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IVOIRES SCULPTÉS (PL. l).
le Seigneur (IReg. XVI, 1-13). Quoique l'Écriture'dise que cela se passa au milieu de la
famille, le fils de Jessé est seul agenouillé près de l'homme de Dieu. Mais une porte de ville
entr'ouverte indique la scène, surtout par l'inscription üeAï/ce/t (32c). Gela se retrouve assez
fréquemment sur les vieilles mosaïques en face d'un autre édicule intitulé jMVMa/em ; seule-
ment il s'agit alors d'opposer l'Église à la Synagogue, et c'était le premier pas vers le sym-
bolisme qui personnifia plus tard l'ancienne loi et la nouvelle près du Crucifix '. Ici nul n'a
droit de s'y tromper en faisant retour aux formes antiques, car de petits cartouches disent :
Zfatw/, — 6'awu/c/. En outre, une main divine touche l'extrémité de la corne (co?'??M
0A2) d'où l'huile s'épanche sur la chevelure de celui qui deviendra le Roi-Prophète.
Un troisième tableau rapproche beaucoup David et Goliath, pour enfermer la scène dans
un cadre étroitement mesuré. Lejeune berger agite sa fronde, et déjà la pierre atteint la
tête du géant (I Reg. XVII, 40-51). Le reste se devine; il fallait suppléer à l'espace étroit
dont disposait l'artiste. On lit : Ætwfaf, — G0/2W (32'c).
Vis-à-vis, c'est David encore, se présentant à Nobé, devant le grand-prêtre " Achimélech
qui lui donne l'épée du Philistin et les pains déposés sur l'autel. Dans un coin l'on aperçoit
l'espion iduméen (Doëg) qui va les trahir (1 Reg. XXI, 1-10; et XXII, 9-23). Les inscriptions,
sauf pour David, sont un peu confuses ; peut-être par l'état fruste du monument qui a tra-
versé huit siècles pour venir jusqu'à nous. Tout le monde n'ayant pas bien présent à l'esprit
ce récit du Livre des Rois, résumons-le brièvement. Le Ris de Jessé, averti par Jonathas,
quitte la cour aRn d'éviter la colère de Saül. Le grand-prêtre s'étonne de le voir seul, et
David fait mine d'avoir une mission secrète. Pressé de répondre aux ordres, il est parti sans
armes et sans provisions. Achimélech se prête au désir du fugitif ; et le chef des bergers de
Saül, caché près de là, le dénonce comme un traître. Mais les petits cercles où l'on voulait
faire entrer nos scènes, avec des personnages ayant une dimension un peu forte, étaient
assez faits pour gêner un artiste plus habile que le nôtre. Montrons, par quelque chose d'ana-
logue, ce que cela pouvait devenir sous la main de peintres ou dessinateurs appartenant à
une autre école du même siècle.
Voici donc à ce propos (p. 4) une miniature presque évidemment saxonne, mais dont je ne
connais pas la véritable provenance. N'était l'inscription qui semble indiquer saint Oswald
remerciant Dieu de sa victoire sur les Pietés de Ceadwalla, j'y verrais David à Nobé, lorsque
le grand-prêtre lui dit (I Reg. XXI, 8-9) : « Voici le glaive de Goliath le Philistin....; il est
enveloppé dans une étoffe. Si tu veux le prendre, prends-le ; nous n'avons pas d'autres
armes. H
A moins que je ne me trompe beaucoup, le compositeur de cette petite scène aura copié
!a mâchoire du lion ; et, pour éviter toute équivoque, ii est
accompagné de cette légende :
' Sic noster David... satanam superavit. «
C'est encore iui que représente incontestablement une
grande lettre ornée publiée par Langiois d'après un com-
mentaire de saint Augustin sur ies psaumes (ms. de Rouen,
donné comme du xi° siècle). Si les SS. Pcres parlent plus
communément de Samson que de David quand il s'agit de la
lutte d'un homme contre les bêtes farouches, le moyen âge
ne néglige point en pareil cas le jeune berger qui devint roi
d'Israël, ou l'associe du moins très-volontiers au souvenir de
Samson. Une des verrières de Cantorbéry, dépouillées 5y nM
UMMïeMr (Oxford, 1847,1.1, FeHMfm. 12*), expose ainsi un
médaillon : « Dominus ligans diabolum, spoliavit infemum.
— David eripuit oves, — et Sampson tulit portas :
Salvat ovem David, sic Cliristum significavit.
Est Samson ortisquirupitvincu!amortis;etc. x
1. Bethléem figurait probablement l'Église à titre du lieu
de naissance de Notre-Seigneur, ou- parce que les premiers
martyrs de l'Évangile (les SS. Innocents) souffrirent la mort
à Bethléem et dans les environs. Mais ce pouvait bien être
aussi parce que les Rois Mages, prémices de la Gentilité,
vinrent là reconnaître le Fils de Dieu dans l'étable.
2. Précédemment (pour la lutte avec Goliath), comme Da-
vid était en équipage de villageois qui chemine, on lui avait
enveloppé les jambes avec ces bandelettes croisées que le
moyen âge donne souvent aux voyageurs.
