de la grandeur de l’original, nous montre
que Mantegna l’a exécuté à l’époque où il
terminait la grande suite du « Triomphe des
Romains » actuellement dans le Palais de
Hampton Court.
Il représente Judith après le meurtre. La
belle juive remet, haletante, avec un geste
qui est presque un frisson de dégoût, la
tête d’Holopherne à sa suivante. Le remords
ne la trouble pas : la vigueur et l’élasticité
du bras qui ne fait qu’un avec l’épée montre
qu’elle serait prête à recommencer, cette
jeune ancêtre de Béatrice Cenci et de Ma-
thilde de la Mole. Nous savons, à propos de
la statue de Judith que Donatello avait
fait pour la Seigneurie de Florence, que les
Italiens d’alors donnaient à cet épisode bibli-
que le sens d’un avertissement aux princes
trop grisés d’autorité. Mantegna en a fait
ou inspiré trois qui sont caractérisées par la
présence de la même servante moresque.
Celle qui nous concerne ici est aux Offices
de Florence, une autre se trouve dans la
Colection J. E. Taylor à Londres, une autre
dans la National Gallery de Dublin.
Le soin extrême avec lequel l’artiste a
poussé l’étude des détails, le repentir (invi-
sible sur notre reproduction) qui masque un
autre contour du dos et du bras armé, l’im-
portance aussi de cette composition d’une
beauté unique, tout cela semble indiquer
que nous avons devant nous une préparation
pour un ouvrage, peinture ou gravure qui
a disparu ou qui n’a jamais été exécuté. De
même que ses autres compositions celle-ci
est plastique avec une préoccupation de
sculpteur pour les volumes, les proportions,
la clarté des masses.
Il y a d’autres œuvres de l’illustre peintre
mantouan, qui montrent plus que cette com-
position la sévérité surhumaine, presque
inhumaine de son étude de la forme. Elles
nous offrent un mélange de grâce souple, de
richesse et de majesté réalisée avec une sûreté
de touche unique qui est la caractéristique
de ce maître, soit qu’il nous montre l’effort
musculaire, la rage ou la douleur jusqu’à
leur paroxysme, soit que ce peintre de guer-
riers et de monstres s’émeuve et peigne
avec tendresse ses belles madones, qui mal-
gré leurs trônes et leurs cours d’anges restent
de ravissantes mamans montrant timidement
de tout petits bébés.
Georges M Baltus
42
que Mantegna l’a exécuté à l’époque où il
terminait la grande suite du « Triomphe des
Romains » actuellement dans le Palais de
Hampton Court.
Il représente Judith après le meurtre. La
belle juive remet, haletante, avec un geste
qui est presque un frisson de dégoût, la
tête d’Holopherne à sa suivante. Le remords
ne la trouble pas : la vigueur et l’élasticité
du bras qui ne fait qu’un avec l’épée montre
qu’elle serait prête à recommencer, cette
jeune ancêtre de Béatrice Cenci et de Ma-
thilde de la Mole. Nous savons, à propos de
la statue de Judith que Donatello avait
fait pour la Seigneurie de Florence, que les
Italiens d’alors donnaient à cet épisode bibli-
que le sens d’un avertissement aux princes
trop grisés d’autorité. Mantegna en a fait
ou inspiré trois qui sont caractérisées par la
présence de la même servante moresque.
Celle qui nous concerne ici est aux Offices
de Florence, une autre se trouve dans la
Colection J. E. Taylor à Londres, une autre
dans la National Gallery de Dublin.
Le soin extrême avec lequel l’artiste a
poussé l’étude des détails, le repentir (invi-
sible sur notre reproduction) qui masque un
autre contour du dos et du bras armé, l’im-
portance aussi de cette composition d’une
beauté unique, tout cela semble indiquer
que nous avons devant nous une préparation
pour un ouvrage, peinture ou gravure qui
a disparu ou qui n’a jamais été exécuté. De
même que ses autres compositions celle-ci
est plastique avec une préoccupation de
sculpteur pour les volumes, les proportions,
la clarté des masses.
Il y a d’autres œuvres de l’illustre peintre
mantouan, qui montrent plus que cette com-
position la sévérité surhumaine, presque
inhumaine de son étude de la forme. Elles
nous offrent un mélange de grâce souple, de
richesse et de majesté réalisée avec une sûreté
de touche unique qui est la caractéristique
de ce maître, soit qu’il nous montre l’effort
musculaire, la rage ou la douleur jusqu’à
leur paroxysme, soit que ce peintre de guer-
riers et de monstres s’émeuve et peigne
avec tendresse ses belles madones, qui mal-
gré leurs trônes et leurs cours d’anges restent
de ravissantes mamans montrant timidement
de tout petits bébés.
Georges M Baltus
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