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Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 2.1923/​1924

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No. 1 (1er octobre 1923)
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https://doi.org/10.11588/diglit.43074#0021
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La nouvelle que j'apportai au terrier fut ac-
cueillie avec joie et ma mère prit occasion du
bonheur qui venait à mère Séraphine pour
nous encourager à demeurer des lapins de ga-
renne généreux et hospitaliers, non point par
intérêt ni dans l’espoir d’une récompense, mais
par devoir. Voilà des sentiments qui honorent
notre race et qui deviennent bien rares, dit-on,
parmi les hommes d’aujourd’hui.
Nous avions des loisirs pour causer en famille
durant cette mauvaise saison qui ne permettait
plus nos longues promenades et suscitait de sé-
rieux obstacles à mes incursions aux abords du
village.
La neige.
Souvent la neige, couvrant les campagnes et
le bois, nous invitait à des sorties aventureu-
ses. Mais quelle imprudence, pour le lapin, de
quitter son terrier en de pareils jours! L’ex-
quise blancheur de la neige et le froid un peu
piquant m’attiraient au dehors, mais sur ce
moelleux tapis où les pattes s’enfoncent avec-
un léger crissement, toute démarche laisse une
empreinte révélatrice que le braconnier met a
profit. Les lacets enchevêtrés, les marches et
contremarches diverses, les détours savants
multipliés dans le but de troubler la piste et de
dérouter les recherches ne nous réussissent pas
toujours. Le braconnier sait discerner le sens
de la marche ; au milieu de ce labyrinthe il
distingue la véritable trace qui le mène au
terrier. Alors, gare le piège ou le furet !
Il faut vivre, pourtant, et la recherche de la
nourriture quotidienne nous oblige à des sorties
pleines de péril.
Un matin de fin novembre, le souvenir de
mon ami l’écureuil me poursuivit longtemps.
Que pouvait-il donc lui arriver ? Qu’était-il ad-
venu, par ailleurs, de l’héritage de mère Séra-
phine ? Je voulus savoir et sans délibérer da-

vantage je mis le nez à l’entrée de notre terrier.
La neige était tombée abondante durant la
nuit ; son éclat m’éblouit. Partout sa blancheur
rayonnait sous le soleil du matin ; blancheur
sur terre et sur les herbes ; blancheur sur les
buissons et sur les arbres ; blancheur sur les
meules de blé et sur les toits ! Partout aussi le
silence qu’interrompait parfois le tint., tiritit.,
du rouge-gorge et du roitelet. Le ahuri l des
bûcherons me parvint bientôt, lui aussi, et le
bruit des cognées s’abattant sur le pied des hê-
tres se répercuta dans le bois en longs échos
amortis par la neige. Je pensai à Chariot et me
demandai si l'héritage maternel ne l’avait pas
détourné du travail et rendu à ses habitudes de
paresse et de vagabondage. Je résolus de m’en
assurer et me dirigeai vers le Chemin rouge.
Quel joli spectacle que cette neige épandue
sur les bois ! Vraiment les arbres la portent
comme une parure ; ils s’en couvrent comme
d’un vêtement. Le froid peut venir. « Ils se-
ront heureux, pour cette fin d’hiver, les lourds
sapins sous leurs douillettes blanches, les chê-
nes majestueux sous leurs pelisses neigeuses,
les hêtres sous leurs mantes, les charmes et les
bouleaux sous leurs capuchons et les buissons
d’épines sous leurs petits caraailsl. »
Quel plaisir de trottiner sur ce moelleux
tapis d’hermine, de courir à droite, à gauche,
de grignoter de-ci, de-là, une feuille de menthe
qui émerge de la neige, une branchette de
lavande fanée par le froid ! L’air vif aiguise
l’appétit; il donne aux plantes les plus dédai-
gnées en été une saveur inconnue qui les fait
rechercher.
Notre bois abonde en nourriture saine et en
plantes vivaces. On y trouve malheureusement
aussi la mercuriale vivace que ma mère me
signala comme un poison et m’apprit à recon-
1. J. i>i>SMY. Les quatre saisons de la forêt, Grasset,
Paris,

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