El? feuilletant les vieux livres
Jean ïïolbein, et le courtisan anglais.
Jean Holbein naquit à Bâle,, en 1498,
et reçut des leçons de son père, peintre
médiocre ; il se perfectionna de lui-même
et produisit d’excellents tableaux. Il
décora les murs du cimetière de Bâle de
la fameuse Danse des morts où il repré-
senta toutes les conditions : rois et ber-
gers, riches et pauvres, jeunes et vieux,
et peignit pour l’Hôtel-de-ville, la Pas-
sion de Jésus-Christ en huit comparti-
ments.
Holbein travaillait de la main gauche
et réussissait aussi bien la peinture à
l’huile, la gouache, la fresque et la mi-
niature. Erasme, dont Holbein peignit
le portrait, le pria de passer en Angle-
terre où il fut présenté à Thomas Morus,
leur ami commun. Henri VIII, ayant vu
chez le chancelier les oeuvres d’Holbein,
les loua si fort que Morus les lui offrit.
Peu après le chancelier présenta l’artiste
au roi qui le nomma son peintre et dit
au ministre : cc Je vous rends avec plaisir
les présents que vous m’avez faits, puis-
que vous me procurez l’auteur. »
Henri VIII accorda à l’artiste toute
sa confiance. Un jour qu’Holbein s’était
enfermé dans son atelier pour peindre un
tableau auquel il donnait tous ses soins,
un comte, curieux de lui voir manier le
pinceau, vint frapper à sa porte ; le pein-
tre répond qu’il ne lui est pas permis
d’ouvrir.Le seigneur ne se rebute point ;
le peintre tient ferme. Enfin, lassé de
cette importunité, la colère le prend ; il
se lève, il ouvre, et, saisissant le comte,
il le jette du haut en bas de l’escalier, ce
qui mit le seigneur en pitoyable état.
Holbein, effrayé, sauta par la fenêtre,
et, courant chez le roi, lui conta l’his-
toire. Le roi lui accorda sa grâce à con-
dition qu’il demanderait pardon au sei-
gneur maltraité et retint le peintre pour
donner à la colère du comte le temps de
se calmer.Cependant celui-ci, tout brisé,
le visage couvert de sang, se fait appor-
ter devant le roi et demande justice.
Henri le plaint et l’exhorte à pardon-
ner ; mais trouvant le seigneur insensible
à cette morale et prévoyant que tôt ou
tard il ferait un mauvais parti à Holbein,
le roi lui adressa cette terrible apostro-
phe : cc Monsieur, je vous défends, sur
votre vie, d’attenter à celle du peintre !
Sachez qu’il existe entre vous deux une
différence immense ; de sept paysans je
puis bien faire sept comtes comme vous ;
mais de sept comtes je ne pourrais jamais
faire un seul Holbein ! » Le gentil-
homme, écrasé par ces paroles, se jeta
aux pieds du prince et promit, non seu-
lement d’étouffer son ressentiment,mais
encore de devenir le protecteur du
peintre.
Holbein mourut à Londres, de la
peste, en 1554.
— 278
Jean ïïolbein, et le courtisan anglais.
Jean Holbein naquit à Bâle,, en 1498,
et reçut des leçons de son père, peintre
médiocre ; il se perfectionna de lui-même
et produisit d’excellents tableaux. Il
décora les murs du cimetière de Bâle de
la fameuse Danse des morts où il repré-
senta toutes les conditions : rois et ber-
gers, riches et pauvres, jeunes et vieux,
et peignit pour l’Hôtel-de-ville, la Pas-
sion de Jésus-Christ en huit comparti-
ments.
Holbein travaillait de la main gauche
et réussissait aussi bien la peinture à
l’huile, la gouache, la fresque et la mi-
niature. Erasme, dont Holbein peignit
le portrait, le pria de passer en Angle-
terre où il fut présenté à Thomas Morus,
leur ami commun. Henri VIII, ayant vu
chez le chancelier les oeuvres d’Holbein,
les loua si fort que Morus les lui offrit.
Peu après le chancelier présenta l’artiste
au roi qui le nomma son peintre et dit
au ministre : cc Je vous rends avec plaisir
les présents que vous m’avez faits, puis-
que vous me procurez l’auteur. »
Henri VIII accorda à l’artiste toute
sa confiance. Un jour qu’Holbein s’était
enfermé dans son atelier pour peindre un
tableau auquel il donnait tous ses soins,
un comte, curieux de lui voir manier le
pinceau, vint frapper à sa porte ; le pein-
tre répond qu’il ne lui est pas permis
d’ouvrir.Le seigneur ne se rebute point ;
le peintre tient ferme. Enfin, lassé de
cette importunité, la colère le prend ; il
se lève, il ouvre, et, saisissant le comte,
il le jette du haut en bas de l’escalier, ce
qui mit le seigneur en pitoyable état.
Holbein, effrayé, sauta par la fenêtre,
et, courant chez le roi, lui conta l’his-
toire. Le roi lui accorda sa grâce à con-
dition qu’il demanderait pardon au sei-
gneur maltraité et retint le peintre pour
donner à la colère du comte le temps de
se calmer.Cependant celui-ci, tout brisé,
le visage couvert de sang, se fait appor-
ter devant le roi et demande justice.
Henri le plaint et l’exhorte à pardon-
ner ; mais trouvant le seigneur insensible
à cette morale et prévoyant que tôt ou
tard il ferait un mauvais parti à Holbein,
le roi lui adressa cette terrible apostro-
phe : cc Monsieur, je vous défends, sur
votre vie, d’attenter à celle du peintre !
Sachez qu’il existe entre vous deux une
différence immense ; de sept paysans je
puis bien faire sept comtes comme vous ;
mais de sept comtes je ne pourrais jamais
faire un seul Holbein ! » Le gentil-
homme, écrasé par ces paroles, se jeta
aux pieds du prince et promit, non seu-
lement d’étouffer son ressentiment,mais
encore de devenir le protecteur du
peintre.
Holbein mourut à Londres, de la
peste, en 1554.
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