IVOIRES SCULPTÉS (PL. l).
le Seigneur (IReg. XVI, 1-13). Quoique l'Écriture'dise que cela se passa au milieu de la
famille, le fils de Jessé est seul agenouillé près de l'homme de Dieu. Mais une porte de ville
entr'ouverte indique la scène, surtout par l'inscription üeAï/ce/t (32c). Gela se retrouve assez
fréquemment sur les vieilles mosaïques en face d'un autre édicule intitulé jMVMa/em ; seule-
ment il s'agit alors d'opposer l'Église à la Synagogue, et c'était le premier pas vers le sym-
bolisme qui personnifia plus tard l'ancienne loi et la nouvelle près du Crucifix '. Ici nul n'a
droit de s'y tromper en faisant retour aux formes antiques, car de petits cartouches disent :
Zfatw/, — 6'awu/c/. En outre, une main divine touche l'extrémité de la corne (co?'??M
0A2) d'où l'huile s'épanche sur la chevelure de celui qui deviendra le Roi-Prophète.
Un troisième tableau rapproche beaucoup David et Goliath, pour enfermer la scène dans
un cadre étroitement mesuré. Lejeune berger agite sa fronde, et déjà la pierre atteint la
tête du géant (I Reg. XVII, 40-51). Le reste se devine; il fallait suppléer à l'espace étroit
dont disposait l'artiste. On lit : Ætwfaf, — G0/2W (32'c).
Vis-à-vis, c'est David encore, se présentant à Nobé, devant le grand-prêtre " Achimélech
qui lui donne l'épée du Philistin et les pains déposés sur l'autel. Dans un coin l'on aperçoit
l'espion iduméen (Doëg) qui va les trahir (1 Reg. XXI, 1-10; et XXII, 9-23). Les inscriptions,
sauf pour David, sont un peu confuses ; peut-être par l'état fruste du monument qui a tra-
versé huit siècles pour venir jusqu'à nous. Tout le monde n'ayant pas bien présent à l'esprit
ce récit du Livre des Rois, résumons-le brièvement. Le Ris de Jessé, averti par Jonathas,
quitte la cour aRn d'éviter la colère de Saül. Le grand-prêtre s'étonne de le voir seul, et
David fait mine d'avoir une mission secrète. Pressé de répondre aux ordres, il est parti sans
armes et sans provisions. Achimélech se prête au désir du fugitif ; et le chef des bergers de
Saül, caché près de là, le dénonce comme un traître. Mais les petits cercles où l'on voulait
faire entrer nos scènes, avec des personnages ayant une dimension un peu forte, étaient
assez faits pour gêner un artiste plus habile que le nôtre. Montrons, par quelque chose d'ana-
logue, ce que cela pouvait devenir sous la main de peintres ou dessinateurs appartenant à
une autre école du même siècle.
Voici donc à ce propos (p. 4) une miniature presque évidemment saxonne, mais dont je ne
connais pas la véritable provenance. N'était l'inscription qui semble indiquer saint Oswald
remerciant Dieu de sa victoire sur les Pietés de Ceadwalla, j'y verrais David à Nobé, lorsque
le grand-prêtre lui dit (I Reg. XXI, 8-9) : « Voici le glaive de Goliath le Philistin....; il est
enveloppé dans une étoffe. Si tu veux le prendre, prends-le ; nous n'avons pas d'autres
armes. H
A moins que je ne me trompe beaucoup, le compositeur de cette petite scène aura copié
!a mâchoire du lion ; et, pour éviter toute équivoque, ii est
accompagné de cette légende :
' Sic noster David... satanam superavit. «
C'est encore iui que représente incontestablement une
grande lettre ornée publiée par Langiois d'après un com-
mentaire de saint Augustin sur ies psaumes (ms. de Rouen,
donné comme du xi° siècle). Si les SS. Pcres parlent plus
communément de Samson que de David quand il s'agit de la
lutte d'un homme contre les bêtes farouches, le moyen âge
ne néglige point en pareil cas le jeune berger qui devint roi
d'Israël, ou l'associe du moins très-volontiers au souvenir de
Samson. Une des verrières de Cantorbéry, dépouillées 5y nM
UMMïeMr (Oxford, 1847,1.1, FeHMfm. 12*), expose ainsi un
médaillon : « Dominus ligans diabolum, spoliavit infemum.
— David eripuit oves, — et Sampson tulit portas :
Salvat ovem David, sic Cliristum significavit.
Est Samson ortisquirupitvincu!amortis;etc. x
1. Bethléem figurait probablement l'Église à titre du lieu
de naissance de Notre-Seigneur, ou- parce que les premiers
martyrs de l'Évangile (les SS. Innocents) souffrirent la mort
à Bethléem et dans les environs. Mais ce pouvait bien être
aussi parce que les Rois Mages, prémices de la Gentilité,
vinrent là reconnaître le Fils de Dieu dans l'étable.
2. Précédemment (pour la lutte avec Goliath), comme Da-
vid était en équipage de villageois qui chemine, on lui avait
enveloppé les jambes avec ces bandelettes croisées que le
moyen âge donne souvent aux voyageurs.