DES VICOMTES D E TURENNE.
399
CHRONOLOGÎE HISTORIQUE
D E S
VICOMTES D E TURENNE.
Turenne, en latin Torinna, Turenna, Turena , ville & château du bas Limosin , entre Tulles &
Sarlat, est le chef-lieu d’une Vicomté qui, sur huit lieues de long 8c sept de large, renferme treize
Châtellenies 8c cent seize paroistes situées en Limosin, en Périgord & en Querci. Ce n’étoit d’abord
qu’un simple château lorsque le Roi Pepin le Bref en fit la conquête en 767. L’avantage de sa posttion
engagea ce Prince à y transporter une colonie de François, à laquelle il accorda des privileges qui en
augmenterent la population. Les Seigneurs de Turenne étendirent par degrés leurs domaines au moyen
des acquisitions qu’ils firent, 8c leur autorité par le titre de Vicomte qu’ils obtinrent des Ducs d’Aqui-
taine , Comtes de Limosin, avec Ies droits réealiens.
R O D U L ï E,
Rodulse est Ie premier Seigneur de Turenne que l’histoire
nous fait connoître. Ses ancêtres, en remontant à son trisaïeul,
avoient été Abbés laïques de S. Martin de TuIIcs. II jouit du
mcme bénéfîce , & l’Empereur Louis Ie Débonnaire Ie décora
de plus du titre de Comte. Mais ce ne fut qu’un titre d’bonneur,
tel qu’on en conféroit autrefois, comme Tobserve D. Mabillon,
( ELog. S. Gerardi Aurel. ) à des personnes distinguées, à des
Seigneurs de Heux particuliers , sans lcur accorder les préroga-
tives & la jurisdidlion attachées à la dignité comtale. Rodulfe
ne fut donc point proprement Comte de Turenne , & n’a pu
être ainst qualifié que parce qu’il avoit la Seigneurie de ce lieu.
Aygua , sa femme , lui donna six enfans, Godefroi s qui suit ;
Robert, Comte de Querci ; Rodulfe, fait, en 840 ou 841 ,
Archevêque de Bourges ; Landri, différent, quoi qu’en dise
Justel, de Landri, Comte de Saintes, qui fut tué dans un com-
bat conrre Emicon , Comte d’AngouIême ; Jean, & Immaine,
Abbcsfe dans le Querci. Celle-ci mourut avant son pere, qui fut
inhumé auprès d’elle, on ne sait en quelle année, dans l’Eglise
de S. Geniès.
GODEFROI.
Godefroi, fïls aîné de R.oduIfe & son successeur dans la
Seigneurie de Turenne , se trouve ausîî dccoré du titre de
Comte. II épousa Gerberge dont il eut trois fils, Godefroi,
Geofroi & Ranulfe. On ne peut dire si les deux premiers succé-
derent l’un après Tautre à leur pere. Mais ce qui paroît moins
douteux , c’est qu’ils moururent tous deux sans postérité, ou
du moins sans enfans mâles.
R A N U L F E.
A D É M A R.
Adém ar ou Aimar , fîls de Bernard & son süccesTeur, étoit
mort en 984 , comme on le voit par ia donation que Deda , sa
mcre, fit au mois d’Oclobre de cette année , d’un meix à l’Ab- I
bayedeTuIles, pour les amesdu Vicomte Bernard, son mari, j
& du Vicomte Adémar, fon fils. ( Justel, preuv. de la M. de
Tureti. p. 19. ) Ce Vicomte , ainsî que ses pere & mere, fut
inhumé àl’Abbaye deTulles cjui devinc la sépulture des Vicom-
tes de Turenne tant qu’ils furent Abbés laïques de ce Monas-
tere.
