L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré (2.1869)

L'ECLIPSE

EXPOSITION DE SANTIAGO

MACHINES A VAPEUR VERTICALES

CONSTRUITES PAR

HERMANN-LACHAPELLE ET CH. GLOVER

.44, faubourg Poissonnière

MM. Hermann-Lachapelle et Ch. Glover viennent de remporter
à Santiago une victoire qui devrait servir d'encouragement et de
leçon à nos industriels, à la foiB si habiles et si timorés.
Leurs machines verticales ont obtenu la seule médaille
d'or accordée à ce genre de moteurs.

Lorsqu'on annonça l'Exposition de Santiago, beau-
coup parmi nos industriels ne crurent pas à sa
possibilité, encore moins à la réussite qui devait
couronner cette intelligente tentative. Le Chili, répon-
dait-on au comité d'organisation, est à l'extrémité du
monde ; son commerce est presque en entier aux mains
des Anglais, qui, depuis longtemps, y ont établi leurs
entrepôts, et l'inondent de machines et de marchandi-
ses de toutes sortes ; nos produits passeraient trois mois
sur mer ; s'ils arrivent détériorés, abîmés, à destina-
tion ; s'ils y parviennent, personne ne sera là pour les
faire valoir; à quoi bon s'imposer de lourdes dépenses et
tant de tracas, pour courir à un déboire certain ? Cha-
cun resta chez soi, attendant patiemment la fortune;
et, si avec leur hardiesse, MM. Hermann-Lachapelle et
Ch. Glover n'avaient affronté tout ce qu'a de redoutable
la concurrence anglaise, la grande industrie française
ne figurerait pas sur le catalogue des récompenses de
Santiago. Ils peuvent mettre cette médaille à la place
d'honneur dans leur médailler, si riche déjà; elle ajété
conquise vaillamment sur de redoutables et nombreux
rivaux; toutes les grandes maisons d'Angleterre figu-
raient à Santiago; ils ont lutté contre elles, et le jury a
proclamé la supériorité de leurs machines. Aujourd'hui,
eur réputation est établie dans les républiques latines de
l'Amérique du Sud, et les commandes qui leur arrivent
de ces contrées, qu'il serait si facile à l'industrie fran-
çaise de conquérir, prouvent que l'avenir payera large-
ment leurs efforts.

Au nord de l'Allemagne, à Altona, où ils figurent ac-
tuellement, nous apprenons que ces habiles construc-
teurs viennent d'obtenir la grande médaille d'or. Nous
sommes particulièrement heureux de leurs triomphes, et
nous mettons une certaine satisfaction d'amour-propre à
les répandre. En 1862, lors de l'Expsoition de Londres,
nous avons été frappés par cette petite machine si élé-
gamment construite, et offrant dans son ensemble si
harmonique un type réellement nouveau, qui desser-
vait les appareils à boissons gazeuses de la maison,
sans avoir la prétention de prendre elle-même part an
concours. Le Monde illustré voulut la reproduire, et lui
promit le plus brillant avenir. Ses prévisions n'ont pas
été trompées; depuis, elle a constamment remporté les pre-
mières récompenses dans tous les concours où elle a paru.

C'est qu'au point de vue de la qratique industrielle et de la
science mécanique, il était impossible de créer un type pluB par-
fait de moteur de petite force et d'une application plus parfaite et
plus générale.

G-râce à sa disposition verticale, à son agencement harmonique
sur un socle bâti, elle ne prend que très-peu de place, celle d'un
poêle dans les petites forces, elle n'exige aucun frais d'installa-
tion; point de cheminées spéciales; elle arrive toute montée ; on

la porte sur son cendrier de fonte, et elle est prête à fonctionner,
une heure a suffi pour l'installer et la mettre en train.

La manœuvre est l'entretien sont aisés, tout y est sous la
main et sous l'œil ; l'accès, l'entretien, le graissage de toutes les
pièces sont faciles, même pendant la marche ; il n'est pas besoin
de chauffeur spécial; le premier venu apprend en quelques heures
à les conduire et à les tenir en parfait état. Elles peuvent s'établir
partout; on les déplace, et on les transporte aussi facilement
qu'un meuble ordinaire. , .

