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L'ÉCLIPSÉ

UN MARIAGE DE EàISON

ï-a siguaturc e2at comtrat

4S PERSONNAGES

Adolphe Exécutif........... Le fiancé, ^5 ans.

Aimée République........... La fiancée. 1 an.. t

M. et Mme de Tronendèche. . Père et mère aiopv.fs uu nantie.

Mme La Liberté ............ Mèrepde la iianeee.

Maître Lafrance............ Notaire,

Témoins du fiancé............ M. Ladroitë?

__ — M. Laplaine.

Témoins de la fiancée........ M. Lagauche.

__ __ M. Lamontagne.

Tout le monde est réuni ; on n'attend plus que Me Lafrance,
le notaire, pour procéder à la signature du contrat.

Les deux fiancés ne sont pas d'une gaieté folle. Adolphe
Exécutif, qui paraît très fatigué, sourit sans amouP à sa fu-
ture femme et toussote en suçant de la pâte Régnault.

Aimée République regarde son fiancé en dessous avec une
petite moue expressive, et a l'air de se dire ;

— Oh! la... la... mes amis! .. Quelle nuilj de rioees!...
Quant aux parents des futurs époux, ils s'examinent en chiens

de faïence et n'échangent pas une parole.

M. et madame de Tronendèche font une mine excessivement
pointue et tiennent leur fila Adolphe par le pan de son habit,
dans la crainte que l'envie lui prenne d'aller embrasser sa
promise.

Madame La Liberté se tient, sévère et émue, auprès de sa
fille à laquelle elle sert affectueusement les mains et semble
lui dire dans un long et tendre regard :

__Pauvre petite !... ce n'est pas de ma faute, va...

Les témoins, eux, s'observent mutuellement avec cet air riant
et aimable qui rappelle celui de deux chats se rencontrant nez
à nez devant un seul morceau de mou.

Enfin, du premier au dernier, des fiancés aux domestiques,
tout ce mon de-là a l'air de s'amuser presque autant que les
créanciers d'une faillite à qui le svndic vient d'offrir un demi
pour cent en quinze ans.

Heureusement l'arrivée de maître Lafrance vient faire diver-
sion à cette scène d'un triste odéonien.

Maître Lafrance s'assied, déplie sa serviette, prend une
prise, se mouche, ouvre le contrat préparé et commence à.en
donner lecture :

« L'an mil huit cent soixante et onze, le trente août,

a Par-devaot Me Lafrance, notaire, ont comparu :

» Mtdame La Liberté, mère de demoiselle Aimée République,

» D'une part;
» Et monsieur et malanie de Tronendèche, père et mère adoptifa de
» monsieur Adolphe Exécutif,

» D'autre part;

À ce moment, monsieur et madame de Tronendèche, ainsi
que MM. LadrOite et Laplaine, témoins du fhncé, se lèvent
furieux.

Madame de Tronendèche. —Je voudrais bien savoir pourquoi
nous sommes nommés les derniers au contrat... C'est une in-
sulte 1... Je retire mon consentement, tout est rompu !...

Ce mouvement de colère détermine chez madame de Tronen-
dèche une quinte d'asthme qui la force à se rasseoir. Pendant
qu'elle revient à elle, les témoins de la fiancée arrangent l'af-
faire et, pour éviter une rupture, consentent à ce que M. et ma-
dame de Tronendèche figurent en premier au contrat.

Le fiancé, que ces tiraillements ennuient visiblement, se lève
en disant :

— Ça ne m'amuse déjà pas tant... puisque l'on me tracasse,
je m'en vais. (Il prend son ekapea'j).

Cependant on parvient à le calmer; il pose son ebapeau.
Maître Lafrance, continuant la lecture du contrat :

« Lesquels, en prévision de l'Union projetée entre leur ûls adoptif et
a fille, sont convenu* de ce qui suit :

» M. Adolphe Exéiuùf apporta en mariage :

n lo Son patriotisme, jaiqu'hi incontestable, estimé... 800 milliards.

» 2° Ses habits, linge, hardes et autres objets suis aucune valeur,
» tels que vieux piéjugés monarchiques, relations prhetères, vieilles fi-
ai liesses diplomatique* hors de service, êS'C, etc., le tout évalué, pour
» ne pas faire de peine au fiancé.......................... 15 sous,

A la lecture de ce passage, M. Ladroite et M. Laplaine,
témoins du futur, protestent avec véhémence.

