L'EULiPdfi
AVIS IMPORTANT. — Les souscrip-
teurs à riâolipse dont l'abonriomcnt ex-
pire le 3 1 mai, sont priés de le
renouveler sans retard, s'ils ne veulent
point subir d'interruption dans la ré-
ception du j ournal.
NOUVELLES
PRIMES DE L'ÉCLIPSÉ
Toute personne qui enverra au directeur du journal le mon-
tant d'un abonnement d'un an, aura droit à une des primes
ci-dessous annoncées et aux conditions suivantes :
1° almanach dbs TRAVAILLEURS, illustré par Grill, texte
de E. Zola, J. Ciaretie, E. d'Heryilly, E. Siebecker, etc.
Offert gratuitement aux personnes qui le retireront au bu-
reau. — Ajouter 23 centimes au prix de l'abonnement pour le
recevoir franco de port dans les départements.
2° l'album dbs pleurs, fruits ET légumes du JOUR,
dans'lequel Alfred Le Petit a crayonné avec l'humour et l'esprit
de Granville trente-deux charges des hommes célèbres de notre
époque. Ces caricatures, fort réussies, accompagnées de qua-
trains spirituels, sont coloriées avec soin.
L'Album, pris au bureau, 1 fr.
Ajouter 1 fr. pour le recevoir franco à domicile.
EN VENTE AU BUREAU DE L'ÉCLIPSÉ :
Titre et table de l'année 1873 du journal Y Éclipse. 0 f. 30 c.
(franco 40 cl
Couverture de l'année 1873 du journal ÏÉclipse. 0 f. 20 c.
(franco 30 c.)
CE-P RESIDENCE
a question de la transmission des pouvoirs
vient de remettre à l'ordre du jour celle de
l'institution d'une vice-présidence de la Ré-
publique.
Dans cette prévision, plusieurs journaux
de l'ordre moral commencent à lancer leur
petit ballon d'essai.
Et la Patrie, qui ne perd jamais de temps — quand il s'agit de
faireperdre celui de la France— prend encorecette fois l'avance.
***
Prévoyant le cas où nou3 aurions prochainement besoin d'un
vice-président, elle s'est mise à fouiller soigneusement tous les
coins de la société pour savoir dans lequel nous devrions, le
cas échéant, aller chercher ce haut dignitaire.
*
* *
■ La Patrie n'est pas revenue tout à fait bredouille de ce'te
battue aux candidats.
Et grâce à elle, la France sait aujourd'hui que nous cherche-
rions en vain autre part que dans l'armée un ciiqyen digne de
représenter le pays.
*
* *
v Pourquoi — s'écrie-t-elle — ne chercherait-on pas un
« homme, un soldat !... représentant ces traditions de
« loyauté, de devoir... etc., etc. » (la suite scion la formule ha-
bituelle.)
* *
Evidemment, comme la Patrie a dépassé l'âje où l'on tient
des propos inconséquents, nous devons croire qu'avant de for-
muler un vœu semblable, elle a dû passer minutieusement en
revue toute l'échelle sociale depuis la magistrature jusqu'à la
ferblanterie, depuis la chambre des notaires jusqu'à l'associa-
tion des marchands de contremarques, pour en arriver à se
convaincre que l'armée seule pouvait fournir un vice-président
de la République à peu près propre.
• * *
Nous savons bien que ce n'est pas absolument flatteur pour
les autres corporations.
Les avocatsj le» ingénieurs civils, les marchands de cristaux,
les médecins, les quincailliers, les tailleurs, les architectes, les
cordonniers... et généralement tous industriels honorables,
trouveront un peu désobligeant pour eux l'ostracisme de la
Patrie.
Mais ils s'arrangeront comme ils pourront.
La Patrie ayant décidé que dans l'armée seulement on pou-
vait trouver « ces traditions de loyauté, de devoir... etc., etc..»
il n'y a plus à y revenir.