Si Ton s’en rapporte à Piganiol de la Force, ( Descript. de. la
Fr. T. XI, pp. 409 & feqq. ) « Aimar, Comte de Turenne,
« pour se maintenir contre la force & la puissance des Comtes
« de Toulouse , qui avoicnt déjà usurpé le Comté de Querci
« sur ses prédécessèurs, se mit sous la proteètion du Roi de
» France, & s’y soumit tant pour lui que pour ses successeurs,
33 à ia charge qu’ils seroient conservés & maintenus en Ieurs
» franchises, libertés, droits & prérogatives qu’ils avoientdans
33 Tétendue de leur terre sur leurs vassaux. Depuis ce tems-là,
33 ajoute-t-il, îa Vicomté de Turenne a toujours relevé immé-
33 diaternent de la Couronne sous le simple hommage de fidé-
33 lité ; & au moyen de cet hommage nos Rois ont toujours
33 confirmé les Vicomtes de Turenne dans Iajouissancedesdroits
33 régaîiens. 33 H seroit à souhaiter qu’on eût des preuves litté-
rales de ces assertions. Ce qu’il y a de certain, c’est que de tems
immémorial les Vicomtes de Turenne ont été affranchis de la
dépendance des Comtes de Toulouse & de tout autre Seigneur, |
excepté le Roi, & que leur V'icomté a toujours été mise, par 1
ceux qui ont écrit sur les fiefs, au nombre des grandes Sei- |
gneuries. Louis XIV a confirmé cette prérogative par ses Let- |
tres du 11 Mai 1656. Il est cependant vrai que la Vicomté de 1
Turenne reslortit par appel au Baiiliage de Poitiers.
Ranulee continua la ligne des Seigneurs de Turenne. Sa
mort, suivant Balu7e ( Hifl. Tutel. p. 11 ), arriva au plus tard
Ia 5 e année du Roi Charles Ie Simple, ce qui revient à Tan 897
de J* C. D’Elisabeth , sa femme, il iaissa un fils, qui suit.
R O B E R T.
Robert , fils & successèur de Ranulfe , épousa , i° Blit-
garde , 2° F.RMrssiNDE. On doute s’il laissa des enfans de l’un
ou de l’autre mariage.
BERNARD, premier Vicomte.
Bernard , qui vient à la suite de Robert parmi les Sei-
gneurs de Turenne, paroît, avec assez peu de fondement, à
M. Baluze, avoir été son fiis ou du moins son proche parent.
Ce fut en sa faveur , & vraisemblablement pour récompense de
scs services, que le Roi Louis d’Outremer érigea la terre de
Turenne en Vicomté, de simple Viguerie qu’elle étoit aupa-
ravant j ce qui se fit avec consentement du Comte de Poitiers,
Suzerain du Limosin. II eut pour femme Deda , qui lui donna
un fils , qui suit, & deux filles , Sulpicie , femme d'Archam-
baud, dit Jambe-pourrie, qui viendra ci-après, & N., rnariée
à Ranulfe, Vicomte d’Aubusson.
ARCHAMBAUD, dit JAMBE-POURRIE.
Archambaud , Vicomte de Comborn, succéda, en vertu de
son mariage avec Sulpicie, fille de Bcrnard, à son beau-pere
Adémar dans la Vicomré de Turenne, ainsi que dans celles de
Ventadour & de Comborn. Mais il paroît que cette succession
Iui fut contestée par Ranulfe , Vicomte d’AubuIson , gendre,
comme lui, de Bernard. Geofroi du Vigeois nous apprend que
Iorsqu’il voulut entrer dans le château de Turenne pour en
prendre possèssîon , les portes se fermerent sur lui ( par la
mauvaise volonté de ceux qui étoient dedans ) avec tant de
violence, qu’elles lui froisserent le pied de maniere qu’il en
demeura boiteux Ie reste de ses jours : ce qui le fit surnommer
Jambe-pourrie. Archambaud & Ranulfe se réconcilierent dans
la suite, & réunirent leurs armes pour faire le siége du château
de Moulseau entre Aurillac & TuÜes, & non pas de Mucidan
en Périgord, comme le prétend M. de Valois par une fausse
interprétation du terme latin Mulfedonum. Cette expédition
eut un heureux succès. Archambaud se rendit fameux par beau-
coup d’autres exploits. II y avoit de son tems peu de guerriers
plus vigoureux & ptus redoutables que lui. Le carnage qu’il
faisoit des ennemis à la guerre avec sa hached’armes, luiavoit
mérité Ie surnom de Boucher. Geosroi du Vigeois raconte de
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CHRONOLOGÎE HISTORIQUE
D E S
VICOMTES D E TURENNE.