— Comment, comment I... s'écrient-ils, quinze" sous tout
cal.... quand au contraire, ce lot de saintes antiquités est, se-
lon nous, l'apport le plus sérieux du fiancé !.,.

Les témoins de la mariée,— Allons donc L.. un tas de ren-
gaines éeuléest... On.a mis quinze sous pour ne pas vous frois-
ser; mais c'est encore plus que cane vaut!...

Les témoins du marié. — Insolents!... pétroleurs!...

La mariée, riant. — Oh 1 messieurs... ne vous disputez pas
pour si peu de chose.

Le fiancé, que ces discussions énervent, se lève en disant :

— Ça ne m'amuse déjà pas tant I... Puisque l'on me tracasse,
je m'en vais. (Il prend son chapeau.)

Cependant on parvient à le calmer; il repose son chapeau.
Maître Lafrance reprend sa lecture :

« Mademoiselle Aimée République apporte en mariage pour seule et
j> unique dot :
» Ses vertus,....

A ce mot, M. et madame de Tronendèche et les témoins du
fiancé ne peuvent réprimer un ricanement; qui est immédiate-
ment relevé par les témoins de la future.

La discussion s'envenime.

Madame de Tronendèche. — Oui, parlous-cn des vertus de
mademoiselle!... Ou les connais ces vertus au pétrole...

Madame la Liberté — Vieille drôlesse 1... Je crois que vous
vous permettez d'injurier raa fille !... Elle est pure, entendez-
vous ; on n'eu pourrait dire autant de votre fils adoptif a qui

je ne la donne qu'à regret et qui a marivaudé avec toutes les
monarchies.

Madame de Tronendèche. — Sans compter, pécore I... que
si nous donnons notre Adolphe à votre fille, n'allez pas croire
que c'est de bon cœur au moins. Ce sont les circonstances qui
le veulent ; sans cela.;.

La Fiancée à m&mê de Trône tâche. — Oh!... soyez tran-
quille, madame, je ne vous l'abîmerai ra% allez ..

Adolphe Exécutif, que ces disputes .horripilent; se lève .en
disant :

— Ça no m'amuse déjà pas tant!... Puisque l'on me tracasse,
je m'en vais. (Ilpreni son chameau.)

On parvient à le calmer, il repose son cnapeàUi
Me Lafrance recommence à lire le contrat :

« Lôâ époas adoptent le régime dft la communauté... »

Madame de Tronendèche, interrompant. ~ Je demande que
l'on ajoute à cet article : Seulement ils feront deux lits.

La mariée, consultée sur cet amende ment j répond avec indif-
férence :

— Oh!... deux ou un... ça m'est égal; je crois qu'il n'y a pas"
de danger.

Le fiance se mord les lèvres.
Il se lève en disant :

— Ça ne m'amuse déjà pas tant!... puisqu'on me iraeasse, je
m'en vais. (Il prend son chapeau).

On parvient à le calmer ; il repose son chapeau.

Maître Lafrance. — Je vais lire l'article le plus important
de ce contrat, qui a été rédigé spécialement sur la demande des
parents et amis du fiancé.

Marques d'attention. La mariée et sa mère froncent le sourcil.

Maître Lafrance, lisant :

ce Si, dans les deux mois qui auivro ri la consécration du mariage, il
s n'est pas survenu d'enfants aux conjoints, l'époux aura le droit de dé-
3 signer pour le remplacer dans toutes ses prérogatives un ami de son
» chois.

La fiancée, se levant indignée. — Jamais !... Je suis une hon-
nête fille. Je resterai fidèle à monsieur, quoique ce ne soit pas
absolument régalant à mon âge; mais le jour où il divorcera, je
me remarierai à mon gré. G'est bien le moins que je puisse
choisir le père de mes enfants.

Madame de Tronendèche, éclatant. — Ah!... noua étions bien
surs de voir apparaître enfin vos desseins coupables, mademoi-
selle !... Vous n'épousez notre Adolphe que bien décidée à dés-
honorer sa mémoire en vou .• jetant au premier jour dans les bras
de vos amants.

Madame la Liberté. — Tous insultez ma fille, madame!...

Madame de Tronendèche. —. Nous prenons nos précautions
.contre elle. Cet article restera au contrat ou il n'y a rien de
fait. . (Prenant son fils par la main.) Viens, Adolphe!...

Adolphe Exécutif se lève en disant :

— Cane m'amuse d; j à pas tant !.... Puisque l'on me tracasse,
je m'en vais. (Il prend son chapeau.)