Ce sont les seuls moteurs qui réunissent ces conditions, que

EXPOSITION DE SANTIAGO
Machine à vapeur de MM. Hermann-LachapeUe et Cb. Glover.

l'on croyait jusqu'ici impossibles de réaliser dans des machines où
le mécanisme et la chaudière sont groupés ensemble.

Isolement complet de la chaudière;—cylindre à enveloppe et
à circulation de vapeur ;— détente variable, très-petite vitesse,
échauffement de l'eau d'alimentation par lavapeurd'échappement;
foyer disposé pour brûler toute sorte de combustible.

La chaudière verticale, encadrée dans le bâti général, est à
bouilleurs horizontaux croisés et à foyer intérieur. Le feu y eBt
enfermé dans un foyer circulaire dont les parois sont baignées
par l'eau. Le3 bouilleurs, pris en plein feu, brisens la flamme;

les gaz produits par la combustion se trouvent ainsi retenus dan*
un fourneau assez vaste pour qu'ils s'y mêlent intimement à l'air
et où règne une température assez haute pour qu'ils brûlent avant
d'arriver à la cheminée. Toute la surface de chauffe reçoit donc
l'action directe de la flamme des gaz chauds et du rayonnement
du foyer incandescent ; tout le calorique est utilisé, il se forme
peu de fumée; la puissance vaporisante est .trèi-grandi, et par
suite l'économie de combustible considérable.

Le nettoyage de la chaudière et des bouillenrs est facile, et
peut être opéré de la manière la plus complète, le bras et la brosse '
atteignent librement tous les points de l'intérieur.

Le mécanisme, harmoniquement disposé en parfait
équilibre en dehors des colonnes et sur l'entablement
du bâti, est bien conçu dans son ensemble *t ses dé-
tails, et d'une exécution fort soignée ;le glissement her-
métique du piston est assuré par un seul et puissant an-
neau composé de deux segments concentriques for-
mant ressort naturel durant indéfiniment, et épar-
gnant les dérangements, les pertubations graves, occa-
sionnés par les ressorts ordinairement employés, et
qu'on doit remplacer tous les mois.

La glissière cylindrique est fondue d'un seul jet avec
le couvercle, et alésée, en même temps que la boîte à
étoupes, maintient rigoureusement la tige du piston «ur
l'axe du cylindre, dans lequel il se meut.

Les articulations sont a rotule sphérique et joignent
à une extrême solidité l'avantage de supprimer tout
frottemment. Les serrages sont à vis, réglés par une
clef. Le régulateur, à force centrifuge, est d'une sensibi-
lité extrême.

La structura de ces machines permettant'd'appliqaer
les vrais et excellents principes mécaniques [de ; Waat
et de Woolf, c'est-à-dire une grande course du piston
dans le cylindre et une grande longueur de bielles,
il n'y a jamais de chocs brusques ou violents, qui,
dans les machines à mouvements raccourcis, rendent
la marche irrégulière, absorbent une grande quantité de
la force, et provoquent une prompte usure suivie
bientôt d'uue dislocation générale.

Ces qualités, pour ainsi dire natives, et que las consî
tructeurs ont rendues encore plus saillantes en appor-
tant sans cesse dans les détails tous les perfectionne-
ments que leur indiquait l'expérience, ont valu à ces
machines un immence succès. La solidité et la simpli-
cité de leur construction les ont fait adopter par l'agri-
culture; la régularité de leur marché les a. rendues pré-
cieuses pour l'industrie, qui a plus besoin de précision.
Elles ont permis d'installer partout la vapeur à domicile,
et mis la force à bon marché à la disposition du simple
atelier de famille, comme elle l'était pour la grande
usine. Leur bon marché est réel, c'e*it-à-dire qu'aucune
condition essentielle de solidité ou de perfection n'a
été sacrifiée pour l'obtenir. On évalue à30 0.0 leur supé-
riorité comme construction sur toutes les autres machines de même
genre, vendues lé même prix qu'elles. Ce résultat est dû à trois
causes principales : la réunion dans la même maison des ateliers
de chaudronnerie et de mécanique; l'emploi d'un outillage mécani-
que, ou plutôt automatique, très-puissant et fort complet; la spécialité,
l'activité régulière des ateliers, qui produisent au moins une ma*
Chine par jour; une vente toujours assurée par une intelligente et
large publicité, et par des relations aujeurd' hui établies dans le
monde entier.

Léo db Bernard- . .

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