Sodoma; demandez à Véronèse, au Ti-
tien, au Tintoret, pour Venise. En Flan-
dre, en Hollande, en Allemagne vous
aurez une tout autre couleur. Breughel
vous présentera un Christ en culottes
courtes et à chapeau mou ; Rembrandt
charriera devant vous, en brouette, les
malades que la pitié du Sauveur va gué-
rir. Les gardes du Calvaire, chez Teniers,
joueront aux cartes, coiffés de feutres à
plumes et armés de hallebardes. Les
saintes femmes de Rubens sont des fem-
mes de bourgmestres, cossues 1 ».
Ces artistes ne prétendaient pas repré-
senter les scènes historiques dans leur
réalité de détails ; le fait seul leur impor-
tait et la traduction du divin demeurait
leur unique souci. Du particulier, ils al-
laient au général. Aussi ne se font-ils pas
scrupule de placer au pied de la Croix
du Sauveur mourant, avec la très sainte
Vierge et saint Jean, quelques person-
nages de leur choix. L’Angelico age-
nouillait volontiers saint Dominique
dans le costume de son Ordre parmi les
pieux personnages de cette scène de la
Passion ; F anachronisme du costume ne
le troublait point. Le saint artiste ne
prétendait pas nous donner, en sa réa-
lité, la scène du Calvaire. S’il interpré-
tait, s’il idéalisait les personnages, pour-
quoi n’aurait-il pas gardé toute sa liberté
dans la composition du tableau, quant à
la personnalité des acteurs et quant à leur
costume? Ce qu’Angelico voulait expri-
mer, c’était la mort du Christ pour les
hommes, pour l’humanité ; aussi, dans
sa grande Crucifixion du couvent de
Saint-Marc, il assemble, aux pieds du
Sauveur en croix, des saints de toutes
les époques. C’est ainsi, fait remarquer
le P. Sertillanges, que devant la Com-
1. P. Sertill\nges. Op. cit.
muni ou de saint Jérôme, le ce person-
nage » disparaît ; on a l’impression géné-
rale de viatique et de mort chrétienne.
Encore une fois, le particulier devient
général ; le peintre écrit pour l’humanité
de tous les temps, il'met en relief la
signification du fait dans ce qu’il a d’uni-
fig. 1 Portrait en pied du prince Chercrochidzé,
par Wladimir Perelmagne (1909)
versel, et pour le rendre intelligible à ses
compatriotes, il revêt de leur costume
les acteurs qu’il met en jeu.
Nous ne pensons pas qu’il convienne
de donner aux personnages sacrés, dans
243
tien, au Tintoret, pour Venise. En Flan-
dre, en Hollande, en Allemagne vous
aurez une tout autre couleur. Breughel
vous présentera un Christ en culottes
courtes et à chapeau mou ; Rembrandt
charriera devant vous, en brouette, les
malades que la pitié du Sauveur va gué-
rir. Les gardes du Calvaire, chez Teniers,
joueront aux cartes, coiffés de feutres à
plumes et armés de hallebardes. Les
saintes femmes de Rubens sont des fem-
mes de bourgmestres, cossues 1 ».
Ces artistes ne prétendaient pas repré-
senter les scènes historiques dans leur
réalité de détails ; le fait seul leur impor-
tait et la traduction du divin demeurait
leur unique souci. Du particulier, ils al-
laient au général. Aussi ne se font-ils pas
scrupule de placer au pied de la Croix
du Sauveur mourant, avec la très sainte
Vierge et saint Jean, quelques person-
nages de leur choix. L’Angelico age-
nouillait volontiers saint Dominique
dans le costume de son Ordre parmi les
pieux personnages de cette scène de la
Passion ; F anachronisme du costume ne
le troublait point. Le saint artiste ne
prétendait pas nous donner, en sa réa-
lité, la scène du Calvaire. S’il interpré-
tait, s’il idéalisait les personnages, pour-
quoi n’aurait-il pas gardé toute sa liberté
dans la composition du tableau, quant à
la personnalité des acteurs et quant à leur
costume? Ce qu’Angelico voulait expri-
mer, c’était la mort du Christ pour les
hommes, pour l’humanité ; aussi, dans
sa grande Crucifixion du couvent de
Saint-Marc, il assemble, aux pieds du
Sauveur en croix, des saints de toutes
les époques. C’est ainsi, fait remarquer
le P. Sertillanges, que devant la Com-
1. P. Sertill\nges. Op. cit.
muni ou de saint Jérôme, le ce person-
nage » disparaît ; on a l’impression géné-
rale de viatique et de mort chrétienne.
Encore une fois, le particulier devient
général ; le peintre écrit pour l’humanité
de tous les temps, il'met en relief la
signification du fait dans ce qu’il a d’uni-
fig. 1 Portrait en pied du prince Chercrochidzé,
par Wladimir Perelmagne (1909)
versel, et pour le rendre intelligible à ses
compatriotes, il revêt de leur costume
les acteurs qu’il met en jeu.
Nous ne pensons pas qu’il convienne
de donner aux personnages sacrés, dans
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