L'ECLIPSE
X
M. CASIMIR PÉRIER
Sous couleur de patriotisme, mais en réalité pour garder leur
place, la plupart des ministres, après avoir reçu un coup de
pied de la Chambre, disent merci et saluent.
M. Casimir Périer est le ministre rare qui n'a pas cru devoir
suivre ce triste exemple.
il a donné sa démission lorsqu'il a vu une proposition faite
par lai, dans l'intérêt du pavs et de la République qu'il ser-
vait, repoussée par les vieux énergumènes de Versailles.
C'était biea.
Aujourd'hui M. Casimir Périer donne sa parole à la Républi-
que, qui lui semble le seul gouvernement possib e désormais,
dêtre sincèrement son serviteur, et de s'employer pour son af-
firmation défiuitive avec résolution.
C'est mieux encore...
Cet hoiume qui s'est honoré, en quittant le pouvoir d'une
façon si digne j-t-ïis, ne se déshonorera pas maintenant en ou-
bliant le serment qu'il vient de faire solennellement.
Son passé — d'essai loyal répond de son avenir de républi-
cain.
On doit le croire, et ne pas dire de lui, ce qu'on pense des
monarchistes ralliés à la République rose dernièrement, —
qu'il fait de nécessité vertu.
Il ne faut donc pas le comprendre parmi ces chefs de parti
que M. Gàmbetta, avec autant d'esprit pratique que de logique
spirituelle, demande, dans son beau discours de Grenoble,
qu'on mette — comme faisaient les premiers chrétiens — à la
porte de l'église pour qu'ils y fassent, pénitence.
Il est, au contraire, de ceux qui, après avoir trouvé la foi,
non comme saint Paul, après un subit éclair, mais comme saint
Thomas, après avoir touché et refléehi, doivent être accueillis
avec confiance, ainsi que M. Gambetta le conseille.
M. Casimir Périer n'est encore qu'un néophyte timide; c'est
un convalescent qui n'ose boire encore sa démocratie que très-
trempée.
Mais laissez faire le temps (et la majorité) et il réclamera
bientôt lui-même des toniques plus efficace» et un régime plus
généreux.
Car il aime évidemment la France et voudra la servir de
toutes ses forces.
LE COUSIN JACQUES.
■J—- »"tig—»—^J
OTA..... BAA!
BALLADE D'AUTOMNE
Le vent d'automne siffle, arrachant les ardoises. Le ciel irisé
est plein de cerfs-volants. Les feuilles m brtes valsent éperdûment
sur la terre. Et des cosses de marrons jouèhent lès jardins pu-
blics.
C'est la préface de l'hiver.
Dans ma rue. le matin, passent et repassent des petits êtres
noirs, qu'on pourrait prendre pour des séminaristes en bas âge,
si l'on n'apercevait eur face joyeùt-e de négrillons joufflus.
Une espèce de hérisson de fer sur le dos, et les genoux blin-
dés d'écaillés de cur, Ces petits êtres noirs s'en vont les mains
dans les pochés, poussant une clameur étrange : — Ota - baa!
qui rappelle le cri de guerre d'une tribu sauvage.
Rêveur, j'écoute 8*-8 petits êtres hoirs lancer jusqu'aux sixiè-
mes étages, du fond de la gorge, ce retentissant Ota... baà\
qui, peu à peûj s'éloigne et se perd dans les autres rumeurs de
la rue populeuse.
Et je pensé à todtes leâ cftdses charmantes dont le départ
irrévocable^ p'btir de longs mois, est annonce par le cri de ces
petits êtr-s Hoirs, qui ne sont ni des séminaristes eu bàs-âgë,
ni des négrillons joufflus, ni b>s sauvages un peu foucës de
teint, ce sbtit les rarauneurs du Piémon' ou de la Savoie.
Adieu léâ fleurs et le vrai soleil! L'heure du triomphe à.%
la falourdë %ï du dVmi-cèht tie coke a sonné.
Car ce que m'annoncent le Ota... baal des petits industriels
de couleur, c'est que le moment est venu de faire la toilette
des chemihêëâ;
Le ramâHâgl &ti Mîit ë*i bas devient la question à l'ordre du
jour- ..
Ota-baâl
— Alloris; hHëssiëttrs les locataires, faites gargariser le go-
sier de vus jib'ëiëfc et dé vos calorifères.
Tandis q'iië s'ëlbuiifitit les petits ramonats fardés de suie,
leurhérisb8ti ôle' fëf" àiiî l'épaule et les miins dans lespoebes,
je pens- efi*8fê d.u*ii ësl quelque part, dans un pays que je ne
veux pas hoiàmèrj tiiife Cheminée gigantesque, au foyer de la-
quelle l'Univers Viëfll se chauffer depuis longtemps.
