n’est pas sans intérêt de savoir comment le
Moïse de Michel-Ange, après avoir été destiné
à orner le plus beau monument de tous les
siècles, monument qui devait éclipser le tom-
beau du roi Mausole, est venu échouer dans
l’église de San Pietro in Vincoli. Comme les
artistes, les oeuvres nous sont venues accom-
pagnées de légendes. Il faut les conserver
comme on conserve les mots historiques,
parce qu’ils résument un caractère et une
situation.
Il faudra ensuite dire le sujet du tableau.
Il ne faudra pas craindre d’entrer dans les
détails : ils sont utiles. Faute de les connaître,
les enfants ne comprendraient pas les inten-
tions de l’artiste. Il y aura beaucoup de
profit à lire le passage de l’œuvre littéraire
qui l’a inspiré. Les histoires naïves de la vie
de saint François feront comprendre les fres-
ques de Giotto, et la fresque de Giotto à son
tour aidera à comprendre la poésie du sermon
aux oiseaux.
Il y a d’ailleurs une autre utilité, très
particulière, à comparer l’œuvre d’art avec
le passage du livre qui en a fourni le sujet.
Ils peuvent avoir des caractères communs
si l’artiste et l’écrivain ont cherché avant tout
à donner une expression intense des émotions
de l’âme. Ils peuvent être très différents
si l’artiste s’est préoccupé uniquement de la
beauté plastique de son œuvre. Michel-Ange,
voulant représenter une bataille, peignait des
soldats surpris au bain afin d’avoir l’occasion
de faire de belles académies. Léonard de
Vinci, à la même époque, dans la même salle,
et pour un sujet semblable, représentait dans
toute sa fureur un corps à corps de cavaliers
se disputant l’étendard.
Ces comparaisons font comprendre quel est
le domaine et quelles sont les limites de
chaque art, ce qu’il gagne, ce qu’il perd
à les franchir. Et ce ne sont pas là des
questions oiseuses, puisqu’elles divisent en-
core les artistes et les critiques.
Bordes.
(A suivre)
i: Voici en quels termes M. Bordes, expose le plan de son excellent ouvrage Vingt leçons d’Histoire de
l’Art, paru chez de Gigord et dont nous sommes heureux de faire connaître à nos lecteurs la remarquable
introduction.
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Moïse de Michel-Ange, après avoir été destiné
à orner le plus beau monument de tous les
siècles, monument qui devait éclipser le tom-
beau du roi Mausole, est venu échouer dans
l’église de San Pietro in Vincoli. Comme les
artistes, les oeuvres nous sont venues accom-
pagnées de légendes. Il faut les conserver
comme on conserve les mots historiques,
parce qu’ils résument un caractère et une
situation.
Il faudra ensuite dire le sujet du tableau.
Il ne faudra pas craindre d’entrer dans les
détails : ils sont utiles. Faute de les connaître,
les enfants ne comprendraient pas les inten-
tions de l’artiste. Il y aura beaucoup de
profit à lire le passage de l’œuvre littéraire
qui l’a inspiré. Les histoires naïves de la vie
de saint François feront comprendre les fres-
ques de Giotto, et la fresque de Giotto à son
tour aidera à comprendre la poésie du sermon
aux oiseaux.
Il y a d’ailleurs une autre utilité, très
particulière, à comparer l’œuvre d’art avec
le passage du livre qui en a fourni le sujet.
Ils peuvent avoir des caractères communs
si l’artiste et l’écrivain ont cherché avant tout
à donner une expression intense des émotions
de l’âme. Ils peuvent être très différents
si l’artiste s’est préoccupé uniquement de la
beauté plastique de son œuvre. Michel-Ange,
voulant représenter une bataille, peignait des
soldats surpris au bain afin d’avoir l’occasion
de faire de belles académies. Léonard de
Vinci, à la même époque, dans la même salle,
et pour un sujet semblable, représentait dans
toute sa fureur un corps à corps de cavaliers
se disputant l’étendard.
Ces comparaisons font comprendre quel est
le domaine et quelles sont les limites de
chaque art, ce qu’il gagne, ce qu’il perd
à les franchir. Et ce ne sont pas là des
questions oiseuses, puisqu’elles divisent en-
core les artistes et les critiques.
Bordes.
(A suivre)
i: Voici en quels termes M. Bordes, expose le plan de son excellent ouvrage Vingt leçons d’Histoire de
l’Art, paru chez de Gigord et dont nous sommes heureux de faire connaître à nos lecteurs la remarquable
introduction.
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