. * *
Cependant, comme tout le monde n'y mettra peut-être pas
la même bonne volonté que nous, il faut bien s'attendre à ce
que l'iBitiative de la Patrie provoque dans la presse les contre-
vœux les plus variés.
* *
Comment empêcher, par exemple, qu'un journal d'une autre
nuance prétende 3 son tour qu'il est impossible à la France de
choisif un vice-président de la République en dehors de la
haute'finance, dont « les traditions de loyauté... etc., etc. »
***
Que répondra-t-on à une feuille qui imprimera le lende-
main :
« Si l'on veut un vice-président, il faudra évidemment le
o prendre dans l'administration des ponts-et-chausséss, où les
« traditions d'honnêteté... etc., etc. »
* *
De fil en aiguille, on en arrivera forcément à voir toutes les
branches de l'art, de l'industrie et du commerce prétendre à
tour de rôle qu'en dehors de leur soin, il serait impossible de
retrouver ces traditions de vertu civique, de désinteress ment,
etc., etc.
', \ *
* *
Si bien qu'au bout de qujnzo jours tout le Bottin y aura
passé.
Après les avoués viendront les bandagistes.
Après les oculistes, les encadreurs.
Après les fabricants de papier peint, les entrepreneurs de dé-
ménagements.
Après les dentistes, les vitriers.
Après les marchands de cravates, les doreurs sur bois.
Et ainsi de suite jusqu'aux marbriers, aux ébénistes, aux
zingueurs et aux tourneurs.
Si bien qu'un beau matin, on lira sans aucun doute dans le
Messager des denrées coloniales un premier-Paris à sensation et
commençant par ces mots :
« Puisque la République a besoin d'un vice-président, pour-
« quoi ne chercherait-on pas un ho mme... un c h o c o l a t i e r !...
« représentant, comme M. Devinck, ces traditions de loyauté,
« de devoir et de pur cacao. (La suite comme dans la Patrie.)
*
* *
Voilà à quoi nous aura exposés notre sympathique confrère
en paraissant reconnaître aux militaires le monopole de l'hon-
neur et de toutes les vertus civiques.
* *
Puis — car tout est possible en partant de là — les photo-
graphes réclameront à leur tour.
Et ils seront peut-être bien un peu dans leur droit.
Car, au fond, il faut convenir qu'il est fort ennuyeux de s'en-
tendre dire par un journal que l'on ne pourra de sa vie aspirer
à devenir vice président d'une république parce que l'on ap-
partient à une corporation qui ne peut avoir conservé ces « tra-
ditions de loyauté, de devoir, etc., etc. »
LÉON BIENVENU.
L'OMNIBUS-FOYER
e Parisien, c'est connu, passe une grande
partie de sa courte existence dans les om-
nibus, soit à l'impériale, soit dans l'inté-
rieur.
Plusieurs môme perdent la moitié de
leur vie à attendre la place à laque'le leur
donne droit une correspondance dans les
différentes stations de la Cic générale.
A ceux-là, il devra être beaucoup pardonné, car ils auront
diablement attendu !
Mais le Parisien pratique qui se sait fatalement destiné à dé-
penser ses heures les meilleures dans les voitures publiques,
s'est avisé, en général, de faire servir au bien de ses affaires le
chemin du Calvaire qu'il accomplit, cahin-caha, dans les om-
nibus.
Le Parisien a fait de l'omnibus son lieu de rendez-vous, son
cabinet de travail, sa salle de lecture, son officine de projets, le
confessionnal intime doses réflexions, en un mot une succur-
sale de son chez lui, son Foyer roulant.
En omnibus, à Paris, on lit des dossiers, on apure des
comptes, on compose des couplets de vaudeville, on fait des
additions, on élabore, des discours, on parle d'amour à voix
basse. Beaucoup chantent, récitent des vers, haranguent inté-
rieurement des personnages avec lesquels ils vont se trouver en
contact.
D'autres, ceux qui so lèvent à cinq heures et se couchent à
doux heures du matin, achèvent leur somme au bercement des
roues. L'omnibus leur sert de dortoir, ("est une chose convenue,
ils ne dorment qu'en omnibus. Ils comptont là-dessus pour
reprendre quelque vitalité, entre deux rendez-vous de plaisir
ou d'affaire».
