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FONTAINEBLEA U
toucherait à l’honneur des dames, sans rémission il serait
pendu.»
Telle fut la règle de la nouvelle cour. La cause s’en conçoit
aisément, c’est que pour la première fois les dames y parais-
saient régulièrement.
Ce fut le désir du roi, qui par là savait bien qu’il polirait
les gentilshommes. Aussi était-ce à condition que ceux qui
ne s’y prêteraient pas fussent assurés d’être réprimandés.
Soyons donc assurés qu’en dépit de tant de contes qui ont
barbouillé dans la postérité le tableau de cette cour, la
décence y régnait et non le dévergondage. Ce qui nous est
rapporté de celle d’Urbin, que le roi souhaitait d’imiter,
devait s’appliquer à celle-là.
Quant au fait même des mœurs, pourquoi les soupçonner ?
La noblesse inculquait à ses filles les vertus privées avec
la même rigueur que les vertus guerrières à ses fils. Chez
les princesses, où dès douze ans elles étaient placées pour
servir, une discipline sévère les pliait à l’endurance, à la
modestie, au respect. Au moindre écart de mœurs, elles
étaient renvoyées. Une liberté de langage dont on usait
alors, et que se permettaient même les femmes, la part
d’intrigues galantes qui se trouve dans toutes les cours,
ne doivent pas nous dérober cela. Aussi y a-t-il lieu d’en
croire Brantôme, lui-même, quand, jugeant nécessaire de
corriger au moins une fois l’effet de ses gaudrioles, il dit
vouloir « prévenir une mauvaise opinion que plusieurs
ont eue de la cour de nos rois, que les filles et femmes y
bronchent fort : en quoi, ajoute-t-il, bien souvent ils sont
trompés (se trompent), car il y en a de très chastes, honnêtes
et vertueuses, et la vertu y habite aussi bien, voire mieux,
qu’en tous autres lieux ».
Anne de Daillon, qui fut mère de La Châtaigneraie,
et que Brantôme appelle partout « madame la sénéchale
de Poitou ma grand’mère », avait pu le renseigner là-dessus,
FONTAINEBLEA U
toucherait à l’honneur des dames, sans rémission il serait
pendu.»
Telle fut la règle de la nouvelle cour. La cause s’en conçoit
aisément, c’est que pour la première fois les dames y parais-
saient régulièrement.
Ce fut le désir du roi, qui par là savait bien qu’il polirait
les gentilshommes. Aussi était-ce à condition que ceux qui
ne s’y prêteraient pas fussent assurés d’être réprimandés.
Soyons donc assurés qu’en dépit de tant de contes qui ont
barbouillé dans la postérité le tableau de cette cour, la
décence y régnait et non le dévergondage. Ce qui nous est
rapporté de celle d’Urbin, que le roi souhaitait d’imiter,
devait s’appliquer à celle-là.
Quant au fait même des mœurs, pourquoi les soupçonner ?
La noblesse inculquait à ses filles les vertus privées avec
la même rigueur que les vertus guerrières à ses fils. Chez
les princesses, où dès douze ans elles étaient placées pour
servir, une discipline sévère les pliait à l’endurance, à la
modestie, au respect. Au moindre écart de mœurs, elles
étaient renvoyées. Une liberté de langage dont on usait
alors, et que se permettaient même les femmes, la part
d’intrigues galantes qui se trouve dans toutes les cours,
ne doivent pas nous dérober cela. Aussi y a-t-il lieu d’en
croire Brantôme, lui-même, quand, jugeant nécessaire de
corriger au moins une fois l’effet de ses gaudrioles, il dit
vouloir « prévenir une mauvaise opinion que plusieurs
ont eue de la cour de nos rois, que les filles et femmes y
bronchent fort : en quoi, ajoute-t-il, bien souvent ils sont
trompés (se trompent), car il y en a de très chastes, honnêtes
et vertueuses, et la vertu y habite aussi bien, voire mieux,
qu’en tous autres lieux ».
Anne de Daillon, qui fut mère de La Châtaigneraie,
et que Brantôme appelle partout « madame la sénéchale
de Poitou ma grand’mère », avait pu le renseigner là-dessus,