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Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 6.1927/​1928

DOI issue:
No. 10 (juillet 1928)
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https://doi.org/10.11588/diglit.43080#0220
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plus forte ; en même temps notre propre
personnalité s’agrandit de eelle de l’au-
teur dont nous admirons les œuvres et
nous la comprenons mieux. Nous sen-
tons la noblesse d’âme de Poussin, l’in-
génuité de Palestrina, la passion de Ber-
lioz, la grâce de Watteau et notre com-
préhension de chaque artiste devient plus
adéquate à son modèle.
En dehors de la personnalité de l’ar-
tiste, l’œuvre d’art nous informe encore
de 1*influence que ses contemporains ont
exercée sur son talent. Cette influence
se révèle dans cet air de famille que l’on
retrouve dans les arts d’un même pays
et d’une même époque. Ces analogies
constituent une sorte de style collectif
né d’une similitude de sentiments dont
l’origine est imputable au milieu. C’est
ce que l'on exprime quand on parle d’un
style Louis XVI et d’un style Empire
et qu’on les désigne par le moment où
ils fleurirent.
L’artiste, en effet, appartient à une
société déterminée dont il partage les
idées, les sentiments, les goûts, les
croyances, les impressions, cpii agit sur
lui autant qu’il réagit sur elle. Dans
cette ambiance, l’artiste puise les élé-
ments dont sa personnalité se forme et
s’accroît ; elle se les assimile, les trans-
forme selon sa propre originalité, mais
sans jamais en masquer tout à fait la pro-
venance ni s’affranchir complètement de
la nécessité d’y emprunter. Raphaël et
Phidias n’auraient été identiques à ce
qu’ils furent s’ils n’avaient vécu l’un
sous Périclès, l’autre à la cour de
Léon X.
Parce que l’artiste, mieux que per-
sonne, est ouvert aux impressions, émo-
tions et sentiments, il réfracte les opi-
nions, les idées et les croyances de son

époque en langage émotionnel. Par là,
l’œuvre d’art exprime, mieux que les
ouvrages littéraires, l’esprit d’un temps
qui est une manière d’envisager les cho-
ses et de les éprouver.
Cette théorie ne peut aller pourtant
jusqu’à faire de l’art, avec Taine, un
simple produit du milieu. L’art collectif
d’une époque et d’un milieu se renou-
velle des apports individuels, des trou-
vailles personnelles qui correspondent le
mieux à la manière uniforme de sentir
et d’apprécier la beauté. Plus cette uni-
formité est complète, plus il y a d’una-
nimité dans les jugements et les senti-
ments, plus aussi le style marque d’ori-
ginalité et de puissance comme on le re-
marque aux siècles de Périclès, d’Au-
guste et de Louis XIV. Toujours est-il
qu’en se laissant aller au plaisir que pro-
cure une œuvre d’art on peut revivre,
non seulement la personnalité d’un ar-
tiste, mais ce qui fut la vie de son temps.
. Outre ces deux enseignements que
nous prodigue l’œuvre d’art, nous re-
trouvons en elle quelque chose de l’objet
qui a inspiré l’artiste. Nous y reconnais-
sons « le sujet » qu’il a interprété, la
nature que nous n’aclmirions pas en elle-
même mais que nous aimons de rencon-
trer ainsi transformée par le génie du
peintre ou du sculpteur. Au XVIIe siè-
cle « un honnête homme » n’éprouvait
pour la mer ou la montagne guère autre
chose que de la répulsion. Le Poussin,
Claude Lorrain, Constable, Corot,Théo-
dore Rousseau nous ont appris à en ap-
précier le charme, à en aimer la beauté.
Delacroix, Barye, Cain, Frémiet,en pré-
cisant en nous le goût des formes ani-
males, nous ont fait mieux apprécier le
caractère de nos ce frères inférieurs )>.
Les Grecs, d’autre part, ne furent-ils

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