Foyer génëredx^ toujours pétillant, toujours bienfaisant, qui
échauffe en mêtilê temps qu'il éclaire.
Si le feu q'tii bfÔlê sans relâ he dans son âtre venait à s'étein-
tre, le monde Siir'àit l'onglée pour toujours.
Mais il e&i fBifi, bien loin, d'avoir diminué d'intensité. Il
flambe, splefidirilî, pour de longs siècles encore.
La gigantesque" Cheminée en question a été fortement ra-
monée, il y £ aeiii ans, en septembre, le 4 du mois, si j'ai bonne
mémoire.
Mais il fadt ërblre qu'on a laissé, malheureusement, de là
suie dans les tiiyâùx, ce jtiur-là, car depuis un an elle fume
beaucoup, la cheminée.
Grave défaut !
C'est en vain que le nouveau régisseur de la maison s'efforce
de la faire marcher sèlbn' le voeu général. Des gens cfùi n'ont
aucune espèce dé bbhsciencè, et qui se moquent d'enfumer
toute une population^ cbmme de croquer une potnme, jettent
sans cesse dans le brasier du bois pourri oil deg cotterets tfdp
verts.
De sorte que les tuyaux s'engorgent de nouveau et que la
fumée remplit la maison.
Aiora. tout le monde se plaint et se frotte les yeux.
Quelques-uns de ces coupables écrivent à leurs amis que
c'est la Cheminée qui ne vaut rien, et qu'il faut la démour
dans le plue bref délai.
o Nous eu rebâtirons une autre, disent-ils, et nbus la sur-
monterons d'une belle girouette couronnée »
Comme, nilSurêlieffiënt; le, régisseur de la maison, le gardien
du feu, en un mot, ne veut pas entendre de cette oreille-là, les
gens sans aveu dont je parle mêlent au boi» sec, dans la che-
minée, des immondices de toute sorte et un tas de vieux pa-
piers et de parchemins qui sentent la corne brûlée en se con-
sumant.
Et la cheminée fume de plus belle.
Ahl quand donc certain petit ramoneur que je connais, mais
que je ne veux pas nommer, se décidera-t-il à mettre une fois
à exécution le projet qu'il a conçu et que tout le monde ap-
prouve.
— Ota... baa! «rie le peuple.
Oui, toute la France vous en prie :
— Petit ramoneur à lunettes, ramonez donc la Cheminée
publique de haut en bas 1
N'éi;outez pas les gens de mauvais aloi, qui prétendent que
la fumée est très-bonne à respirer; qu'elle coriierve; que de tout
temps 1* Cheminée publique a eu un mauvais tirage, et qu il
est inutile de chercher un remède héroïque pouf faire cesser ce
déplorable état de choses.
— Ota... baa!
Ramonez, ramonez I que le balai et la râcloira emportent avec
la suie séculaire qui ronge les tuyaux, les vilains esprits de
l'àtre et les vieux grillons du foyer qui nous assourdissent de
leurs cris surannés.
Ramonez! ramonez! Ota... baa!
v ERNEST D'HERVILLY.
LES NUAGES EN BOUTEILLE
Assez longtemps les poètes ont joui d'un insolent mono-
pole.
Eux seuls étaient consfamment dans les nuages.
NoUà al'ons enfin pouvoir y goûter aussi.
Cela devenait révoltant.
tlii invehteur vient de trouver le moyen de mettre les
nuages à la portée de tout le mondé.
11 les enferme dans des flacons bien noiibhëâ et les débite
par BSUiuhe.
Lëè nuages vont devenir d'Un usage populaire.
il sera sous peu, aussi facile de s'environner d'un ml&ge
que de se poser un Rigollot.
Gloire au progrès !
C'est tout une révolution ; et quoiqu'il ne soit pas facile
à> prévoir dès à présent tout le parti que Ton pourra tirt-r de
cette importante découverte, l'on peut du m'dhs esqu'sser
1"s principaux eus où l'homme civilisé doit éprouver le bë-
loin impérieux de se dissimuler dans le brouillard, ce sirop
d'orgeat donné par la nature.
cas n° 1. — Vous devez trois termes à votre propriétaire et
vous vous rencontrez avec lui dans l'escalier.
On sait qu'il n'y a rien qui se rencontre plus souvent dans
un escalier qu'un propriétaire à qui l'on doit trois termes, si
ce n'est celui à qui l'on en doit cinq
Vous l'abordez le pourire sur les lèvres, en saisissant votre
flacon à nuage dans votre poche.
