suite à qui mieux mieux sur les
développements de cette figure. Mais prenons-la dans sa
simplicité, sans y chercher tant de finesses, tout en expli-
quant ce qui nous tombe sous la main.
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Cette fois, S. Mathieu est assis au centre d’un grand losange orné, et surmonté de
son attribut ordinaire (l’homme ailé, qu’on appelle souvent un ange). Cet emblème,
on animal évangélique, lui est attribué dès l’origine de l’art chrétien; et l’on s’ac-
corde à dire que le commencement de l’Évangile selon saint Mathieu trouve là son
expression saillante. C’est qu’il débute par la génération humaine de Notre-Seigneur.
comme Fils de David et d’Abraham1. Nous verrons pour les trois autres, qu’on a fixé
de même la signification des symboles évangéliques en raison des premières paroles qui
commencent chaque Évangile. Ici nous avons en outre, sons les pieds de S. Mathieu,
un petit personnage semi-classique tenant sur son giron une énorme dame-jeanne, en
manière de Y urne penchante qui endort le Rhin près du mont Adule, chez Boileau.
Pour plus de souvenirs gréco-romains, cette personnification a la tête cornue; forme
qui se retrouve surtout chez les poètes dans la peinture d’un fleuve. Voulait-on jadis
exprimer ainsi la lutte d’un courant d’eau douce contre la mer quand il y verse ses eaux
grossies dans un long cours ; ou bien cela signifiait-il les déchirements farouches que
les rivières puissantes exercent sur leurs rivages, et les ramifications qui divisent souvent
leurs embouchures quand elles ne sont pas maîtrisées par une longue et puissante
industrie? Je m’en rapporte aux commentateurs, et constate uniquement le fait.
Nous avons donc là un fleuve, et l’inscription du cercle où siège saint Mathieu
le dit assez clairement d’ailleurs 2. L’ancien symbolisme, que nous avons presque laissé
tomber en oubli, comparait volontiers les quatre évangélistes aux quatre fleuves
du paradis terrestre (Gen. n, 10-14). De même que les quatre courants indiqués dans
la Genèse étaient censés porter la richesse et l’abondance au loin, les secrétaires pri-
vilégiés de la Bonne Nouvelle ont répandu par le monde l’enseignement du Fils de
Dieu pour éclairer et sanctifier tous les hommes. Le Géhon (ou Gihon) est attribué à
notre évangéliste ; et la bande de pourpre qui court sur la tête de ce fleuve porte en
lettres d’or l’indication suivante : « Le nom du Géhon signifie félicité, c’est pourquoi
il désigne l’Évangile de saint Mathieu 3. »
Nous verrons ailleurs le motif ou le prétexte, en vertu de quoi chaque fleuve du
Paradis est censé se rattacher à l’un des évangélistes en particulier. L’art primitif
du christianisme n’y cherche pas ces détails si minutieux \
Les quatre petits carrés qui occupent les coins de la page s’expliquent par l’in-
tention de mettre surtout en saillie la généalogie du Fils de Dieu selon la chair.
C’est ce qu’annonce l’inscription en grandes lettres carrées, qui se lit verticalement
à droite et à gauche :
<t Matheus (sic) ex r'egum docet ortum slemmate Christum. »
D’autres textes, en minuscules, pourraient donner matière à des longueurs dont on
1. Sous l’ange (ou l’homme ailé), afin qu’on ne s’y
trompe pas, est tracée l’explication de ce symbole : « In
» Christo compléta est visio hominis, etc. » (Cf. Ezech. i,
5-22 ; Âpoc. iv, 6-9 ; etc. )
2. « Nuntius iste boni fluit amnis ut hic paradisi. »
3. « Geon (sic) interprétaiur félicitas, et significat evan-
» gelium Matthei. »
à. Dans mes Caractéristiques des saints, les titres Agneau
et Phénix montrent Notre-Seigneur parlant du haut d’une
colline d’où s’échappent quatre ruisseaux. C’est là ordinai-
rement toute Eallusion faite à la propagation du christia-
nisme par le livre des quatre Évangiles, dans ces monuments
antiques. Il est vrai que la sculpture doit s’imposer un
langage bref, et que les écrivains ecclésiastiques se sont
donné carrière dans la suite à qui mieux mieux sur les
développements de cette figure. Mais prenons-la dans sa
simplicité, sans y chercher tant de finesses, tout en expli-
quant ce qui nous tombe sous la main.