Dumont, Albert; Chaplain, Jules: Les céramiques de la Grèce propre: vases peints et terres cuites (Band 1): Histoire de la peinture des vases grecs depuis les origines jusqu'au Ve siècle avant Jesus-Christ suivie d'un choix de vases peints trouvés en Grèce (Paris, 1888)

CHOIX DE VASES

la porte de l'habitation sont déposés deux grands vases d'une forme particulière qu'on
peut considérer également comme des accessoires usités dans les mariages attiques :
ils ont l'aspect d'amphores à panse large et courte, montées sur un pied conique très
allongé. Les exemplaires trouvés en Attique et en Crimée qui nous sont connus (I)
ont une anse double de chaque côté et sont munis d'un couvercle à bouton fort élégant,
que le peintre a négligé d'ajouter ici. Celte forme est parente de celle des loutrophores;
le potier donne ici au pied le développement et la forme qu'il réserve là au col du vase;
les sujets sont analogues et spécialement empruntés aux scènes de toilette et de
mariage.

Notre peinture de vase met en lumière l'usage que les Grecs faisaient des poteries
peintes dans la vie réelle, destination qui a été longtemps contestée par ceux qui attri-
buaient exclusivement les produits de la céramique aux cérémonies funéraires (2). Il
s'agit évidemment des cadeaux de noces, apportés le jour ou la veille du mariage. Les
vases placés devant la porte même pourraient se rapporter aux lustrations usitées:
c'est pour cette raison qu'ils n'auraient pas leur couvercle. Cet ensemble de cadeaux,
vases, coffrets, miroirs, constitue ce que Pollux appelle wpoyoéfteia, t->. ~zz\ yâj/,ou
tepa (3).

Les noms inscrits au-dessus de chaque personnage ont tous un caractère mytholo-
gique. Ce sont des noms de Néréides connues, comme IIovTO{/.eoeta, Aosw, rXauxn,
SxXîix, Ku(aooôx7), r<x}.y)vy] (4). Ces noms de déesses font contraste avec le costume et
l'attitude des femmes qui les portent. Nous avons sous les yeux une charmante
scène de gynécée athénien, la veille d'un mariage, et les inscriptions nous transportent
en pleine mythologie. Ceux qui préfèrent attribuer aux peintures de vases un sens
presque exclusivement religieux y verront un argument en faveur de leur théorie
et, comme on l'a fait pour un vase célèbre de Ruvo (8), ils expliqueront comme un

exact de dire [id., pl. ;>2, -i) que « les loutrophores à figures rouges sont toujours décorés
île scènes nuptiales ». Le Musée du Louvre possède un loutrophore à figures rouges avec la
représentation de la ^pôQsciç funéraire. Enfin, le plus bel exemple d'exposition funèbre', sur
levase du cap Colias, esta figures rouges (Collignon, op. L, n°o03; Monumenti delP lus/.,
vin, pl. o):

(1) Cf. C. Robert, Arch. Zeitung, 1883, p. loi et pl. 7. Le Musée du Louvre possède un
vase de cette forme, inédit, provenant d'Athènes : on y voit l'intérieur d'un gynécée, une
femme assise, tenant sur ses genoux un grand vase pareil à celui qui porte la représentation ;
une suivante debout tient un second vase semblable et les autres femmes apportent des ac-
cessoires de toilette : c'est aussi l'épisode des cadeaux de mariage.

(2) Sur cette question, cf. 0. Jahn, Vasensamml. ;u Mûnchen, Einteit., p. c-civ; Genicket
Furtwângler, Griech. Keranak, p. 4-6.

(3) Onomast., III, 38.

(•4) Iliade, xvni, 39; Hésiode, Théog., 244, 252; Apollodore, i, 2, (3. Aoccù est une variante
de Awtcô (Pausanias, n, 1, 8; Corp. Jusc. grxc, Add., 6784), et Ku|io8(!x7), de Ku|i.o6<5ir] ou Kup-
8<5xEia. Yoy. les exemples cités par M. Heydemann, op. !.. p. 171-172.

(5) Élite céramogr., iv, pl. Si; cf. Collignon, Catalogue, p. 161. C'est une scène de gynécée
avec des noms symboliques, Eudaimonia, Hygieia, Pandaisia, etc. Yoy. aussi Elite céram.,