— Cbftr monsieur Corbinetl... comment va madame.
— Mt^rei, pas mal.. Je suis bien aise de vous rencontrer...
— Tout l'honneur est pour moi, cher monsieur Corbîuet.
— Est-ce que vous ne pouvez pas, sur le terme d'octobre,
mé...
 be mument vous débouchez lestement et vous enveloppez
le Cbrbinet d'un nuage épais, auprès duquel lès articles de
B. Jouviti sont dfs chefs-d'œuvre de clarté.
Et vous vous é'oignez non moins vivement.
Quahd vous avez mis un étage et demi entre M. Corbifiet et
vous, vous lui criez :
— Mais où dbhc êtes-vbus passé M. Corbinetr... Je ne vous
vois plus .. Pourquoi vous sauver comme ça?
M Corbiaet qdi ne voit plus rien autour de lui, croit due
l'escalier s'est effondré et qu'il a été précipité dans la Fobse
d'aisances.
Il jette des cris de feu en se débattant.
Il peut aussi, dans sa terreur; éhjamber lia fampe, tomber
dans la cage de l'escalier et s'empàifer sur un" dés becs de gaz.
Laissez-le faire et vaquez à vos bccupatibhs.
CAS n° 2. — Vous êtes au théâtre; ëï; falus avez devant vous
une dîme dont la coiffure monumentale vous bouche absolu-
ment toute la scène \
Ces choses-là arrivent fréquemment avec la mode des eha-
peavx-parterres, qui profitent de ce qu'ils ne couvrent rien du
tout, pour se eduvrir eux-mêmes d'une végétation désolante.
Vous vous penchez vers la dame et vbus lui dites [ oliment :
— ComMëh *bus seriez aimable, rnadame, de pren Ire votre
corbeille de géraniums sur vos genoux.. Je n'y vois absolument
rien.
Il y a huit chances sur dix pour qVelle vous réponde que
vous la faites suer.
Après trois sommations respectueuses restées sans résultat,
volis laissez tomber Votre jumelle pour avoir un prétexte de
vous baisser, et vous lui débouchez sans bruit ùti dé VdS fîacoiis-
tluages fous Son fauteuil.
Deux secondes après, la dame voit monter tout auVôûr d'elle
iih Brouillard épais qui commence par lui envelopper les ge-
noux, et petit à petit gagne l'estomac, la poitrine, lecou, etc..
La tête passe encure, seulement la dame ne se voit plus les
mains.
En vain elle cherche à tâtons son programme ou son éven-
tail qu'elle a déposés sur le fauteuil à côié.
N'y voyant rien, elle pince les genoux d'un monsieur qu'elle
ne connaît pas.
Le monsieur toi rend, elle le traite d'insolent.
Pendant ce temps, le nuage monte toujours.
Il envahit la tête de la dame qui se croyant complètement
isolée du reste de la terre, s'évanouit en pensant qu'elle est
enlevée dans les airs par le monsieur pincé, qui n'est autre
qu'un génie malfaisant amoureux d'elle.
On l'emporte, et vous êtes débarrassé de sa corbeille de
fleurs.
*
cas n° 3. — Vous avez un duel.
Arrivé sur le terrain, vous vous mettez en garde. Votre ad-
versaire devient pressant.
Ne perdez pas un instant. Au moment où il se fend, jetez-
vous â plat ventre et débouchez votre nuage.
Cela vous permet de vous diriger à quatre pattes jusqu'à
votre homme, sàiis être vu, de lui ramasser les jambes et de
l'étaler sut- le dos.
Alors, rapide comme la pensée, vous lui mettez un genou
sur la gorge, et lui appuyant la pointe de votre épée sur la
poitrine, à l'endroit du cœur, vous lui dites :
— Monsieur... votre vie est dans mes .mains, ie vous laisse
le choix des excuses.
cas n° 4. — Il pleut à verse, et vous sortez en grande toi-
lette pour aller dîner chez votre futur beau-père qui demeure
aux Ternes.
Arrivé à la Bastille, vous vous mettez sous une porte cochère
pour attendre l'omnibus.
L'Omnibus passe. Il n'y a plus qu'une place à l'intérieur.
Vous faites signe au conducteur et vous vous précipitez au"
pas de course.
Un autre monsieur guettait l'omnibus aussi et cburt bride
abàfciuë.
Il a de bonneé jambes et vou=j voyez qu'il vous dépasse.
Vous tirez uh flacon-nuage de votr-3 poche et, tout en courant,
vous le lui flanquez dans les jambes.
Lé flacon se brise et le nuage s'en échappe.
