naître à ses fleurs verdâtres en épis, à son odeur
désagréable. JNIous mourons de la goûter, et les
hommes l’emploient comme un remède. On dit
même que les Allemands accommodent cette
plante en guise d’épinards.
La belladone croît aussi volontiers dans
notre bois. Cette plante au nom distingué :
bella donna, belle dame, aurait été ainsi appelé
par les Italiens, à cause de la propriété de son
suc qui entretiendrait la blancheur de la peau
et la fraîcheur du teint. Ce suc est un poison.
J’ai même entendu dire, par le châtelain,
qu’au temps passé les Écossais, en guerre avec
les Danois, conclurent une trêve avec ces der-
niers et mêlèrent du suc de belladone aux bois-
sons qu’ils s’étaient engagés à leur fournir. Un
sommeil léthargique livra bientôt les Danois
au fer de leurs perfides ennemis. Les lapins ne
connaissent pas ces querelles méchantes et n’u-
seraient jamais de pareilles traîtrises.
La belladone, aux fleurs en clochettes d’un
pourpre violacé, donne des fruits en forme de
cerises vertes d’abord, puis rouges, et enfin
noires dans leur maturité. Ces baies rondes
sont engageantes avec leur petite collerette
verte à cinq dents, et les enfants les prennent
parfois pour de savoureuses myrtilles. Malheur
à l’imprudent qui goûte à ce fruit de la bella-
done ! Il est pris d’un délire stupide analogue
à celui que procure l’ivresse, il s’agite de con-
vulsions et la mort peut venir si l’on n’use de
puissants vomitifs ou d’un contre-poison éner-
gique. Il faut dire pourtant que du fruit de la
belladone on extrait l’atropine utilisée par les
oculistes pour le traitement des affections des
yeux. Quelques gouttes d’atropine introduites
sous la paupière ont la vertu d’élargir la pu-
pille. On retire aussi de la belladone une belle
couleur verte que les anciens utilisaient pour
l’enluminure des manuscrits. On compose des
pommades adoucissantes et résolutives avec la
belladone. C’est la compensation aux maux
qu’elle produit chez les hommes. Pour les la-
pins, la belladone est un mets agréable et nous
en pouvons manger impunément une quantité
qui tuerait plusieurs hommes.
Ces souvenirs me firent oublier un moment
la splendeur du spectacle que m’offrait le bois
sous la neige. Je m’assis pour le contempler.
« Une peluche argentée s’attache aux bran-
ches des arbres et les chemins sont effacés ; les
silhouettes des objets se découpent en noir ou
en gris sombre. Les bras des sapins ploient sous
la neige et quelquefois, secouant leur lourde
charge, on les voit se relever brusquement.
Des paquets de neige glissent et vont s’écraser,
avec un son mat, sur le tapis blanc. Les geais
et les pies glapissent aigrement et font grincer
leur crécelle en volant d’un arbre à l’autre;
les moineaux, aux abords du village, poussent
des piaillements de détresse. Ils ont froid, ils
ont faim, et l’avenir de leur déjeuner les in-
quiète. Sur cette belle nappe plus blanche que
le plus fin linge de Saxe déployée ironique-
ment, il n’y a rien à manger. » (Th. Gautier.)
Les oiseaux sont bien malheureux par cette
rude saison et je me demandai, avec inquié-
tude, si mon ami l’écureuil ne partageait pas
leur cruelle pauvreté. Il dormait sans doute,
blotti dans son nid. Que ferait-il dans la
neige par ce froid ! Je voulus savoir ce qu’il
devenait ; le hasard le mit sur ma route. Il
revenait de la ferme ; ses petits bonds dans la
neige découpaient sur la blancheur du sol sa
forme svelte et gracieuse. La queue en pa-
nache, l’air satisfait, il se dirigeait vers sa
retraite. Je le vis grimper à son arbre avec
l’agilité qui le caractérise et se dissimuler un
instant sous la grosse branche avant d’entrer
dans son nid. J’étais rassuré.