On parvient à le calmer; il repose son chapeau.

Maître Lafrance, essayant de calmer l'émotion des deux familles.
— Voyons... voyons. . ne cédons pas à la colère .. Nous savons
tous que ce mariage n'est pas un mariage d'inclination ; il est
nécessaire, indispensable pour éviter de grands malheurs ; con-
cilions tout autant que possible.

Tout le monde se rassied

M0 Lafrance. — Peut-être pourrait-on s'entendre en fixant
dès à présent le choix du remplaçant éventuel de l'époux, et,
s'il convient à la fiancée, rien ne s'oppose à...

Un témoin du marié. — C'est cela... Décidons tout'de suite
que ce sera le comte do Chambord!

Un autre témoin. — Non... le fils de Napoléon III !...

Un troisième ami. — Pas du tout !... Le comte de Paris !...

L'émotion est à son co nble. La fiancée a rougi de colère. Tout
est sur le point d'êtrebrisé.

Maître Lafrance. .— Je vous en supplie, messieurs, pas
d'entraînement... Je Vous le répète : de ce mariage dépendent
trop de choses, ne le rompez pas. (S'adiestant aux témoins du
nvrU : ) Voyons, vous messieurs, vous ne pouvez pas tenir à-
une clause sur le résultat de laquelle vou* n'êtes seulement pas
d'accord entre vous; effacez-la et laissez la fiancée maîtresse
de son sort le jour où elle serait répudiée par son époux.

Les témoins du futur se consultent à voixbasse et se rangent
à l'avis du notaire.

On n'entend que cette phrase qui termine leur discussion :

— Laissons cela comme ça... nous ne gagnerions rien à une
rupture... il sera temps d'aviser avec la petite quand le mo-
ment sera venu.

Pendant ce colloque à mi-voix, le fiancé que ces tergiversa-
tions agacent, se lève en disant :

— Ca ne m'amuse déjà pas tant... Puisqu'on me tracasse, je
m'en vais- (il met son chnp<au).

Cependant, on parvient à le calmar ; il repose son chapeau.

Le notaire lit ensuite les dernières clauses plus ou moins in-
signifiantes pendant le défilé desquelles les parties s'injurient
quelque peu et qui fournissent l'occasion au fiancé de prendre
et de reposer sept ou huit fois son chapeau.

Enfin, l'on signe.

Au moment où l'on va se séparer, les parents se saluent ré-
ciproquement d'un regard qui signifie clairement :

— Comme je vous vois venir !,..

Aimée République, elle, s'avance franche et hardie vers son
futur époux et lui dit, la main dans la maiu :

__Monsieur... vous ne m'aimez pas à la folie, je ne me meurs

pas de passion pour vous. Vous avez de vieilles amitiés en
ville, j'ai un jeune et robuste amour au cœur : je vous le sacrifie
pour sauver... ce que vous savez bien et qui nous est cher à
tous deux; mais pas d'infidélités.

Adolphe Exécutif s'incline en signe d'assentiment, baise la
main de sa"future et prend son chapeau.

Le contrat est signe. A bientôt la noce.

Ils n'auront pas d'enfants ensemble, je le crois ; mais... elle

est si jeune. ,

LiiON Bienvenu.

L'honorable chevalier Des Babouins'

( Droite radicale )

L'honorable chevalier Des Babouins (droite radicale! P,t
■mauvais petit-vieillard de soixante-dix-huit ans 'envoyé al'A
semblée nationale par la volonté d'une bande de' pignoufe a
quels on a fait croire que l'effet immédiat de leur vote serait*!
faire engraisser les cochons.

L'honorable chevalier Des Babouins est, à la Chambre l'u
des plus vilaines têtes de l'hydre de la monarchie, qui vient dp
renaître, comme on sait.

L'origine de la faveur dont jouirent autrefois les Des Ba-
bouins est assez curieuse.

Le trisaïeul de l'honorable chevalier Des Babouins (droite ra-
dicale) eut les fesses martyrisées à la Cour dii temps. Il était
honon des hautes fonctions d Enfant du Fouet. Il recevait a la
place du dauphin d'alors, les coups de martinet mérités pari*
petit prince "du sang.