Si vous avez visé juste, votre concurrent ne tarde paa à se
trouver complètement dans les ténèbres.
Il ne sait plus de quel côté se diriger.
Alors, redoublant de vitesse, vous arrivez sur le marchepied
de l'omnibus juste au moment où notre homme passe sous les
roues d'un autre omaibus qu'il n'a pas vu venir.
Si vous avez le cœur sensible, vous pouvez vous écrier, en
passant vos six sous au conducteur :
— Ahl... le pauvre garçonI... sa redingote doit être abi-
méel...
Mais, aussi, vous avez votre place; c'est l'essentiel I...
cas n° 5. — Vous êtes marié. — Pardon... pour cette cruelle
supposition ; mais il îfe falit.
Vous êtes marié. Votre fetnine vous tourmente depuis neuf
ànS pour que voiis là conduiriez au spectacle.
Un refus trop prolongé pourrait paraître de mauvais goût.
Vous vous exécutez un soK
Profitant d'un endroit où là circulation est très active, vous
lui débouchez sous le net; au coin d'une rue, un flacon-brouil-
îard, et vous quittez brusquement Sbn bras
Sans perdre votre temps à vous inquiéter si elle ne va pas
entrer la tête la Crémière dans ùné vitrine de marchand de ca-
nifs, vous allez au théâtre tout seul.
Et, le soir, vous rentrez chez vous d'un air de très-mauvaise
humeur en lui disant :
— Ah ça... maïs où donc es-tu passée?... Je n'ai jamais vu
quelqu'un comme toi pour marcher dans liSs1 rues comme une
ahurie l... Je t'ai déjà dit cinquante feis de hejamaisme lâcher
le bras!.;;
cas N° 6. — Vous êtes en pleine placé dé U Concorde.
Tout à coup vous Vous souvenez que voua àvfô maDgé des pru-
neaux.
Vous prenez la résolution héroïqîlfc de fëftflr .juS'^Vau passage
Jbuffroy.
Mais vous né tardez pas à vous apVrbêidir qHtè Vos forces ne
sont pas à là hauteur de votre courais;
CJbmment faire ?...
C'est bien simple.
Vous tirez un flicon-nuagc, et àjpBs âvttîr jftlë.un Tegard su-
prême sur ce qui reste des Tuileries, vous brisez votre nuage
à vos pieds et vous.....violez le £àfcte' de" fibiîfeaux sous l'œil
de l'autorité.
Après quoi, vous sortez de votre nûagë 8fc fegagnez la rue
Royale, tout doucement, en balançant vefcfê etnne en flâneur,
comme quelqu'un qui n'a rien à Se rejîrtibnêfî
En arrivant sur les grands Outtlëvard'â} ¥9À8 vous payez un
cigare de trois sous.
Ça fait le compte.
**»
cas n° 1. — Vous passei devant chez Potin ,un jour d'arri-
vages de produits du midi;
Vous vous arrêtez de l'ait d'un Homme (Ju*, a ie soir viogt-
deux personnes à dîner et, qiii fàli son choix pour les bien
traiter.
Profitant d'un instant oii vous êtes a tiBu près seul, vous
vous nuagez fortement ad m'oyéU d'Un ddUole flacon.
Et après avoir mordu ^èhdaiit bibq minutes à même les
grosses tablettes de chdcbiât i^iii sont a la purte, vous emplis-
sez tranquillement vos pochés de dattes, de figues rouges, etc..,
et vous fourrez un anàtiàâ dâhs votre chapeau.
Le nuage dissipé, vtiuâ entrez demanaer un sou de poivre
pour la forme.
Et l'honneur est sauf.
LÉON BIENVENU.
LE MUSEE UNIVERSEL
L'heure de la régénération intellectuelle est venue.
Dieu soit loué ! la carie de la France, due au régime impé-
rial, à été cautérisée à temps, cruellement sans doute, mais il
le faut espérer, radicalement.
Donc, convalescent, le pays a/a plus qu'un rêva ; prendre sa
#Dl
M
^
0**
vii;:;>
'i""051 .Lnubli'
k LA
MAIN
Casais
'■■■?!*.'wiîU»U«w« 'H"0*11
.•I.MMeaprot'P'
s* TÛU-aito»'
S* !«"•*"" iBkiraiu*,s mK
: ]<j!!- ; c l«p*tw
•ji^àteliplis ta™! dis iois
.iumkfflpBi^oniqiii, »
liLùftUNB!:
r.ijiïipptiKataUttûil
'«HT* l!M i Mijoa
tilt,'
;:»™im»iTiiii!.
'^Mipiliir.pW.
