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ENTREVUE DU ROI ETDESAVONAROLE.
Sainte-Marie-des-Fleurs, il rendit compte de son voyage, il exhorta le
peuple, qui se pressait autour de lui, à persévérer dans ses prières;
car Dieu, disait-il, les avait exaucées. Malgré toute son autorité, il ne
parvint pas à faire partager sa confiance dans la parole royale, à ceux
de ses auditeurs que la restitution immédiate de Pise aurait seule pu
satisfaire. K Bref, Frère Jérôme perdit plutôt qu'il ne gagna à son voyage
auprès du roi ( [ ). n
Deux jours après, Charles, qui avait suivi le val d'Eisa jusqu'à l'Arno,
faisait son entrée dans Pise. Tandis que les Florentins regardaient la
soustraction de Pise à leur suzeraineté presque comme un fait accom-
pli, et qu'ils prétendaient que Charles VIII avait fait entrer la ville
rebelle dans l'apanage du dauphin (2)V"îts Pisans se considéraient
comme si peu délivrés de la tyrannie florentine, qu'ils ne cessaient
de supplier le roi de les mettre en liberté. Ils s'efforcaient de l'en-
traîner à se compromettre en leur faveur, comme jadis les Florentins
après l'expulsion de Pierre de Médicis, et sans plus de raison qu'eux,
ils proclamaient Charles le restaurateur de leur indépendance. Sur
toutes les tours, ils avaient arboré la bannière royale ; aux murs de
toutes les maisons, ils avaient suspendu l'écu de France. Au bout
du Ponte Vecchio, sur un arc de triomphe tendu de draperies d'a-
zur aux fleurs de lis d'or, ils avaient dressé une statue équestre de
Charles VIII, l'épée tendue vers Florence, foulant aux pieds de son
cheval le AAtrçocco florentin et la guivre milanaise. Les nobles Pisans
qui attendaient à la porte pour conduire le roi jusqu'à son logis le féli-
citèrent de son retour dans K sa très humble, obéissante et sujette ville H.
Leurs enfants, uniformément vêtus de satin blanc fleurdelisé, criaient :
K Vive Lrance ! » et de tous côtés, tandis que Charles s'avançait à travers
les rues, que de grands pins coupés dans la forêt du Gombo transfor-
maient en allées de verdure, le peuple répondait : K Vive le roi ! Liberté !
Liberté (3) ! ^
Partout le même cri retentissait aux oreilles du'roi. Le lendemain, ce
fut une longue procession de tout le clergé, suivi des Seigneurs de Pise,
qui vint le répéter sous les fenêtres de son logis. Le soir, au milieu
(1) Parenti, fol. t3ir". — Sanuto, 426-427.
(2) Parenti, fol. i3p°.
(3) Portovenere, 312-3 [3. — tArgigr TAonnenr, 372.
ENTREVUE DU ROI ETDESAVONAROLE.
Sainte-Marie-des-Fleurs, il rendit compte de son voyage, il exhorta le
peuple, qui se pressait autour de lui, à persévérer dans ses prières;
car Dieu, disait-il, les avait exaucées. Malgré toute son autorité, il ne
parvint pas à faire partager sa confiance dans la parole royale, à ceux
de ses auditeurs que la restitution immédiate de Pise aurait seule pu
satisfaire. K Bref, Frère Jérôme perdit plutôt qu'il ne gagna à son voyage
auprès du roi ( [ ). n
Deux jours après, Charles, qui avait suivi le val d'Eisa jusqu'à l'Arno,
faisait son entrée dans Pise. Tandis que les Florentins regardaient la
soustraction de Pise à leur suzeraineté presque comme un fait accom-
pli, et qu'ils prétendaient que Charles VIII avait fait entrer la ville
rebelle dans l'apanage du dauphin (2)V"îts Pisans se considéraient
comme si peu délivrés de la tyrannie florentine, qu'ils ne cessaient
de supplier le roi de les mettre en liberté. Ils s'efforcaient de l'en-
traîner à se compromettre en leur faveur, comme jadis les Florentins
après l'expulsion de Pierre de Médicis, et sans plus de raison qu'eux,
ils proclamaient Charles le restaurateur de leur indépendance. Sur
toutes les tours, ils avaient arboré la bannière royale ; aux murs de
toutes les maisons, ils avaient suspendu l'écu de France. Au bout
du Ponte Vecchio, sur un arc de triomphe tendu de draperies d'a-
zur aux fleurs de lis d'or, ils avaient dressé une statue équestre de
Charles VIII, l'épée tendue vers Florence, foulant aux pieds de son
cheval le AAtrçocco florentin et la guivre milanaise. Les nobles Pisans
qui attendaient à la porte pour conduire le roi jusqu'à son logis le féli-
citèrent de son retour dans K sa très humble, obéissante et sujette ville H.
Leurs enfants, uniformément vêtus de satin blanc fleurdelisé, criaient :
K Vive Lrance ! » et de tous côtés, tandis que Charles s'avançait à travers
les rues, que de grands pins coupés dans la forêt du Gombo transfor-
maient en allées de verdure, le peuple répondait : K Vive le roi ! Liberté !
Liberté (3) ! ^
Partout le même cri retentissait aux oreilles du'roi. Le lendemain, ce
fut une longue procession de tout le clergé, suivi des Seigneurs de Pise,
qui vint le répéter sous les fenêtres de son logis. Le soir, au milieu
(1) Parenti, fol. t3ir". — Sanuto, 426-427.
(2) Parenti, fol. i3p°.
(3) Portovenere, 312-3 [3. — tArgigr TAonnenr, 372.