milieu du siècle dernier, tant de curieux
débris. On peut seulement regretter qu’il
n’ait pu commencer ses recherches plus tôt.
De temps à autre, on retrouve encore quel-
ques épaves précieuses, ici sur les melons
d’un bon curé de campagne, ailleurs chez
les marchands de curiosités ou même de
chiffons.
En voici une particulièrement intéres-
sante qui fournit au point de vue décoratif
un admirable modèle.
Ce fragment de tapisserie, dont la repro-
duction a figuré en hors-texte au numéro
précédent, a 0,95 m. de largeur sur 1,40 m.
de hauteur. La partie inférieure seule est
intacte, la partie supérieure a dû être rognée
d’environ 0,60 m. C’est une toute petite
partie de la tenture du chœur des Jacobins
d’Angers, « où sont les armes de Jean de
Beauveau, attachées à un arbre entre chaque
patron de l’Ordre ». On la voyait au-dessus
des stalles sous de grands tableaux peints
à l’huile, au moment de la révolution. Elle
fut alors dépecée, comme tant d’autres. Le
Musée de la ville en possède un petit mor-
ceau, sur lequel on voit l’arbre et l’écusson :
le musée diocésain en conserve deux autres,
je reproduis le plus grand.
D’un terrain fleuri, s’élève un arbre assez
semblable à un palmier chargé de grosses
pommes de pin. Au tronc de cet arbre qui
figure sur les deux autres fragments connus,
est suspendu par une courroie rouge l’écusson
de Jean de Beauveau, chambellan et con-
seiller de René d’Anjou, avec la devise
Los en Croissant et en-dessous deux crois-
sants, formés l’un de mailles d’argent et
l’autre de mailles d’or.
Une vigne, dont les branches vigoureuses
serpentent sur le fond vert sombre de la
tapisserie, fait ressortir à merveille par
l’heureux mélange de ses feuilles et de ses
grappes les initiales R du roi René, entourées
de lacs d’amour. Trois plumes d’autruche,
disposées avec élégance, séparent les initiales
et les lacs d’amour, deux fois répétés dans
la hauteur. Au pied de l’arbre voici l’Agneau
sans tache, portant un nimbe crucifère et
l’étendard blanc, timbré d’une croix rouge.
Enfin, au-dessus de l’écusson, on remarque
1a. moitié d’un « rollet » tenu par un ange,
sortant d’un nuage.
De l’ange, on ne voit plus que les deux
plumes rouges de la partie inférieure de son
aile et quelques draperies violettes ; le reste
a été coupé, comme la banderole elle-même.
On y ht facilement un texte du prophète
Jérémie XXXIe chapitre, verset 5e, qu’il
est aisé de rétablir :
ADHUC PLANTABIS VINEAS IN
MONTIBVS SAMARIAE JEREMIAS
XXXIe.
Cette tapisserie, moins riche que d’autres
destinées comme elle à couvrir les dossiers
des stalles, nous donne un excellent modèle
à imiter relativement peu coûteux et néan-
moins fort décoratif.
Sa fabrication se place entre la date de
la fondation de l’Ordre du Croissant par
René d’Anjou, en 1448, et celle de la mort
de son donateur, Jean de Beauveau, enterré
en 1478 aux Cordeliers d’Angers.
L. de Farcy.
260
débris. On peut seulement regretter qu’il
n’ait pu commencer ses recherches plus tôt.
De temps à autre, on retrouve encore quel-
ques épaves précieuses, ici sur les melons
d’un bon curé de campagne, ailleurs chez
les marchands de curiosités ou même de
chiffons.
En voici une particulièrement intéres-
sante qui fournit au point de vue décoratif
un admirable modèle.
Ce fragment de tapisserie, dont la repro-
duction a figuré en hors-texte au numéro
précédent, a 0,95 m. de largeur sur 1,40 m.
de hauteur. La partie inférieure seule est
intacte, la partie supérieure a dû être rognée
d’environ 0,60 m. C’est une toute petite
partie de la tenture du chœur des Jacobins
d’Angers, « où sont les armes de Jean de
Beauveau, attachées à un arbre entre chaque
patron de l’Ordre ». On la voyait au-dessus
des stalles sous de grands tableaux peints
à l’huile, au moment de la révolution. Elle
fut alors dépecée, comme tant d’autres. Le
Musée de la ville en possède un petit mor-
ceau, sur lequel on voit l’arbre et l’écusson :
le musée diocésain en conserve deux autres,
je reproduis le plus grand.
D’un terrain fleuri, s’élève un arbre assez
semblable à un palmier chargé de grosses
pommes de pin. Au tronc de cet arbre qui
figure sur les deux autres fragments connus,
est suspendu par une courroie rouge l’écusson
de Jean de Beauveau, chambellan et con-
seiller de René d’Anjou, avec la devise
Los en Croissant et en-dessous deux crois-
sants, formés l’un de mailles d’argent et
l’autre de mailles d’or.
Une vigne, dont les branches vigoureuses
serpentent sur le fond vert sombre de la
tapisserie, fait ressortir à merveille par
l’heureux mélange de ses feuilles et de ses
grappes les initiales R du roi René, entourées
de lacs d’amour. Trois plumes d’autruche,
disposées avec élégance, séparent les initiales
et les lacs d’amour, deux fois répétés dans
la hauteur. Au pied de l’arbre voici l’Agneau
sans tache, portant un nimbe crucifère et
l’étendard blanc, timbré d’une croix rouge.
Enfin, au-dessus de l’écusson, on remarque
1a. moitié d’un « rollet » tenu par un ange,
sortant d’un nuage.
De l’ange, on ne voit plus que les deux
plumes rouges de la partie inférieure de son
aile et quelques draperies violettes ; le reste
a été coupé, comme la banderole elle-même.
On y ht facilement un texte du prophète
Jérémie XXXIe chapitre, verset 5e, qu’il
est aisé de rétablir :
ADHUC PLANTABIS VINEAS IN
MONTIBVS SAMARIAE JEREMIAS
XXXIe.
Cette tapisserie, moins riche que d’autres
destinées comme elle à couvrir les dossiers
des stalles, nous donne un excellent modèle
à imiter relativement peu coûteux et néan-
moins fort décoratif.
Sa fabrication se place entre la date de
la fondation de l’Ordre du Croissant par
René d’Anjou, en 1448, et celle de la mort
de son donateur, Jean de Beauveau, enterré
en 1478 aux Cordeliers d’Angers.
L. de Farcy.
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