;*te8KM,-i,thlffi11,_a
I
g**
»&*
X
M. CASIMIR PÉRIER
Sous couleur de patriotisme, mais en réalité pour garder leur
place, la plupart des ministres, après avoir reçu un coup de
pied de la Chambre, disent merci et saluent.
M. Casimir Périer est le ministre rare qui n'a pas cru devoir
suivre ce triste exemple.
il a donné sa démission lorsqu'il a vu une proposition faite
par lai, dans l'intérêt du pavs et de la République qu'il ser-
vait, repoussée par les vieux énergumènes de Versailles.
C'était biea.
Aujourd'hui M. Casimir Périer donne sa parole à la Républi-
que, qui lui semble le seul gouvernement possib e désormais,
dêtre sincèrement son serviteur, et de s'employer pour son af-
firmation défiuitive avec résolution.
C'est mieux encore...
Cet hoiume qui s'est honoré, en quittant le pouvoir d'une
façon si digne j-t-ïis, ne se déshonorera pas maintenant en ou-
bliant le serment qu'il vient de faire solennellement.
Son passé — d'essai loyal répond de son avenir de républi-
cain.
On doit le croire, et ne pas dire de lui, ce qu'on pense des
monarchistes ralliés à la République rose dernièrement, —
qu'il fait de nécessité vertu.
Il ne faut donc pas le comprendre parmi ces chefs de parti
que M. Gàmbetta, avec autant d'esprit pratique que de logique
spirituelle, demande, dans son beau discours de Grenoble,
qu'on mette — comme faisaient les premiers chrétiens — à la
porte de l'église pour qu'ils y fassent, pénitence.
Il est, au contraire, de ceux qui, après avoir trouvé la foi,
non comme saint Paul, après un subit éclair, mais comme saint
Thomas, après avoir touché et refléehi, doivent être accueillis
avec confiance, ainsi que M. Gambetta le conseille.
M. Casimir Périer n'est encore qu'un néophyte timide; c'est
un convalescent qui n'ose boire encore sa démocratie que très-
trempée.
Mais laissez faire le temps (et la majorité) et il réclamera
bientôt lui-même des toniques plus efficace» et un régime plus
généreux.
Car il aime évidemment la France et voudra la servir de
toutes ses forces.
LE COUSIN JACQUES.
■J—- »"tig—»—^J
OTA..... BAA!
BALLADE D'AUTOMNE
Le vent d'automne siffle, arrachant les ardoises. Le ciel irisé
est plein de cerfs-volants. Les feuilles m brtes valsent éperdûment
sur la terre. Et des cosses de marrons jouèhent lès jardins pu-
blics.
C'est la préface de l'hiver.
Dans ma rue. le matin, passent et repassent des petits êtres
noirs, qu'on pourrait prendre pour des séminaristes en bas âge,
si l'on n'apercevait eur face joyeùt-e de négrillons joufflus.
Une espèce de hérisson de fer sur le dos, et les genoux blin-
dés d'écaillés de cur, Ces petits êtres noirs s'en vont les mains
dans les pochés, poussant une clameur étrange : — Ota - baa!
qui rappelle le cri de guerre d'une tribu sauvage.
Rêveur, j'écoute 8*-8 petits êtres hoirs lancer jusqu'aux sixiè-
mes étages, du fond de la gorge, ce retentissant Ota... baà\
qui, peu à peûj s'éloigne et se perd dans les autres rumeurs de
la rue populeuse.
Et je pensé à todtes leâ cftdses charmantes dont le départ
irrévocable^ p'btir de longs mois, est annonce par le cri de ces
petits êtr-s Hoirs, qui ne sont ni des séminaristes eu bàs-âgë,
ni des négrillons joufflus, ni b>s sauvages un peu foucës de
teint, ce sbtit les rarauneurs du Piémon' ou de la Savoie.
Adieu léâ fleurs et le vrai soleil! L'heure du triomphe à.%
la falourdë %ï du dVmi-cèht tie coke a sonné.
Car ce que m'annoncent le Ota... baal des petits industriels
de couleur, c'est que le moment est venu de faire la toilette
des chemihêëâ;
Le ramâHâgl &ti Mîit ë*i bas devient la question à l'ordre du
jour- ..
Ota-baâl
— Alloris; hHëssiëttrs les locataires, faites gargariser le go-
sier de vus jib'ëiëfc et dé vos calorifères.
Tandis q'iië s'ëlbuiifitit les petits ramonats fardés de suie,
leurhérisb8ti ôle' fëf" àiiî l'épaule et les miins dans lespoebes,
je pens- efi*8fê d.u*ii ësl quelque part, dans un pays que je ne
veux pas hoiàmèrj tiiife Cheminée gigantesque, au foyer de la-
quelle l'Univers Viëfll se chauffer depuis longtemps.
