Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 2.1923/​1924

DOI Heft:
[No. 2]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.43074#0037
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext

Chez mère Séraphine.
Que devenait mère Séraphine ? Louise avait-
elle trouvé, chez le notaire, les explications qui
devaient la rassurer ? Je m’approchai vivement
de la chaumière, résolu de calmer mon inquié-
tude et d’apprendre ce qui s’était passé depuis
quelques jours.
La maison me parut calme comme d’ordi-
naire. Le même bon ordre et la même propreté
régnaient partout. Un coup de balai diligent
avait débarrassé le devant de la poi'te et la
principale allée du jardin de la neige qui les
encombrait. J’entendis bientôt la voix de
Louise, mais je ne pus suivre toute sa conver-
sation avec mère Séraphine. Il s’agissait de
Chariot.
— Quel bonheur, disait Louise, que mon
frère ne se soit pas laissé griser par la bonne
chance qui nou9 arrive ! Il travaille mieux en-
core qu’aux jours de notre plus sombre pau-
vreté. Il sait pourtant que l’héritage de notre
oncle lui permettrait une vie tranquille occu-
pée aux seuls soins de notre jardinet. Il veut
un labeur quotidien sérieux, m’a-t-il dit, pour
se tenir en garde contre les tentations de l’oi-
siveté et les dangers du complet désœuvrement.
Il continuera son métier de bûcheron en ama-
teur, en patron ; il exploitera les bois de la
région et ne nous quittera plus.
Mère Séraphine approuvait. Elle parla en-
suite de son frère enrichi là-bas de l’autre côté
des océans. C’était, d’après ce que je compris,
un aventurier qui n’aimait pas le village natal
et que l’inconnu attirait étrangement. Tout
jeune homme il formait des projets de voyage
et quelque jour ses parents le crurent perdu.
Il avait onze ans. Des chalands, comme il en
passe journellement sur l’Escaut, l’avaient at-
tiré par leur forme un peu originale. Le cos-
tume des occupants l’intrigua autant que leur
langage. Il trouva le moyen de leur rendre

quelques services, les suivit à bord et partit.
On le chercha vainement dans les environs.
Enfin, quelqu’un se souvint de l’avoir remar-
qué parmi les bateliers. Us furent rejoints à
Anvers et le fugitif, honteux de son équipée,
désolé de l’inquiétude qu’il avait causée à sa
famille, fut ramené par petites étapes et cor-
rigé comme il convenait.
Le goût des voyages ne le quitta point ; le
service militaire qu’il fit dans la marine accrut
encore son désir de chercher fortune au loin.
Il partit avec un vaisseau anglais qui faisait
voile pour l’Australie et s’installa dans cette
île. Durant quelques années il envoya de ses
nouvelles ; il fît parvenir à mère Séraphine un
oiseau de paradis. Engagé d’abord comme ou-
vrier de ferme il amassa une somme qui lui
permit l’achat d’un petit troupeau. Les cir-
constances le favorisèrent. Un terrain lui fut
confié pour le faire valoir ; il réussit, et la for-
tune lui vint avec la prospérité.
Le colon vécut ainsi loin des siens dans le
travail. Depuis vingt ans mère Séraphine ne
savait plus rien de lui. Elle apprit, par le no-
taire, que son frère avait mené une vie exem-
plaire de labeur et d'honnêteté et qu’il était
mort quelques semaines avant la date projetée
pour son retour au pays natal. La vente de ses
biens, réalisée en vue de son prochain départ,
lui avait mis entre les mains une fortune, une
véritable fortune, lorsqu’une fièvre maligne le
terrassa.
Mère Séraphine répéta plusieurs fois le chif-
fre : quatorze cent mille francs ! Cela doit re-
présenter une bien grosse somme !
La somme, assez ronde en effet, attirait déjà
des visites à l’humble chaumière. Hommes
d’affaires, exploiteurs, aigrefins de tous genres
affluaient, s’efforçant de circonvenir la vieille
femme et de rogner l’héritage sous prétexte de
le faire fructifier. Mère Séraphine, suivant le
conseil du notaire et du digne curé du village,

SI
 
Annotationen