LES INDES
I
Al'heure où les peuples de la Méditerranée orientale ouvraient
l'histoire, l'Inde aussi commençait à vivre d'une vie morale
supérieure. Mais la rumeur des hymnes védiques, plus anciens
de mille ou deux mille ans, peut-être, que les épopées de la Grèce,
monte seule de la confusion du passé. Pas un seul poème de pierre,
sauf quelques monuments mégalithiques dont on ne connaît pas
l'ancienneté, n'est là pour dévoiler le mystère de l'âme indienne avant
le seuil du Moyen Age occidental dont elle paraît d'abord plus voisine
que des civilisations antiques.
C'est que les tribus de l'Iran, quand elles avaient quitté les hauts
plateaux pour descendre le long des fleuves, vers l'horizon des grandes
plaines, ne rencontraient pas partout le même sol, les mêmes arbres,
les mêmes eaux, les mêmes ciels. Les unes s'étaient trouvées aux prises
avec l'unité du désert, source des absolus métaphysiques. D'autres peu-
plaient des contrées d'étendue moyenne, de végétation clairsemée, de
formes nettes qui les entraînaient vers l'observation objective et la
volonté de faire fleurir dans l'esprit les forces équilibrées qui font
l'univers harmonieux. Les Iraniens qui avaient suivi la vallée du Gange
durent se laisser aller d'abord à l'ivresse des sens. Gardant encore en
eux le silence et la fraîcheur des cimes, ils s'enfonçaient sans transition
dans un monde écrasant d'ardeur et de fécondité.
Jamais, en aucun point du globe, l'homme ne s'était trouvé en pré-
sence d'une nature aussi généreuse et aussi féroce à la fois. La mort
et la vie s'y imposent avec une telle violence qu'il était forcé de les
subir comme elles se présentaient. Pour échapper aux saisons mortes,
— 19 —
I
Al'heure où les peuples de la Méditerranée orientale ouvraient
l'histoire, l'Inde aussi commençait à vivre d'une vie morale
supérieure. Mais la rumeur des hymnes védiques, plus anciens
de mille ou deux mille ans, peut-être, que les épopées de la Grèce,
monte seule de la confusion du passé. Pas un seul poème de pierre,
sauf quelques monuments mégalithiques dont on ne connaît pas
l'ancienneté, n'est là pour dévoiler le mystère de l'âme indienne avant
le seuil du Moyen Age occidental dont elle paraît d'abord plus voisine
que des civilisations antiques.
C'est que les tribus de l'Iran, quand elles avaient quitté les hauts
plateaux pour descendre le long des fleuves, vers l'horizon des grandes
plaines, ne rencontraient pas partout le même sol, les mêmes arbres,
les mêmes eaux, les mêmes ciels. Les unes s'étaient trouvées aux prises
avec l'unité du désert, source des absolus métaphysiques. D'autres peu-
plaient des contrées d'étendue moyenne, de végétation clairsemée, de
formes nettes qui les entraînaient vers l'observation objective et la
volonté de faire fleurir dans l'esprit les forces équilibrées qui font
l'univers harmonieux. Les Iraniens qui avaient suivi la vallée du Gange
durent se laisser aller d'abord à l'ivresse des sens. Gardant encore en
eux le silence et la fraîcheur des cimes, ils s'enfonçaient sans transition
dans un monde écrasant d'ardeur et de fécondité.
Jamais, en aucun point du globe, l'homme ne s'était trouvé en pré-
sence d'une nature aussi généreuse et aussi féroce à la fois. La mort
et la vie s'y imposent avec une telle violence qu'il était forcé de les
subir comme elles se présentaient. Pour échapper aux saisons mortes,
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