Foyer génëredx^ toujours pétillant, toujours bienfaisant, qui
échauffe en mêtilê temps qu'il éclaire.
Si le feu q'tii bfÔlê sans relâ he dans son âtre venait à s'étein-
tre, le monde Siir'àit l'onglée pour toujours.
Mais il e&i fBifi, bien loin, d'avoir diminué d'intensité. Il
flambe, splefidirilî, pour de longs siècles encore.
La gigantesque" Cheminée en question a été fortement ra-
monée, il y £ aeiii ans, en septembre, le 4 du mois, si j'ai bonne
mémoire.
Mais il fadt ërblre qu'on a laissé, malheureusement, de là
suie dans les tiiyâùx, ce jtiur-là, car depuis un an elle fume
beaucoup, la cheminée.
Grave défaut !
C'est en vain que le nouveau régisseur de la maison s'efforce
de la faire marcher sèlbn' le voeu général. Des gens cfùi n'ont
aucune espèce dé bbhsciencè, et qui se moquent d'enfumer
toute une population^ cbmme de croquer une potnme, jettent
sans cesse dans le brasier du bois pourri oil deg cotterets tfdp
verts.
De sorte que les tuyaux s'engorgent de nouveau et que la
fumée remplit la maison.
Aiora. tout le monde se plaint et se frotte les yeux.
Quelques-uns de ces coupables écrivent à leurs amis que
c'est la Cheminée qui ne vaut rien, et qu'il faut la démour
dans le plue bref délai.
o Nous eu rebâtirons une autre, disent-ils, et nbus la sur-
monterons d'une belle girouette couronnée »
Comme, nilSurêlieffiënt; le, régisseur de la maison, le gardien
du feu, en un mot, ne veut pas entendre de cette oreille-là, les
gens sans aveu dont je parle mêlent au boi» sec, dans la che-
minée, des immondices de toute sorte et un tas de vieux pa-
piers et de parchemins qui sentent la corne brûlée en se con-
sumant.
Et la cheminée fume de plus belle.
Ahl quand donc certain petit ramoneur que je connais, mais
que je ne veux pas nommer, se décidera-t-il à mettre une fois
à exécution le projet qu'il a conçu et que tout le monde ap-
prouve.
— Ota... baa! «rie le peuple.
Oui, toute la France vous en prie :
— Petit ramoneur à lunettes, ramonez donc la Cheminée
publique de haut en bas 1
N'éi;outez pas les gens de mauvais aloi, qui prétendent que
la fumée est très-bonne à respirer; qu'elle coriierve; que de tout
temps 1* Cheminée publique a eu un mauvais tirage, et qu il
est inutile de chercher un remède héroïque pouf faire cesser ce
déplorable état de choses.
— Ota... baa!
Ramonez, ramonez I que le balai et la râcloira emportent avec
la suie séculaire qui ronge les tuyaux, les vilains esprits de
l'àtre et les vieux grillons du foyer qui nous assourdissent de
leurs cris surannés.
Ramonez! ramonez! Ota... baa!
v ERNEST D'HERVILLY.
LES NUAGES EN BOUTEILLE
Assez longtemps les poètes ont joui d'un insolent mono-
pole.
Eux seuls étaient consfamment dans les nuages.
NoUà al'ons enfin pouvoir y goûter aussi.
Cela devenait révoltant.
tlii invehteur vient de trouver le moyen de mettre les
nuages à la portée de tout le mondé.
11 les enferme dans des flacons bien noiibhëâ et les débite
par BSUiuhe.
Lëè nuages vont devenir d'Un usage populaire.
il sera sous peu, aussi facile de s'environner d'un ml&ge
que de se poser un Rigollot.
Gloire au progrès !
C'est tout une révolution ; et quoiqu'il ne soit pas facile
à> prévoir dès à présent tout le parti que Ton pourra tirt-r de
cette importante découverte, l'on peut du m'dhs esqu'sser
1"s principaux eus où l'homme civilisé doit éprouver le bë-
loin impérieux de se dissimuler dans le brouillard, ce sirop
d'orgeat donné par la nature.
cas n° 1. — Vous devez trois termes à votre propriétaire et
vous vous rencontrez avec lui dans l'escalier.
On sait qu'il n'y a rien qui se rencontre plus souvent dans
un escalier qu'un propriétaire à qui l'on doit trois termes, si
ce n'est celui à qui l'on en doit cinq
Vous l'abordez le pourire sur les lèvres, en saisissant votre
flacon à nuage dans votre poche.