On conserve encore à la. Roehe-de-Zinc, domaine de l'nono-
rable chevalier Des Babouins, le portrait du derrière de ce fa-
meux trisaïeul, qui reçut des coups du pied même des laquais
du dauphin 1

Ce culte est touchant, en vérité. Ces gens de la vieille roche
ont réellement quelque chose de noble et de galant qui nous
manque tout à fait.

Mais revenons à l'honorable chevalier Des Babouins, à ce dé-
puté modèle, auquel La Fontaine pensait probablement lorsqu'il
disait :

« Cet animal est triste et la crainte le ronce. »

Fatigué d'entendre demander la levée de l'état de siège, par
les gens de la gauche (qui ont de si mauvaises mines, dit-il),
le chevalier Des Babouins a voulu juger, par ses propres jeux,
si l'état des esprits dans l'ancienne capitale de la France lui
permettait d'autoriser M. Thiers à faire ce qu'on réclame de tous
les points du territoire.

Le chevalier Des Babouins est donc venu à Paris, seul - il
n'avait que deux ou trois agents 'de police derrière lui pour
lui prêter poigne forte en cas de besoin. Une légère cotte de
mailles, qui avait appartenu à son trisaïeul le Bien-Fessé, cou-
vrait les flancs et la poitrine du noble député. Il avait com-
munié à Saint-Louis le matin même et fait son testament.

En outre, le chevalier Des Babouins s'était armé de la ques*
lion préalable, cette jolie petite machine à étouffer les pétitions
comme des petits chats gênants.

Ainsi cuirassé, armé, nourri, accompagné, le chevalier' Des
Babouins s'est promené sur les boulevards pendant une journée
entière, décidé à ne jamais pactiser avec l'émeute.

Enfin, ayant vu, de ses propres yeux vu, ce qui s'appelle vu
l'aspect de la ville coupable, nous voulons dire Paris (près Ver-
saillesV Ie chevalier Des Babouins, tout frémissant encore de
son excès d'audace, a repris le train, et est arrivé à Versailles
juste assez à temps pour avoir le bonheur de voter contre les
conclusions de M. Thiers, avec cent cinquante-trois autres
vieux, bonshommes entêtés.

Naturellement, dans les bureaux, toute la ïïavinellerie de la
Chambre lui a demandé des nouvelles du Pays des Monstres.
L'honorable chevalier Des Babouias, pâle toujours et laid en-
core, a répondu en ces termes aux questions desRavinels épars
dont le cheveu se hérissait d'horreur :

— Messieurs et chers collègues', nous ne pouvons permettre
la levée de l'état de siège. Paris est on abominable antre. Les
passions subversives y occupent des appartements de 3,000
francs. J'ai vu des gens à mines atroces qui prenaient des
glaces devant l'ortoni. D'autres, qui sentaient le pétrole à
plein nez, m'ont offert le buste d'Henri V et la photographie
du comté de Paris, avec une mèche de ses augustes cheveux si
mal tailles.

Enfin, je dois vous l'avouer....

— Enfin? reprirent les Eavinels et autres Franclieu, tout
palpitants d'émotion.

— Enfin, poursuivit le chevalier Des Babouins, enfin j'ai été
suivi toute la journée par quelqu'un... de mystérieux.

— Bah ? fit un Ravinel quelconque.

— Oui, quelqu'un m'a suivi... Oh 1 je le devine sans peine, ce
quelqu'un avait soif de mon sang I... Il appartenait à, l'Inlerm-
tionale, sans doute]... Il ne m'a pas quitté d'uue semelle...
J'avais beau faire des crochets, l'inconnu était sans cesse sur
mes talons...

— Que ne le dénoheiez-vous à la police ? fit remarquer avec
simplicité un membre de la droite dont l'histoire tait et oublie
le nom, à chaque instant, avec une facilité remarquable.

— Je l'eusse fait, mon cher, riposta Des Babouins, si la pi-
lice de Paris m'avait inspiré de la confiance... Mais je n'ai pas
confiance dans la police de Paris. Ohl dans celle de Versailles,
par exemple I... -,

— Que uevint l'inconnu? demanda le brave M. .Fresncau,
même qui a déclaré à M. Thiers « qu'on ne connaissait rs
hauliur de son courage, » — au-dessus de l'étiage sons dollteY

— Je le perdis de vue, reprit Des Babouins, je le perdis
vue à la tombée de la nuit. Mais à la lueur du gaz, j'ai retr0T_
l'inconnu derrière moi, quelquefois devant, ou à côté, plus ° "
stiné que jamais...

TU

162,

fauche i

110«» U. ,
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