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228 HISTOIRE D'ÉDOUARD MANET
Or les médailles et les croix de la Légion d'honneur
entraînaient une telle présomption de talent, que les
peintres qui les obtenaient acquéraient la faveur de
la clientèle riche, pour vendre leurs tableaux, et le
monopole des commandes officielles. De telle sorte
qu'entre les gens favorisés par les jurys et les autres,
il y avait la différence de condition existant entre les
hommes qui se voient ouvrir les chemins de la for-
tune et ceux qui se les voient barrés et obstrués.
Si les jurys se fussent montrés impartiaux, enclins
à aider les hommes d'initiative, l'immense pouvoir
qu'ils possédaient eût pu passer sans soulever de pro-
testations et exciter la haine, mais ils étaient loin
d'exercer leurs droits dans un esprit de tolérance et
d'impartialité. Ils se conduisaient au contraire en
maîtres injustes, jaloux d'imposer une certaine esthé-
tique, aux dépens de toute autre, et de maintenir la
tradition avec rigueur. Sous la monarchie de Juillet,
le jury avait été réglementairement formé par les
membres de l'Institut, c'est-à-dire tout entier com-
posé de peintres de la tradition, parvenus aux hon-
neurs, pleins de leur importance, qui regardaient
dédaigneusement ces nouveaux venus prétendant
s'écarter des voies battues et méconnaître leurs
règles. Dans ces conditions les artistes, pendant la
première moitié du siècle, se sont trouvés former
deux peuples : d'un côté les peintres de la tradition,
 
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