LE BON BOCK
113
Manet, quelque temps après le siège, avait dû
abandonner son atelier de la rue Guyot, la maison
ayant été démolie. Il était alors venu s'établir dans
une vaste pièce, une sorte de grand salon, à l'en-
tresol, 4, rue de Saint-Pétersbourg, près de la place
de l'Europe. Il ne se trouvait plus là à l'écart, mais
en plein Paris. Aussi la solitude dans laquelle il
avait précédemment vécu et travaillé prit-elle fin. 11
reçut les visites plus rapprochées de ses amis. Il
fut aussi fréquenté par un certain nombre de femmes
et d'hommes faisant partie du Tout-Paris, qui,
attirés par son renom et l'agrément de sa société,
venaient le voir et, à l'occasion, consentaient à lui
servir de modèles. Avec son désir de rendre la vie
sous tous ses aspects, il put alors aborder des sujets
absolument parisiens, qui lui étaient interdits dans
son isolement de la rue Guyot. C'est ainsi qu'il
peignit en 1873 son Bal masqué ou Bal de l'Opéra,
un tableau de petite dimension, qui lui prit beaucoup
de temps. A proprement parler, ce n'est pas le bal
de l'Opéra qui est montré, puisque la scène ne se
passe pas dans la salle, lieu de la danse, mais dans
le pourtour derrière les loges. Les personnages sont
surtout des hommes en habit et en chapeaux à haute
forme, assemblés avec des femmes en domino noir.
Le ton du tableau est donc d'un noir presque uniforme
et il a fallu une singulière sûreté de coup d'œil pour
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Manet, quelque temps après le siège, avait dû
abandonner son atelier de la rue Guyot, la maison
ayant été démolie. Il était alors venu s'établir dans
une vaste pièce, une sorte de grand salon, à l'en-
tresol, 4, rue de Saint-Pétersbourg, près de la place
de l'Europe. Il ne se trouvait plus là à l'écart, mais
en plein Paris. Aussi la solitude dans laquelle il
avait précédemment vécu et travaillé prit-elle fin. 11
reçut les visites plus rapprochées de ses amis. Il
fut aussi fréquenté par un certain nombre de femmes
et d'hommes faisant partie du Tout-Paris, qui,
attirés par son renom et l'agrément de sa société,
venaient le voir et, à l'occasion, consentaient à lui
servir de modèles. Avec son désir de rendre la vie
sous tous ses aspects, il put alors aborder des sujets
absolument parisiens, qui lui étaient interdits dans
son isolement de la rue Guyot. C'est ainsi qu'il
peignit en 1873 son Bal masqué ou Bal de l'Opéra,
un tableau de petite dimension, qui lui prit beaucoup
de temps. A proprement parler, ce n'est pas le bal
de l'Opéra qui est montré, puisque la scène ne se
passe pas dans la salle, lieu de la danse, mais dans
le pourtour derrière les loges. Les personnages sont
surtout des hommes en habit et en chapeaux à haute
forme, assemblés avec des femmes en domino noir.
Le ton du tableau est donc d'un noir presque uniforme
et il a fallu une singulière sûreté de coup d'œil pour