(Â suivre) Jeannot.
16
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désagréable. JNIous mourons de la goûter, et les
hommes l’emploient comme un remède. On dit
même que les Allemands accommodent cette
plante en guise d’épinards.
La belladone croît aussi volontiers dans
notre bois. Cette plante au nom distingué :
bella donna, belle dame, aurait été ainsi appelé
par les Italiens, à cause de la propriété de son
suc qui entretiendrait la blancheur de la peau
et la fraîcheur du teint. Ce suc est un poison.
J’ai même entendu dire, par le châtelain,
qu’au temps passé les Écossais, en guerre avec
les Danois, conclurent une trêve avec ces der-
niers et mêlèrent du suc de belladone aux bois-
sons qu’ils s’étaient engagés à leur fournir. Un
sommeil léthargique livra bientôt les Danois
au fer de leurs perfides ennemis. Les lapins ne
connaissent pas ces querelles méchantes et n’u-
seraient jamais de pareilles traîtrises.
La belladone, aux fleurs en clochettes d’un
pourpre violacé, donne des fruits en forme de
cerises vertes d’abord, puis rouges, et enfin
noires dans leur maturité. Ces baies rondes
sont engageantes avec leur petite collerette
verte à cinq dents, et les enfants les prennent
parfois pour de savoureuses myrtilles. Malheur
à l’imprudent qui goûte à ce fruit de la bella-
done ! Il est pris d’un délire stupide analogue
à celui que procure l’ivresse, il s’agite de con-
vulsions et la mort peut venir si l’on n’use de
puissants vomitifs ou d’un contre-poison éner-
gique. Il faut dire pourtant que du fruit de la
belladone on extrait l’atropine utilisée par les
oculistes pour le traitement des affections des
yeux. Quelques gouttes d’atropine introduites
sous la paupière ont la vertu d’élargir la pu-
pille. On retire aussi de la belladone une belle
couleur verte que les anciens utilisaient pour
l’enluminure des manuscrits. On compose des
pommades adoucissantes et résolutives avec la
belladone. C’est la compensation aux maux
qu’elle produit chez les hommes. Pour les la-
pins, la belladone est un mets agréable et nous
en pouvons manger impunément une quantité
qui tuerait plusieurs hommes.
Ces souvenirs me firent oublier un moment
la splendeur du spectacle que m’offrait le bois
sous la neige. Je m’assis pour le contempler.
« Une peluche argentée s’attache aux bran-
ches des arbres et les chemins sont effacés ; les
silhouettes des objets se découpent en noir ou
en gris sombre. Les bras des sapins ploient sous
la neige et quelquefois, secouant leur lourde
charge, on les voit se relever brusquement.
Des paquets de neige glissent et vont s’écraser,
avec un son mat, sur le tapis blanc. Les geais
et les pies glapissent aigrement et font grincer
leur crécelle en volant d’un arbre à l’autre;
les moineaux, aux abords du village, poussent
des piaillements de détresse. Ils ont froid, ils
ont faim, et l’avenir de leur déjeuner les in-
quiète. Sur cette belle nappe plus blanche que
le plus fin linge de Saxe déployée ironique-
ment, il n’y a rien à manger. » (Th. Gautier.)
Les oiseaux sont bien malheureux par cette
rude saison et je me demandai, avec inquié-
tude, si mon ami l’écureuil ne partageait pas
leur cruelle pauvreté. Il dormait sans doute,
blotti dans son nid. Que ferait-il dans la
neige par ce froid ! Je voulus savoir ce qu’il
devenait ; le hasard le mit sur ma route. Il
revenait de la ferme ; ses petits bonds dans la
neige découpaient sur la blancheur du sol sa
forme svelte et gracieuse. La queue en pa-
nache, l’air satisfait, il se dirigeait vers sa
retraite. Je le vis grimper à son arbre avec
l’agilité qui le caractérise et se dissimuler un
instant sous la grosse branche avant d’entrer
dans son nid. J’étais rassuré.
(Â suivre) Jeannot.
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