BYZANCE
Byzance a prolongé le monde antique jusqu'à la fin du Moyen
Age. Comme elle gardait les portes de deux continents et de
deux mers, au centre du remous des civilisations déchues, elle
nourrit de ses lentes agonies sa vie violente et trouble. Elle défendit
mille ans contre les inondations humaines qui venaient du Nord, de
l'Est, de l'Ouest, l'esprit légalitaire de Rome, les habitudes de négoce,
de politique et de spéculation des Grecs, le luxe cruel des monarchies
d'Orient.
Le culte de la sagesse, sans doute, ne se fût pas senti très à son aise
sous la coupole de Sainte-Sophie, Athènes n'eût pas reconnu, dans
les idoles raides qui décoraient l'église, la liberté de son naturalisme
religieux, ni son respect de la forme vivante dans les mutilations
atroces que la justice byzantine infligeait aux condamnés. Le réalisme
intransigeant de l'Assyrie eût trouvé fades les images des livres de
prière, et les rois ninivites n'eussent pas compris les révolutions
d'hippodrome, les coups d'états d'antichambre et d'alcôve où la
pourpre de l'Empire se teignait d'un sang toujours frais. La Rome
de la république n'eût pas reconnu ses légionnaires dans ces gras
soldats cuirassés d'or, elle n'eût pas toléré le recul incessant de la loi
devant le caprice impérial ou les intrigues des eunuques. Pourtant, sous
la fermentation des vices, l'orgie des jeux, les cris des massacrés,
l'autocratisme convulsif obligé d'obéir aux ordres de la populace,
c'était la loi de Rome, l'opulence de Babylone, la curiosité d'Athènes,
et le seul foyer lumineux au centre de la nuit.
9*
Byzance a prolongé le monde antique jusqu'à la fin du Moyen
Age. Comme elle gardait les portes de deux continents et de
deux mers, au centre du remous des civilisations déchues, elle
nourrit de ses lentes agonies sa vie violente et trouble. Elle défendit
mille ans contre les inondations humaines qui venaient du Nord, de
l'Est, de l'Ouest, l'esprit légalitaire de Rome, les habitudes de négoce,
de politique et de spéculation des Grecs, le luxe cruel des monarchies
d'Orient.
Le culte de la sagesse, sans doute, ne se fût pas senti très à son aise
sous la coupole de Sainte-Sophie, Athènes n'eût pas reconnu, dans
les idoles raides qui décoraient l'église, la liberté de son naturalisme
religieux, ni son respect de la forme vivante dans les mutilations
atroces que la justice byzantine infligeait aux condamnés. Le réalisme
intransigeant de l'Assyrie eût trouvé fades les images des livres de
prière, et les rois ninivites n'eussent pas compris les révolutions
d'hippodrome, les coups d'états d'antichambre et d'alcôve où la
pourpre de l'Empire se teignait d'un sang toujours frais. La Rome
de la république n'eût pas reconnu ses légionnaires dans ces gras
soldats cuirassés d'or, elle n'eût pas toléré le recul incessant de la loi
devant le caprice impérial ou les intrigues des eunuques. Pourtant, sous
la fermentation des vices, l'orgie des jeux, les cris des massacrés,
l'autocratisme convulsif obligé d'obéir aux ordres de la populace,
c'était la loi de Rome, l'opulence de Babylone, la curiosité d'Athènes,
et le seul foyer lumineux au centre de la nuit.
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