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l’école des beaux-arts.
saire pour achever un tableau destiné à l’église des Frères.
Ses figures, plus grandes que nature, pleines de force et de
vie, charmèrent d’abord peu les amateurs vénitiens, habitués
à la peinture un peu sèche des frères Bellini ; toutefois, la
première surprise.passée, on rendit pleine justice à ce chef-
d’œuvre; le Titien fut cité comme le premier peintre de
Venise, et ce fut à qui pourrait occuper son pinceau.
Mais le Titien voulait voyager ; il promit de revenir bientôt
et se rendit d’abord à Vicence. Les Vicentins lui demandèrent
de décorer la salle d’audience du palais de justice de leur
ville, et le Titien, libre de choisir son sujet, y peignit le
Jugement de Salomon. Il n’y eut qu’un cri d’admiration dans
la foule, quand ce beau tableau fut livré aux regards du pu-
blic, et l’on voulut retenir le grand artiste ; mais toutes les
instances furent inutiles.
Il partit pour Padoue et y représenta l’histoire de saint
Antoine, patron de cette ville, en trois belles fresques, que
l’école de Saint-Antoine de Padoue conserve précieusement,
et que plusieurs peintres célèbres ont copiées à différentes
époques. Les Padouans n’avaient jamais rien vu de compa-
rable à ces fresques, et ils supplièrent tellement le Titien de
ne pas s’éloigner sans leur laisser encore quelques tableaux,
que le grand peintre se laissa séduire et prolongea jus-
qu’en 1511 son séjour dans cette hospitalière cité.
Giorgione, resté à Venise après le départ du Titien, fit,
entre autres ouvrages, un Christ portant sa croix, magnifique
tableau dans lequel on remarque surtout la figure d’un juif
hâtant brutalement la marche du Sauveur.
La réputation de Giorgione n’avSit subi aucun échec. Si la
supériorité du Titien n’était plus douteuse pour un certain
nombre d’amateurs, le mérite de son ancien ami n’en était
pas moins incontestable, et les commandes lui arrivaient de
toutes parts. Mais que lui importait la richesse? que lui im-
portait la gloire? Il avait perdu tout ce qui faisait le charme
de sa vie : la certitude de l’emporter sur tous ses rivaux et
l’école des beaux-arts.
saire pour achever un tableau destiné à l’église des Frères.
Ses figures, plus grandes que nature, pleines de force et de
vie, charmèrent d’abord peu les amateurs vénitiens, habitués
à la peinture un peu sèche des frères Bellini ; toutefois, la
première surprise.passée, on rendit pleine justice à ce chef-
d’œuvre; le Titien fut cité comme le premier peintre de
Venise, et ce fut à qui pourrait occuper son pinceau.
Mais le Titien voulait voyager ; il promit de revenir bientôt
et se rendit d’abord à Vicence. Les Vicentins lui demandèrent
de décorer la salle d’audience du palais de justice de leur
ville, et le Titien, libre de choisir son sujet, y peignit le
Jugement de Salomon. Il n’y eut qu’un cri d’admiration dans
la foule, quand ce beau tableau fut livré aux regards du pu-
blic, et l’on voulut retenir le grand artiste ; mais toutes les
instances furent inutiles.
Il partit pour Padoue et y représenta l’histoire de saint
Antoine, patron de cette ville, en trois belles fresques, que
l’école de Saint-Antoine de Padoue conserve précieusement,
et que plusieurs peintres célèbres ont copiées à différentes
époques. Les Padouans n’avaient jamais rien vu de compa-
rable à ces fresques, et ils supplièrent tellement le Titien de
ne pas s’éloigner sans leur laisser encore quelques tableaux,
que le grand peintre se laissa séduire et prolongea jus-
qu’en 1511 son séjour dans cette hospitalière cité.
Giorgione, resté à Venise après le départ du Titien, fit,
entre autres ouvrages, un Christ portant sa croix, magnifique
tableau dans lequel on remarque surtout la figure d’un juif
hâtant brutalement la marche du Sauveur.
La réputation de Giorgione n’avSit subi aucun échec. Si la
supériorité du Titien n’était plus douteuse pour un certain
nombre d’amateurs, le mérite de son ancien ami n’en était
pas moins incontestable, et les commandes lui arrivaient de
toutes parts. Mais que lui importait la richesse? que lui im-
portait la gloire? Il avait perdu tout ce qui faisait le charme
de sa vie : la certitude de l’emporter sur tous ses rivaux et