Turenne, en latin Torinna, Turenna, Turena , ville & château du bas Limosin , entre Tulles &
Sarlat, est le chef-lieu d’une Vicomté qui, sur huit lieues de long 8c sept de large, renferme treize
Châtellenies 8c cent seize paroistes situées en Limosin, en Périgord & en Querci. Ce n’étoit d’abord
qu’un simple château lorsque le Roi Pepin le Bref en fit la conquête en 767. L’avantage de sa posttion
engagea ce Prince à y transporter une colonie de François, à laquelle il accorda des privileges qui en
augmenterent la population. Les Seigneurs de Turenne étendirent par degrés leurs domaines au moyen
des acquisitions qu’ils firent, 8c leur autorité par le titre de Vicomte qu’ils obtinrent des Ducs d’Aqui-
taine , Comtes de Limosin, avec Ies droits réealiens.
R O D U L ï E,
Rodulse est Ie premier Seigneur de Turenne que l’histoire
nous fait connoître. Ses ancêtres, en remontant à son trisaïeul,
avoient été Abbés laïques de S. Martin de TuIIcs. II jouit du
mcme bénéfîce , & l’Empereur Louis Ie Débonnaire Ie décora
de plus du titre de Comte. Mais ce ne fut qu’un titre d’bonneur,
tel qu’on en conféroit autrefois, comme Tobserve D. Mabillon,
( ELog. S. Gerardi Aurel. ) à des personnes distinguées, à des
Seigneurs de Heux particuliers , sans lcur accorder les préroga-
tives & la jurisdidlion attachées à la dignité comtale. Rodulfe
ne fut donc point proprement Comte de Turenne , & n’a pu
être ainst qualifié que parce qu’il avoit la Seigneurie de ce lieu.
Aygua , sa femme , lui donna six enfans, Godefroi s qui suit ;
Robert, Comte de Querci ; Rodulfe, fait, en 840 ou 841 ,
Archevêque de Bourges ; Landri, différent, quoi qu’en dise
Justel, de Landri, Comte de Saintes, qui fut tué dans un com-
bat conrre Emicon , Comte d’AngouIême ; Jean, & Immaine,
Abbcsfe dans le Querci. Celle-ci mourut avant son pere, qui fut
inhumé auprès d’elle, on ne sait en quelle année, dans l’Eglise
de S. Geniès.
GODEFROI.
Godefroi, fïls aîné de R.oduIfe & son successeur dans la
Seigneurie de Turenne , se trouve ausîî dccoré du titre de
Comte. II épousa Gerberge dont il eut trois fils, Godefroi,
Geofroi & Ranulfe. On ne peut dire si les deux premiers succé-
derent l’un après Tautre à leur pere. Mais ce qui paroît moins
douteux , c’est qu’ils moururent tous deux sans postérité, ou
du moins sans enfans mâles.
R A N U L F E.
A D É M A R.
Adém ar ou Aimar , fîls de Bernard & son süccesTeur, étoit
mort en 984 , comme on le voit par ia donation que Deda , sa
mcre, fit au mois d’Oclobre de cette année , d’un meix à l’Ab- I
bayedeTuIles, pour les amesdu Vicomte Bernard, son mari, j
& du Vicomte Adémar, fon fils. ( Justel, preuv. de la M. de
Tureti. p. 19. ) Ce Vicomte , ainsî que ses pere & mere, fut
inhumé àl’Abbaye deTulles cjui devinc la sépulture des Vicom-
tes de Turenne tant qu’ils furent Abbés laïques de ce Monas-
tere.
