L’Enluminure
La flore de l’enlumineur.
Les enlumineurs des plus belles époques de
l’art des manuscrits, ceux des XIIIe et XIVe
siècles, ont cherché leurs modèles dans la na-
ture. Us ont cueilli les fleurs les plus simples
aux bords des chemins, ils ont recherché les
fleurs sauvages à la corolle élégante, dédaignant
les plantes cultivées dans les serres, repoussant
les plantes exotiques aux formes savantes et
compliquées. Les moines enlumineurs, épris de
vérité et de simplicité, ont arrêté leurs regards
sur les fleurettes qui émaillaient leurs prés ;
dans l’étude minutieuse de leurs organes ils ont
trouvé toute une décoration nouvelle que les
siècles suivants se sont transmises jusqu'à nous.
Les replis et retroussés, dans lesquels les en-
lumineurs ont. toujours excellé, se sont produits
naturellement dans leurs herbiers lorsque la
fleur et la feuille, pressées entre deux buvards,
ont pris naturellement ces formes aplaties et.
contournées d’où est né le style de l’enlumi-
nure.
Peut-être encore quelque moine artiste,
comme le remarque Ed. Marchand, a-t-il mar-
qué la page de l’office du jour, en son livre
d’heures, à l’aide de quelque fleurette cueillie
en son chemin. « De la pâquerette au cœur
d’or auréolé de ses rayons d’argent, il aura
marqué l’office du saint jour de Pâques. De la
feuille trilobée du trèfle, celui de la Sainte-
Trinité. La pensée aux grandes ailes sombres,
aura été se loger au jour des Morts ; la rosç des
buissons à la fête du Saint-Esprit ; la clochette
bleue à l’Assomption de la Vierge, tandis que
l’œillet rouge, emblème du grand amour, l’aura
séduit pour la fête du Saint. Sacrement. La
simple primevère au brillant coloris, l’humble
violette dont 1a. timidité se cache sous une large
feuille, le doux myosotis aux yeux bleus pro-
fonds connue le ciel, pensifs et tendres comme
une âme aimante, le frêle bouton d’or avec son
feuillage dentelé, la robe de Marie dont la col-
lerette verte apporte l’espérance, trouvèrent
tour à tour leur place dans les feuillets du Livre.
Et, ainsi chacune des pages de ses Heures aura
été décorée de l’une de ces gracieuses fleurettes
dont les senteurs embaumaient son oraison de
leur parfum pénétrant. »
Ce jour-là le moine avait découvert un art;
l’enluminure était née. Les ymaigiers et les
peintres de la plate peinture, ses confrères et
voisins de cellule, puisèrent en cet herbier im-
provisé les sujets de leurs plus heureuses com-
positions. Leurs dessins furent plats comme les
modèles séchés qu’ils avaient sous les yeux ; les
personnages eux-mêmes qu’ils ajoutèrent bien-
tôt aux lettres historiées ne prirent non plus
aucun relief ; ils leur donnèrent ce caractère
hiératique qui en fait le charme et le style.
L’enluminure avait atteint son plus haut degré
de perfection et de pureté. Concevrait-on, en
effet, les ornements en relief dans les pages d’un
livre serrées les unes contre les autres ; ce serait
un contresens dans lequel les moines artistes ne
tombèrent jamais.
Lorsque les miniaturistes, attirés par le
— 199
La flore de l’enlumineur.
Les enlumineurs des plus belles époques de
l’art des manuscrits, ceux des XIIIe et XIVe
siècles, ont cherché leurs modèles dans la na-
ture. Us ont cueilli les fleurs les plus simples
aux bords des chemins, ils ont recherché les
fleurs sauvages à la corolle élégante, dédaignant
les plantes cultivées dans les serres, repoussant
les plantes exotiques aux formes savantes et
compliquées. Les moines enlumineurs, épris de
vérité et de simplicité, ont arrêté leurs regards
sur les fleurettes qui émaillaient leurs prés ;
dans l’étude minutieuse de leurs organes ils ont
trouvé toute une décoration nouvelle que les
siècles suivants se sont transmises jusqu'à nous.
Les replis et retroussés, dans lesquels les en-
lumineurs ont. toujours excellé, se sont produits
naturellement dans leurs herbiers lorsque la
fleur et la feuille, pressées entre deux buvards,
ont pris naturellement ces formes aplaties et.
contournées d’où est né le style de l’enlumi-
nure.
Peut-être encore quelque moine artiste,
comme le remarque Ed. Marchand, a-t-il mar-
qué la page de l’office du jour, en son livre
d’heures, à l’aide de quelque fleurette cueillie
en son chemin. « De la pâquerette au cœur
d’or auréolé de ses rayons d’argent, il aura
marqué l’office du saint jour de Pâques. De la
feuille trilobée du trèfle, celui de la Sainte-
Trinité. La pensée aux grandes ailes sombres,
aura été se loger au jour des Morts ; la rosç des
buissons à la fête du Saint-Esprit ; la clochette
bleue à l’Assomption de la Vierge, tandis que
l’œillet rouge, emblème du grand amour, l’aura
séduit pour la fête du Saint. Sacrement. La
simple primevère au brillant coloris, l’humble
violette dont 1a. timidité se cache sous une large
feuille, le doux myosotis aux yeux bleus pro-
fonds connue le ciel, pensifs et tendres comme
une âme aimante, le frêle bouton d’or avec son
feuillage dentelé, la robe de Marie dont la col-
lerette verte apporte l’espérance, trouvèrent
tour à tour leur place dans les feuillets du Livre.
Et, ainsi chacune des pages de ses Heures aura
été décorée de l’une de ces gracieuses fleurettes
dont les senteurs embaumaient son oraison de
leur parfum pénétrant. »
Ce jour-là le moine avait découvert un art;
l’enluminure était née. Les ymaigiers et les
peintres de la plate peinture, ses confrères et
voisins de cellule, puisèrent en cet herbier im-
provisé les sujets de leurs plus heureuses com-
positions. Leurs dessins furent plats comme les
modèles séchés qu’ils avaient sous les yeux ; les
personnages eux-mêmes qu’ils ajoutèrent bien-
tôt aux lettres historiées ne prirent non plus
aucun relief ; ils leur donnèrent ce caractère
hiératique qui en fait le charme et le style.
L’enluminure avait atteint son plus haut degré
de perfection et de pureté. Concevrait-on, en
effet, les ornements en relief dans les pages d’un
livre serrées les unes contre les autres ; ce serait
un contresens dans lequel les moines artistes ne
tombèrent jamais.
Lorsque les miniaturistes, attirés par le
— 199