Quelques-uns y mangent. J'en al vu qui y faisaient des
croquis, finissaient au crayon un feuilleton, cubaient des ma-
tériaux, goûtaient des échantillons do vins, traçaient des plans,
se peignaient devant une glace à main.
Quant aux femmes, elles transforment l'omnibus en parloir,
en boudoir; elles y font des promenades entre amies ; elles y re
çoivent les soupirs, œillades, propos galants, déclarations qui
jamais, au grand jamais, n'iraient les chercher chez elles. Elles y
font du crochet; elles y étudient de la mu>ique. Les unes y ap-
prennent [^mercuriale des magasins de nouveautés ; on s'y fait part
des expositions de blanc, et des occasions exceptionnelles qu'on
trouvé au Bas-Prix ou au Petit Saint-Pancrace. Les autres cons
puent les marchands de beurre et de volailles. On y traîne dans
la boue les bouchers. Les jeunes se plaignent des coups de coude
pleins d'équivoque que leur décernent, à Ù faveur des cahots
les hommes d'un certain âge. Les vieilles gémissent et se plai-
gnent de la mauvaise éducation des messieurs qui ne veulent
pas monterà l'impériale, en temps de pluie, pour leur céder une
place.
Mais c'est surtout en Ouvroir, en lieu d'éducation de la pre
mière enfance et des jeunes mères, que les dames de tout âge
ont métamorphosé l'omnibus.
Un seul enfant, fût-il à peine gros comme une orange, a le
privilège d'occuper, dès l'ins'ant de son apparition dans la voi
ture, les femmes absolument étrangères les unes aux autres
qu'elle renferme dans son sein.
Elles font d'abord subir à la maman interdite une sorte d'exa-
men^rès-sévère. On l'interroge de tous les côtés; on la somme
de surveiller d'un œil jaloux sa progéniture. La pauvre maman
essaie de répondre; elle sourit d'un air embarrassé, mais
joyeux; elle est flattée, en somme. L'enfant, lui, semble beau-
coup moins satisfait; comme on expose à tous les regards ses
reins et ses jambes, pour en montrer la force et la grâce ; comme
lesdits reins et lesdites jambes sont touchés, caressés, pincés
par les doigts d>i tout le monde, l'enfant trouve intérieurement
son sort amer et il crie comme un geai.
A ce cri, les propos féminins redoublent d'intensité autour de
lui; chacune apporte la petite pierre de son expérience person
nelle au monument général, ou bien la jette purement et sim
plement dans le jardin de la voisine.
On se met à raconter ses couches, ses fièvres de lait. On parle
dos dentitions difficiles, dos coliques subversives. On conseille
ceci. On conseille plutôt cela. On réfute, avec un sourire de
pitié, et un petit ton rêché, les arguments maternels timidement
invoqués par la victime de cet interrogatoire public.
- Non, madame ! — Permettez, madame ! — Pardon, ma-
dame ! — Vous vous trompez, madame !
Et pleuvent, serrés comme les grêlons, les remèdes les plus
bizarres.
L'une dit :
— Quand mon petit, l'an dernier, a eu des convulsions, j'ai
mis un seau p'ein d'eau dans son berceau, et ça l'a guéri comme
par enchantement.
Une autre ajoute :
— Vous prenez du persil, vous le hachez très-fin. Vous y
mêlez du beurre et vous faites avaler le mélange, par boulettes,
à votre enfant, et ça l'empêche, la nuit, de mouiller sa cou-
chette.
En écoutant énumérer ces remèdes bizarres, parfois un vieux
monsieur décoré, qui lit le journal de l'académie de médecine,
relève la tête et sourit. C'est un docteur. Il sourit d'un air rail-
leur.