Si Ton s’en rapporte à Piganiol de la Force, ( Descript. de. la
Fr. T. XI, pp. 409 & feqq. ) « Aimar, Comte de Turenne,
« pour se maintenir contre la force & la puissance des Comtes
« de Toulouse , qui avoicnt déjà usurpé le Comté de Querci
« sur ses prédécessèurs, se mit sous la proteètion du Roi de
» France, & s’y soumit tant pour lui que pour ses successeurs,
33 à ia charge qu’ils seroient conservés & maintenus en Ieurs
» franchises, libertés, droits & prérogatives qu’ils avoientdans
33 Tétendue de leur terre sur leurs vassaux. Depuis ce tems-là,
33 ajoute-t-il, îa Vicomté de Turenne a toujours relevé immé-
33 diaternent de la Couronne sous le simple hommage de fidé-
33 lité ; & au moyen de cet hommage nos Rois ont toujours
33 confirmé les Vicomtes de Turenne dans Iajouissancedesdroits
33 régaîiens. 33 H seroit à souhaiter qu’on eût des preuves litté-
rales de ces assertions. Ce qu’il y a de certain, c’est que de tems
immémorial les Vicomtes de Turenne ont été affranchis de la
dépendance des Comtes de Toulouse & de tout autre Seigneur, |
excepté le Roi, & que leur V'icomté a toujours été mise, par 1
ceux qui ont écrit sur les fiefs, au nombre des grandes Sei- |
gneuries. Louis XIV a confirmé cette prérogative par ses Let- |
tres du 11 Mai 1656. Il est cependant vrai que la Vicomté de 1
Turenne reslortit par appel au Baiiliage de Poitiers.
Ranulee continua la ligne des Seigneurs de Turenne. Sa
mort, suivant Balu7e ( Hifl. Tutel. p. 11 ), arriva au plus tard
Ia 5 e année du Roi Charles Ie Simple, ce qui revient à Tan 897
de J* C. D’Elisabeth , sa femme, il iaissa un fils, qui suit.
R O B E R T.
Robert , fils & successèur de Ranulfe , épousa , i° Blit-
garde , 2° F.RMrssiNDE. On doute s’il laissa des enfans de l’un
ou de l’autre mariage.
BERNARD, premier Vicomte.
Bernard , qui vient à la suite de Robert parmi les Sei-
gneurs de Turenne, paroît, avec assez peu de fondement, à
M. Baluze, avoir été son fiis ou du moins son proche parent.
Ce fut en sa faveur , & vraisemblablement pour récompense de
scs services, que le Roi Louis d’Outremer érigea la terre de
Turenne en Vicomté, de simple Viguerie qu’elle étoit aupa-
ravant j ce qui se fit avec consentement du Comte de Poitiers,
Suzerain du Limosin. II eut pour femme Deda , qui lui donna
un fils , qui suit, & deux filles , Sulpicie , femme d'Archam-
baud, dit Jambe-pourrie, qui viendra ci-après, & N., rnariée
à Ranulfe, Vicomte d’Aubusson.
ARCHAMBAUD, dit JAMBE-POURRIE.
Archambaud , Vicomte de Comborn, succéda, en vertu de
son mariage avec Sulpicie, fille de Bcrnard, à son beau-pere
Adémar dans la Vicomré de Turenne, ainsi que dans celles de
Ventadour & de Comborn. Mais il paroît que cette succession
Iui fut contestée par Ranulfe , Vicomte d’AubuIson , gendre,
comme lui, de Bernard. Geofroi du Vigeois nous apprend que
Iorsqu’il voulut entrer dans le château de Turenne pour en
prendre possèssîon , les portes se fermerent sur lui ( par la
mauvaise volonté de ceux qui étoient dedans ) avec tant de
violence, qu’elles lui froisserent le pied de maniere qu’il en
demeura boiteux Ie reste de ses jours : ce qui le fit surnommer
Jambe-pourrie. Archambaud & Ranulfe se réconcilierent dans
la suite, & réunirent leurs armes pour faire le siége du château
de Moulseau entre Aurillac & TuÜes, & non pas de Mucidan
en Périgord, comme le prétend M. de Valois par une fausse
interprétation du terme latin Mulfedonum. Cette expédition
eut un heureux succès. Archambaud se rendit fameux par beau-
coup d’autres exploits. II y avoit de son tems peu de guerriers
plus vigoureux & ptus redoutables que lui. Le carnage qu’il
faisoit des ennemis à la guerre avec sa hached’armes, luiavoit
mérité Ie surnom de Boucher. Geosroi du Vigeois raconte de