Dumont, Albert; Chaplain, Jules: Les céramiques de la Grèce propre: vases peints et terres cuites (Band 1): Histoire de la peinture des vases grecs depuis les origines jusqu'au Ve siècle avant Jesus-Christ suivie d'un choix de vases peints trouvés en Grèce (Paris, 1888)

DE LA GRÈGE PROPRE.

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avons affaire à un essai do technique qui s'inspire encore de l'ancien système à figures
noires, mais qui recherche déjà l'heureux effet des ligures se détachant en rouge clair
sur un fond noir. Autres détails qui sont empruntés à l'ancienne méthode : les lignes
intérieures, dessinant les contours du corps et les plis du vêtement, sont incisées, au
lieu d'être peintes au trait noir; enfin l'application d'un blanc crémeux sur les parties
nues du visage, des bras et des pieds, est une tradition directement venue de la céra-
mique à figures noires. Ces spécimens de transition sont excessivement rares et
précieux pour nous, car ils nous font assister à tous les tâtonnements, à tous les essais
ingénieux qui ont précédé cl préparé l'éclosion de la céramique à figures rouges.
Nous voyons qu'elle n'est pas née brusquement; ce n'est pas la trouvaille d'un homme,
mais d'une série d'artistes. Je rangerai dans la même catégorie d'essais le vase de
Sapho (collection de l'hôtel Lambert) qui a été signalé plus haut (1) et dans lequel la
silhouette du personnage est simplement incisée sur un fond complètement noir, avec
application de blanc sur les chairs nues; c'est le même procédé qu'ici, sauf l'addition
de couleur rouge sur les vêtements et la chevelure. Un autre monument présente des
analogies singulières d'exécution avec l'alabastre de la collection SabourotT : c'est
une amphore de Nicosthènes, au Musée du Louvre, qui porte de chaque côté du col
une femme debout, complètement nue, tenant d'une main une fleuret flattant de l'autre
un chien qui jappe à ses pieds (2). Le style offre les plus grandes ressemblances avec
les femmes représentées sur l'alabastre : même silhouette archaïque, œil allongé et
très ovale avec le sourcil bien arqué au-dessus, boucles d'oreilles en anneaux larges;
même modelé très allongé et sommaire des mains et des pieds, même façon d'indi-
quer par trois traits le bracelet aux deux poignets; pour la technique, même blanc
crémeux sur les parties nues. Ce qui explique l'absence du rouge, c'est que la femme
est ici complètement nue; mêmes relouches violacées dans les accessoires de la coif-
fure; enfin, tous les détails sont incisés dans le blanc. Je serais très tenté, pour ma
part, de rapporter l'alabastre de Berlin à la fabrique ou à l'école de Nicosthènes. L'idée
d'appliquer le rouge par-dessus le vernis noir, comme il l'a fait pour le blanc, est bien
digne du caractère chercheur et curieux du grand fabricant qui a contribué plus que
tout autre à l'introduction de procédés nouveaux dans la céramique et qui occupe une
place prépondérante dans la période! de transition (3).

M. Dumont fait figurer sur l'alabastre de Berlin, le long des figures, deux inscriptions
qui paraissent avoir échappé à AL Furtwaengler, car il ne les mentionne pas : El l< et EN I.

(1) Voy. p. 360 et note 2.

(2) Klein, Die yr. Vasen mil Meisto'signaturen, 2e édit., p. 65, n° 48. M. J. Six, d'Amster-
dam, a fait reproduire ce vase à l'aquarelle pour le publier dans la Gazette archéologique,
1888, avec un travail étendu sur les spécimens de cette technique. Comparez un lécythe de
Cumes, Notizia dei vasi dipinti, pl. v, n° 2, que je crois être de la même fabrique.

(3) Sur Nicosthènes cf. pp. 312-313, 336-337. Je ne puis pas admettre avec certains archéo-
logues que Nicosthènes date de la seconde moitié du v° siècle (Rayet, Céramique grecque,
p. 112), ni qu'il use d'une virtuosité acquise et factice pour exécuter à volonté des ligures
archaïques comme des figures libres. J'y verrais, pour ma part, un des plus curieux artistes
de la fin du vf siècle et peut-être le principal inventeur de la peinture à figures rouges.

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