Malheur à lui si ce sourire est surpris ! les douze ou treize
dames que trimballe l'omnibus lui décochent alors instantané-
ment douze ou treize regards de mépris, et la conversation, un
instant détournée de son sens, quitte l'enfant pour tomber sur
le dos de l'adulte.
On raille agréablement, à mots couverts, la générale igno-
rance des hommes quand il s'agit d'un nourrisson. On hausse
les épaules de pitié. On plaint les femmes qui se laissent mener
par de tels maris. Et les exemples de résistance sont produits
tout à coup : « — Mon mari voulait ceci. Moi j'ai fait cela. »
Et patati et patata.
Mais l'émoi féminin cesse bientôt faute d'aliment, comme un
feu de paille, La partie masculine de l'omnibus, tout à ses occu-
pations mentales, gardant un silence aussi prudent que profond,
les dames sont obligées de remettre dans le carquois les flèches
qu'elles s'apprêtaient à décocher.
Et ici je rends hommage à la prudence du Parisien qui habite
journellement l'omnibus-foyer.
En effet, un vrai Parisien ne doit jamais prendre part à la
conversation des dames.
Il n'y a qu'un homme débarqué de la veille de Tombouctou
qui puisse commettre, à la grande joie du conducteur, la faute
colossale de se précipiter en paroles au milieu des discussions
incessantes qui bruissent, entre dames, au fond d'un omni-
bus.
Daniel lui-même, qui descendait dans la fosse aux lions avec
courage, hésiterait, plein de terreur, à glisser son mot entre
quatre voyageuses qui se disputent à propos d'un sou tombé
par terre ou d'un carreau fermé malgré la chaleur.
Un vrai Parisien, un homme enfin qui jette les trois quarts
de sa vie aux pieds de la Compagnie générale des omnibus, doit
absolument refuser d'entrer en conversation avec qui que soit,
et pour quoi ce soit, dans la voiture à trente centimes.
Toutes ses facultés, tout ce qu'il y a de prudence, de coup-
d'œil, de force, d'adresse, d'habileté, toute son intelligence
cntln, il doit l'employer à empêcher les dames qui montent ou
descendent de lui enfoncer dans la prunelle leur ombrelle ou
leur en-cas.
Un seul instant d'oubli, un bout de causette, une seconde
d'irréflexion, et c'en est fait : — Il a l'œil crevé !
ERNEST D'HERVILLY.
BROUTILLES
'était dimanche dernier. On était
en toilette d'été, prêt à partir aux
courses. Tout à coup un nuage
crève.
Adolphe mot le nez à la fenêtre : '
— C'est que ça tombe bien!... dit-
il en rentrant.
— Dites-donc que ça tombe mal,
répond Armandine, toute boudeuse.
»**
Nous c innajsspn», en ce moment, un jeune homme du
meilleur monde, que l'on presse d'épouser une de nos plus
jolies actrices, très-riche.
Il résiste.
— Elle a quinze cents obligations du Nord, lui disait-on
hier.
— C'est possible.,. mais...
— Mille obligations du Grand-Central!...
— Je ne dis pas... mais encore...
— Mais quoi?.. Douze cents obligations de la Seine.
— Ah! voilà, justement!.., jamais je ne pourrai me faire aux
obligations de la scène.
*
Hamburger à Christian. — Quelle est la chose qu'un
bossu envie le plus à la terre ?
— Christian. — Tu m'ennuies.
Hamburger, impitoyable. — C'est de recevoir, comme elle,
un coup qui lui aplatisse les pôles.
*
Un vieux baron qui protège une charmante enfant de la
Gaîté, vient chez elle hier matin, à onze heures.
En arrivant, il voit un jeune homme sortir de chez l'in-
génue.
11 entre furieux.
— Annette!., dit-il à la bonne, quelqu'un est venu ici ce
matin.
— Non, monsieur.
— Tu mens.., j'en suis sûr.
— Je vous jure, monsieur, qu'avant vous il n'est venu per-
sonne aujourd'hui.
— Mais puisque je viens, à l'instant, de voir sortir un jeune
homme!...
— Oui, monsieur, mais... il était entré hier soir.