— Cbftr monsieur Corbinetl... comment va madame.
— Mt^rei, pas mal.. Je suis bien aise de vous rencontrer...
— Tout l'honneur est pour moi, cher monsieur Corbîuet.
— Est-ce que vous ne pouvez pas, sur le terme d'octobre,
mé...
 be mument vous débouchez lestement et vous enveloppez
le Cbrbinet d'un nuage épais, auprès duquel lès articles de
B. Jouviti sont dfs chefs-d'œuvre de clarté.
Et vous vous é'oignez non moins vivement.
Quahd vous avez mis un étage et demi entre M. Corbifiet et
vous, vous lui criez :
— Mais où dbhc êtes-vbus passé M. Corbinetr... Je ne vous
vois plus .. Pourquoi vous sauver comme ça?
M Corbiaet qdi ne voit plus rien autour de lui, croit due
l'escalier s'est effondré et qu'il a été précipité dans la Fobse
d'aisances.
Il jette des cris de feu en se débattant.
Il peut aussi, dans sa terreur; éhjamber lia fampe, tomber
dans la cage de l'escalier et s'empàifer sur un" dés becs de gaz.
Laissez-le faire et vaquez à vos bccupatibhs.
CAS n° 2. — Vous êtes au théâtre; ëï; falus avez devant vous
une dîme dont la coiffure monumentale vous bouche absolu-
ment toute la scène \
Ces choses-là arrivent fréquemment avec la mode des eha-
peavx-parterres, qui profitent de ce qu'ils ne couvrent rien du
tout, pour se eduvrir eux-mêmes d'une végétation désolante.
Vous vous penchez vers la dame et vbus lui dites [ oliment :
— ComMëh *bus seriez aimable, rnadame, de pren Ire votre
corbeille de géraniums sur vos genoux.. Je n'y vois absolument
rien.
Il y a huit chances sur dix pour qVelle vous réponde que
vous la faites suer.
Après trois sommations respectueuses restées sans résultat,
volis laissez tomber Votre jumelle pour avoir un prétexte de
vous baisser, et vous lui débouchez sans bruit ùti dé VdS fîacoiis-
tluages fous Son fauteuil.
Deux secondes après, la dame voit monter tout auVôûr d'elle
iih Brouillard épais qui commence par lui envelopper les ge-
noux, et petit à petit gagne l'estomac, la poitrine, lecou, etc..
La tête passe encure, seulement la dame ne se voit plus les
mains.
En vain elle cherche à tâtons son programme ou son éven-
tail qu'elle a déposés sur le fauteuil à côié.
N'y voyant rien, elle pince les genoux d'un monsieur qu'elle
ne connaît pas.
Le monsieur toi rend, elle le traite d'insolent.
Pendant ce temps, le nuage monte toujours.
Il envahit la tête de la dame qui se croyant complètement
isolée du reste de la terre, s'évanouit en pensant qu'elle est
enlevée dans les airs par le monsieur pincé, qui n'est autre
qu'un génie malfaisant amoureux d'elle.
On l'emporte, et vous êtes débarrassé de sa corbeille de
fleurs.
*
cas n° 3. — Vous avez un duel.
Arrivé sur le terrain, vous vous mettez en garde. Votre ad-
versaire devient pressant.
Ne perdez pas un instant. Au moment où il se fend, jetez-
vous â plat ventre et débouchez votre nuage.
Cela vous permet de vous diriger à quatre pattes jusqu'à
votre homme, sàiis être vu, de lui ramasser les jambes et de
l'étaler sut- le dos.
Alors, rapide comme la pensée, vous lui mettez un genou
sur la gorge, et lui appuyant la pointe de votre épée sur la
poitrine, à l'endroit du cœur, vous lui dites :
— Monsieur... votre vie est dans mes .mains, ie vous laisse
le choix des excuses.
cas n° 4. — Il pleut à verse, et vous sortez en grande toi-
lette pour aller dîner chez votre futur beau-père qui demeure
aux Ternes.
Arrivé à la Bastille, vous vous mettez sous une porte cochère
pour attendre l'omnibus.
L'Omnibus passe. Il n'y a plus qu'une place à l'intérieur.
Vous faites signe au conducteur et vous vous précipitez au"
pas de course.
Un autre monsieur guettait l'omnibus aussi et cburt bride
abàfciuë.
Il a de bonneé jambes et vou=j voyez qu'il vous dépasse.
Vous tirez uh flacon-nuage de votr-3 poche et, tout en courant,
vous le lui flanquez dans les jambes.
Lé flacon se brise et le nuage s'en échappe.
