L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré (2.1869)

L'ECLIPSE

La seconde a été ramassée sur le trottoir de la rue Saint-
Denis.

« Paris, ce 2-i mé.

» Mon peti hom chéri,

» C'est avec beaucoup dennui de ne pas te voir depuis
2 jours il me semble que voici aumoin 8 jour que nous nous
sonmes pas vue car nous nous voyions si souvent que ca
semble indifférent puisque ce ne ce peut tenpir cher ange je
te prirai de faire ton possible pour pouvoir me donné un peu
dargent car tous les ans le 25 mé dans notre fabrique nous
fcsons un petit dîné tous ensemble et nous le ferons le 26 cest
anné car notre contremaître et à belle ville et il narrive que
demain et nous irons faire ce diné à son arivé cest pour cela
je tenpri dabitude nous metons 40 à 50 sous plus ou moins
mais donne ce que tu poura si je n'ai pas assé je le dernen-
derez à mamans je n'ai plus pensé de te le dire lundi soir.

• Trouve toi ches toi ce soir à 8 heurs et 8 heures et demi
mon frère montera ches toi si ta mère é la elle ne le conne-
trera pas et si elle est ches toi il dira M. je vien vous dire que
M. André et mort et tu repondera à il est mort à quel heure et
puis (« lui donnera /argent je ten supli gar ce bien embarassé,
pense à moi comme je pense à toi.

» Je fini en tembrassant de tous mon cœur et en attendant
avee joie à pouvoir tenbrassé moi même jeudi ou vendredi
iii ton possible

» Celle qui taime pour la vie

i> alphonsine. »

L'autre soir un' petit crevé, très-connu du boulevard,
ce poulet laconique à une ingénue des Variétés:
« Mademoiselle,
« Si vous voulez m'accorder dix minutes d'entretien —
honnête — chez Bignon, je vous demanderai la permission
de vous offrir dix louis de récompense.

«•Je t'adore,

« F. de Z. »
Réponse de ia bergère au berger :. . ■ •

« Monsieur,
« Désolée, désolée, désolée !

« Je suis déjà retenue pour vingt-cinq louis,—par M. votre
père.

«L...X... »
Emile Blonûet.

Sommaire du n» M de li CHANSON IH.MJSTKÉE.
Minette, paroles de Léon Pontis, musique de Campisiano, des-
sin de Grevin. —Une Chanson dans une boulette de pain.— Pas-
tels du lemps passé : Mile Coupé — Chansons d'autrefois : Fiez-
vous-y, ne vous-y-fiez pas. Ma Casquette — Chansons d'Au-
jourd'hui: la brouette, la sultane sans l'vouloir, etc, etc,
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X. — LE FAl'DOURU SAINT-ANTOINE.

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LES GENS DU FAUBOURG SA1NT-AKTQ1NE

Le faubourg Saint-Antoine est un triste quartier

Qui, tout le jour, ainsi qu'un immense chantier,

Jette dans l'air troublé sa rumeur colossale.

Un bruit de chants, stupide et distrait, comme un râle

D'agonisant pensif, y flotte obscurément,

Sans espoir on travaille et sans apaisement

On va, saoul, abruti, comme un chenal aveugle

Dans un cirque.Le bœuf, ïâsse du joug, qui beugle

Après l'étable et l'herbe odorante-, le chien

Du pauvre, maigre, las, qui ne sait plus combien

De fois on !'a battu ; l'âne de qui l'arête

Du dôs saillit et qui va trainant la charrette

D'un brutal charbonnier du Nord, sont plus heureux

Que le peuple de ces quartiers tumultueux,

Gar ils subissent, sans la peser, leur souffrance,

Et des maux qu'on leur fait ils n'ont point conscience.

0 pauvre Peuple! dès les berceaux où tu pleures
Seul, malade, chétîf, chacune de tes heures
Se traîne dans l'espace ainsi qu'un long sanglot!
Plus tard, c'est le Gamin, le pauvre enfant pâlot,
Apprenti rudoyé dont on rit et qu'on frappe

(Caria brutalité le suit à chaque étape),
Qui sait, quand de Paris les Gueux sont soulevas,
Faire le coup de feu sur un tas de pavés, ,\ ;
Et si les vieux ont peur des émeutes loyales, "
Présenter sa poitrine à l'ouragan des balles.
Puis le Gamin devient l'Ouvrier sombre et doux
Dont un labeur trop dur fait plier les genoux,
Et qui, pour empêcher les petits et la femme
D'avoir trop faim, leur donne en pâture son âme,
Son sang, sa chair, son cœur, ses droits, sa liberté ■.
Et meurt, tout enivré de l'âpre volupté
Du sacrifice, avant au fond de ses yeux pâles
Le Bien farouche et ses défaites triomphales!

Eugène ;Yehmersch',

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