AVIS IMPORTANT. — Les souscrip-
teurs à riâolipse dont l'abonriomcnt ex-
pire le 3 1 mai, sont priés de le
renouveler sans retard, s'ils ne veulent
point subir d'interruption dans la ré-
ception du j ournal.
NOUVELLES
PRIMES DE L'ÉCLIPSÉ
Toute personne qui enverra au directeur du journal le mon-
tant d'un abonnement d'un an, aura droit à une des primes
ci-dessous annoncées et aux conditions suivantes :
1° almanach dbs TRAVAILLEURS, illustré par Grill, texte
de E. Zola, J. Ciaretie, E. d'Heryilly, E. Siebecker, etc.
Offert gratuitement aux personnes qui le retireront au bu-
reau. — Ajouter 23 centimes au prix de l'abonnement pour le
recevoir franco de port dans les départements.
2° l'album dbs pleurs, fruits ET légumes du JOUR,
dans'lequel Alfred Le Petit a crayonné avec l'humour et l'esprit
de Granville trente-deux charges des hommes célèbres de notre
époque. Ces caricatures, fort réussies, accompagnées de qua-
trains spirituels, sont coloriées avec soin.
L'Album, pris au bureau, 1 fr.
Ajouter 1 fr. pour le recevoir franco à domicile.
EN VENTE AU BUREAU DE L'ÉCLIPSÉ :
Titre et table de l'année 1873 du journal Y Éclipse. 0 f. 30 c.
(franco 40 cl
Couverture de l'année 1873 du journal ÏÉclipse. 0 f. 20 c.
(franco 30 c.)
CE-P RESIDENCE
a question de la transmission des pouvoirs
vient de remettre à l'ordre du jour celle de
l'institution d'une vice-présidence de la Ré-
publique.
Dans cette prévision, plusieurs journaux
de l'ordre moral commencent à lancer leur
petit ballon d'essai.
Et la Patrie, qui ne perd jamais de temps — quand il s'agit de
faireperdre celui de la France— prend encorecette fois l'avance.
***
Prévoyant le cas où nou3 aurions prochainement besoin d'un
vice-président, elle s'est mise à fouiller soigneusement tous les
coins de la société pour savoir dans lequel nous devrions, le
cas échéant, aller chercher ce haut dignitaire.
*
* *
■ La Patrie n'est pas revenue tout à fait bredouille de ce'te
battue aux candidats.
Et grâce à elle, la France sait aujourd'hui que nous cherche-
rions en vain autre part que dans l'armée un ciiqyen digne de
représenter le pays.
*
* *
v Pourquoi — s'écrie-t-elle — ne chercherait-on pas un
« homme, un soldat !... représentant ces traditions de
« loyauté, de devoir... etc., etc. » (la suite scion la formule ha-
bituelle.)
* *
Evidemment, comme la Patrie a dépassé l'âje où l'on tient
des propos inconséquents, nous devons croire qu'avant de for-
muler un vœu semblable, elle a dû passer minutieusement en
revue toute l'échelle sociale depuis la magistrature jusqu'à la
ferblanterie, depuis la chambre des notaires jusqu'à l'associa-
tion des marchands de contremarques, pour en arriver à se
convaincre que l'armée seule pouvait fournir un vice-président
de la République à peu près propre.
• * *
Nous savons bien que ce n'est pas absolument flatteur pour
les autres corporations.
Les avocatsj le» ingénieurs civils, les marchands de cristaux,
les médecins, les quincailliers, les tailleurs, les architectes, les
cordonniers... et généralement tous industriels honorables,
trouveront un peu désobligeant pour eux l'ostracisme de la
Patrie.
Mais ils s'arrangeront comme ils pourront.
La Patrie ayant décidé que dans l'armée seulement on pou-
vait trouver « ces traditions de loyauté, de devoir... etc., etc..»
il n'y a plus à y revenir.
. * *
Cependant, comme tout le monde n'y mettra peut-être pas
la même bonne volonté que nous, il faut bien s'attendre à ce
que l'iBitiative de la Patrie provoque dans la presse les contre-
vœux les plus variés.