Si vous avez visé juste, votre concurrent ne tarde paa à se
trouver complètement dans les ténèbres.
Il ne sait plus de quel côté se diriger.
Alors, redoublant de vitesse, vous arrivez sur le marchepied
de l'omnibus juste au moment où notre homme passe sous les
roues d'un autre omaibus qu'il n'a pas vu venir.
Si vous avez le cœur sensible, vous pouvez vous écrier, en
passant vos six sous au conducteur :
— Ahl... le pauvre garçonI... sa redingote doit être abi-
méel...
Mais, aussi, vous avez votre place; c'est l'essentiel I...
cas n° 5. — Vous êtes marié. — Pardon... pour cette cruelle
supposition ; mais il îfe falit.
Vous êtes marié. Votre fetnine vous tourmente depuis neuf
ànS pour que voiis là conduiriez au spectacle.
Un refus trop prolongé pourrait paraître de mauvais goût.
Vous vous exécutez un soK
Profitant d'un endroit où là circulation est très active, vous
lui débouchez sous le net; au coin d'une rue, un flacon-brouil-
îard, et vous quittez brusquement Sbn bras
Sans perdre votre temps à vous inquiéter si elle ne va pas
entrer la tête la Crémière dans ùné vitrine de marchand de ca-
nifs, vous allez au théâtre tout seul.
Et, le soir, vous rentrez chez vous d'un air de très-mauvaise
humeur en lui disant :
— Ah ça... maïs où donc es-tu passée?... Je n'ai jamais vu
quelqu'un comme toi pour marcher dans liSs1 rues comme une
ahurie l... Je t'ai déjà dit cinquante feis de hejamaisme lâcher
le bras!.;;
cas N° 6. — Vous êtes en pleine placé dé U Concorde.
Tout à coup vous Vous souvenez que voua àvfô maDgé des pru-
neaux.
Vous prenez la résolution héroïqîlfc de fëftflr .juS'^Vau passage
Jbuffroy.
Mais vous né tardez pas à vous apVrbêidir qHtè Vos forces ne
sont pas à là hauteur de votre courais;
CJbmment faire ?...
C'est bien simple.
Vous tirez un flicon-nuagc, et àjpBs âvttîr jftlë.un Tegard su-
prême sur ce qui reste des Tuileries, vous brisez votre nuage
à vos pieds et vous.....violez le £àfcte' de" fibiîfeaux sous l'œil
de l'autorité.
Après quoi, vous sortez de votre nûagë 8fc fegagnez la rue
Royale, tout doucement, en balançant vefcfê etnne en flâneur,
comme quelqu'un qui n'a rien à Se rejîrtibnêfî
En arrivant sur les grands Outtlëvard'â} ¥9À8 vous payez un
cigare de trois sous.
Ça fait le compte.
**»
cas n° 1. — Vous passei devant chez Potin ,un jour d'arri-
vages de produits du midi;
Vous vous arrêtez de l'ait d'un Homme (Ju*, a ie soir viogt-
deux personnes à dîner et, qiii fàli son choix pour les bien
traiter.
Profitant d'un instant oii vous êtes a tiBu près seul, vous
vous nuagez fortement ad m'oyéU d'Un ddUole flacon.
Et après avoir mordu ^èhdaiit bibq minutes à même les
grosses tablettes de chdcbiât i^iii sont a la purte, vous emplis-
sez tranquillement vos pochés de dattes, de figues rouges, etc..,
et vous fourrez un anàtiàâ dâhs votre chapeau.
Le nuage dissipé, vtiuâ entrez demanaer un sou de poivre
pour la forme.
Et l'honneur est sauf.
LÉON BIENVENU.
LE MUSEE UNIVERSEL
L'heure de la régénération intellectuelle est venue.
Dieu soit loué ! la carie de la France, due au régime impé-
rial, à été cautérisée à temps, cruellement sans doute, mais il
le faut espérer, radicalement.
Donc, convalescent, le pays a/a plus qu'un rêva ; prendre sa
#Dl
M
^
0**
vii;:;>
'i""051 .Lnubli'
k LA
MAIN
Casais
'■■■?!*.'wiîU»U«w« 'H"0*11
.•I.MMeaprot'P'
s* TÛU-aito»'
S* !«"•*"" iBkiraiu*,s mK
: ]<j!!- ; c l«p*tw
•ji^àteliplis ta™! dis iois
.iumkfflpBi^oniqiii, »
liLùftUNB!:
r.ijiïipptiKataUttûil
'«HT* l!M i Mijoa
tilt,'
;:»™im»iTiiii!.
'^Mipiliir.pW.
;*te8KM,-i,thlffi11,_a
I
g**
»&*