* *
Comment empêcher, par exemple, qu'un journal d'une autre
nuance prétende 3 son tour qu'il est impossible à la France de
choisif un vice-président de la République en dehors de la
haute'finance, dont « les traditions de loyauté... etc., etc. »
***
Que répondra-t-on à une feuille qui imprimera le lende-
main :
« Si l'on veut un vice-président, il faudra évidemment le
o prendre dans l'administration des ponts-et-chausséss, où les
« traditions d'honnêteté... etc., etc. »
* *
De fil en aiguille, on en arrivera forcément à voir toutes les
branches de l'art, de l'industrie et du commerce prétendre à
tour de rôle qu'en dehors de leur soin, il serait impossible de
retrouver ces traditions de vertu civique, de désinteress ment,
etc., etc.
', \ *
* *
Si bien qu'au bout de qujnzo jours tout le Bottin y aura
passé.
Après les avoués viendront les bandagistes.
Après les oculistes, les encadreurs.
Après les fabricants de papier peint, les entrepreneurs de dé-
ménagements.
Après les dentistes, les vitriers.
Après les marchands de cravates, les doreurs sur bois.
Et ainsi de suite jusqu'aux marbriers, aux ébénistes, aux
zingueurs et aux tourneurs.
Si bien qu'un beau matin, on lira sans aucun doute dans le
Messager des denrées coloniales un premier-Paris à sensation et
commençant par ces mots :
« Puisque la République a besoin d'un vice-président, pour-
« quoi ne chercherait-on pas un ho mme... un c h o c o l a t i e r !...
« représentant, comme M. Devinck, ces traditions de loyauté,
« de devoir et de pur cacao. (La suite comme dans la Patrie.)
*
* *
Voilà à quoi nous aura exposés notre sympathique confrère
en paraissant reconnaître aux militaires le monopole de l'hon-
neur et de toutes les vertus civiques.
* *
Puis — car tout est possible en partant de là — les photo-
graphes réclameront à leur tour.
Et ils seront peut-être bien un peu dans leur droit.
Car, au fond, il faut convenir qu'il est fort ennuyeux de s'en-
tendre dire par un journal que l'on ne pourra de sa vie aspirer
à devenir vice président d'une république parce que l'on ap-
partient à une corporation qui ne peut avoir conservé ces « tra-
ditions de loyauté, de devoir, etc., etc. »
LÉON BIENVENU.
L'OMNIBUS-FOYER
e Parisien, c'est connu, passe une grande
partie de sa courte existence dans les om-
nibus, soit à l'impériale, soit dans l'inté-
rieur.
Plusieurs môme perdent la moitié de
leur vie à attendre la place à laque'le leur
donne droit une correspondance dans les
différentes stations de la Cic générale.
A ceux-là, il devra être beaucoup pardonné, car ils auront
diablement attendu !
Mais le Parisien pratique qui se sait fatalement destiné à dé-
penser ses heures les meilleures dans les voitures publiques,
s'est avisé, en général, de faire servir au bien de ses affaires le
chemin du Calvaire qu'il accomplit, cahin-caha, dans les om-
nibus.
Le Parisien a fait de l'omnibus son lieu de rendez-vous, son
cabinet de travail, sa salle de lecture, son officine de projets, le
confessionnal intime doses réflexions, en un mot une succur-
sale de son chez lui, son Foyer roulant.
En omnibus, à Paris, on lit des dossiers, on apure des
comptes, on compose des couplets de vaudeville, on fait des
additions, on élabore, des discours, on parle d'amour à voix
basse. Beaucoup chantent, récitent des vers, haranguent inté-
rieurement des personnages avec lesquels ils vont se trouver en
contact.
D'autres, ceux qui so lèvent à cinq heures et se couchent à
doux heures du matin, achèvent leur somme au bercement des
roues. L'omnibus leur sert de dortoir, ("est une chose convenue,
ils ne dorment qu'en omnibus. Ils comptont là-dessus pour
reprendre quelque vitalité, entre deux rendez-vous de plaisir
ou d'affaire».
Quelques-uns y mangent. J'en al vu qui y faisaient des
croquis, finissaient au crayon un feuilleton, cubaient des ma-
tériaux, goûtaient des échantillons do vins, traçaient des plans,
se peignaient devant une glace à main.
Quant aux femmes, elles transforment l'omnibus en parloir,
en boudoir; elles y font des promenades entre amies ; elles y re
çoivent les soupirs, œillades, propos galants, déclarations qui
jamais, au grand jamais, n'iraient les chercher chez elles. Elles y
font du crochet; elles y étudient de la mu>ique. Les unes y ap-
prennent [^mercuriale des magasins de nouveautés ; on s'y fait part
des expositions de blanc, et des occasions exceptionnelles qu'on
trouvé au Bas-Prix ou au Petit Saint-Pancrace. Les autres cons
puent les marchands de beurre et de volailles. On y traîne dans
la boue les bouchers. Les jeunes se plaignent des coups de coude
pleins d'équivoque que leur décernent, à Ù faveur des cahots
les hommes d'un certain âge. Les vieilles gémissent et se plai-
gnent de la mauvaise éducation des messieurs qui ne veulent
pas monterà l'impériale, en temps de pluie, pour leur céder une
place.
Mais c'est surtout en Ouvroir, en lieu d'éducation de la pre
mière enfance et des jeunes mères, que les dames de tout âge
ont métamorphosé l'omnibus.
Un seul enfant, fût-il à peine gros comme une orange, a le
privilège d'occuper, dès l'ins'ant de son apparition dans la voi
ture, les femmes absolument étrangères les unes aux autres
qu'elle renferme dans son sein.
Elles font d'abord subir à la maman interdite une sorte d'exa-
men^rès-sévère. On l'interroge de tous les côtés; on la somme
de surveiller d'un œil jaloux sa progéniture. La pauvre maman
essaie de répondre; elle sourit d'un air embarrassé, mais
joyeux; elle est flattée, en somme. L'enfant, lui, semble beau-
coup moins satisfait; comme on expose à tous les regards ses
reins et ses jambes, pour en montrer la force et la grâce ; comme
lesdits reins et lesdites jambes sont touchés, caressés, pincés
par les doigts d>i tout le monde, l'enfant trouve intérieurement
son sort amer et il crie comme un geai.
A ce cri, les propos féminins redoublent d'intensité autour de
lui; chacune apporte la petite pierre de son expérience person
nelle au monument général, ou bien la jette purement et sim
plement dans le jardin de la voisine.
On se met à raconter ses couches, ses fièvres de lait. On parle
dos dentitions difficiles, dos coliques subversives. On conseille
ceci. On conseille plutôt cela. On réfute, avec un sourire de
pitié, et un petit ton rêché, les arguments maternels timidement
invoqués par la victime de cet interrogatoire public.
- Non, madame ! — Permettez, madame ! — Pardon, ma-
dame ! — Vous vous trompez, madame !
Et pleuvent, serrés comme les grêlons, les remèdes les plus
bizarres.
L'une dit :
— Quand mon petit, l'an dernier, a eu des convulsions, j'ai
mis un seau p'ein d'eau dans son berceau, et ça l'a guéri comme
par enchantement.
Une autre ajoute :
— Vous prenez du persil, vous le hachez très-fin. Vous y
mêlez du beurre et vous faites avaler le mélange, par boulettes,
à votre enfant, et ça l'empêche, la nuit, de mouiller sa cou-
chette.
En écoutant énumérer ces remèdes bizarres, parfois un vieux
monsieur décoré, qui lit le journal de l'académie de médecine,
relève la tête et sourit. C'est un docteur. Il sourit d'un air rail-
leur.
Malheur à lui si ce sourire est surpris ! les douze ou treize
dames que trimballe l'omnibus lui décochent alors instantané-
ment douze ou treize regards de mépris, et la conversation, un
instant détournée de son sens, quitte l'enfant pour tomber sur
le dos de l'adulte.
On raille agréablement, à mots couverts, la générale igno-
rance des hommes quand il s'agit d'un nourrisson. On hausse
les épaules de pitié. On plaint les femmes qui se laissent mener
par de tels maris. Et les exemples de résistance sont produits
tout à coup : « — Mon mari voulait ceci. Moi j'ai fait cela. »
Et patati et patata.
Mais l'émoi féminin cesse bientôt faute d'aliment, comme un
feu de paille, La partie masculine de l'omnibus, tout à ses occu-
pations mentales, gardant un silence aussi prudent que profond,
les dames sont obligées de remettre dans le carquois les flèches
qu'elles s'apprêtaient à décocher.
Et ici je rends hommage à la prudence du Parisien qui habite
journellement l'omnibus-foyer.
En effet, un vrai Parisien ne doit jamais prendre part à la
conversation des dames.
Il n'y a qu'un homme débarqué de la veille de Tombouctou
qui puisse commettre, à la grande joie du conducteur, la faute
colossale de se précipiter en paroles au milieu des discussions
incessantes qui bruissent, entre dames, au fond d'un omni-
bus.
Daniel lui-même, qui descendait dans la fosse aux lions avec
courage, hésiterait, plein de terreur, à glisser son mot entre
quatre voyageuses qui se disputent à propos d'un sou tombé
par terre ou d'un carreau fermé malgré la chaleur.
Un vrai Parisien, un homme enfin qui jette les trois quarts
de sa vie aux pieds de la Compagnie générale des omnibus, doit
absolument refuser d'entrer en conversation avec qui que soit,
et pour quoi ce soit, dans la voiture à trente centimes.
Toutes ses facultés, tout ce qu'il y a de prudence, de coup-
d'œil, de force, d'adresse, d'habileté, toute son intelligence
cntln, il doit l'employer à empêcher les dames qui montent ou
descendent de lui enfoncer dans la prunelle leur ombrelle ou
leur en-cas.
Un seul instant d'oubli, un bout de causette, une seconde
d'irréflexion, et c'en est fait : — Il a l'œil crevé !
ERNEST D'HERVILLY.
BROUTILLES
'était dimanche dernier. On était
en toilette d'été, prêt à partir aux
courses. Tout à coup un nuage
crève.
Adolphe mot le nez à la fenêtre : '
— C'est que ça tombe bien!... dit-
il en rentrant.
— Dites-donc que ça tombe mal,
répond Armandine, toute boudeuse.
»**
Nous c innajsspn», en ce moment, un jeune homme du
meilleur monde, que l'on presse d'épouser une de nos plus
jolies actrices, très-riche.
Il résiste.
— Elle a quinze cents obligations du Nord, lui disait-on
hier.
— C'est possible.,. mais...
— Mille obligations du Grand-Central!...
— Je ne dis pas... mais encore...
— Mais quoi?.. Douze cents obligations de la Seine.
— Ah! voilà, justement!.., jamais je ne pourrai me faire aux
obligations de la scène.
*
Hamburger à Christian. — Quelle est la chose qu'un
bossu envie le plus à la terre ?
— Christian. — Tu m'ennuies.
Hamburger, impitoyable. — C'est de recevoir, comme elle,
un coup qui lui aplatisse les pôles.
*
Un vieux baron qui protège une charmante enfant de la
Gaîté, vient chez elle hier matin, à onze heures.
En arrivant, il voit un jeune homme sortir de chez l'in-
génue.
11 entre furieux.
— Annette!., dit-il à la bonne, quelqu'un est venu ici ce
matin.
— Non, monsieur.
— Tu mens.., j'en suis sûr.
— Je vous jure, monsieur, qu'avant vous il n'est venu per-
sonne aujourd'hui.
— Mais puisque je viens, à l'instant, de voir sortir un jeune
homme!...
— Oui, monsieur, mais... il était entré hier soir.