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Faure, Élie
Histoire de l'art ([Band 3]): L'art renaissant — Paris: Librarie Plon, 1948

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https://doi.org/10.11588/diglit.71102#0048
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monde naissant dont il n'avait jamais soupçonné l'existence. Chez
Andrea del Castagno, chez Uccello surtout, l'influence de Mosaccio
est évidente, bien que le premier en marque peut-être involontairement
la trace sous son formidable dessin, ciseau d'acier qui tranche de
grandes formes en plans abrupts. On dirait qu'il sculpte le mur, et
que par là, au lieu de les environner d'espace, il les porte au-devant
de lui, qu'elles le concentrent en elles, ainsi que fait de la lumière le
diamant taillé, maisque pourtant les partis pris de Masaccio le hantent :
dans la Déposition par exemple, c'est peut-être son souvenir qui lui
permet de dominer la force de sa main pour entourer le héros mort
d'une énergique tendresse où les volumes se pénètrent au lieu de se
couper, où la demi-teinte apparaît, permettant aux surfaces expres-
sives de surgir avec plus de douceur et d'intérioriser le drame. Quant
à Uccello, il est bien évident qu'il avait déjà entrepris ses travaux sur
la perspective avant d'étudier Masaccio. Mais il est sûr aussi que
cette œuvre l'aida sinon à en trouver les lois, du moins à pénétrer
l'humanité solide, plastique, stable de forme, animée d'une action
réelle, incertainement définie, les espaces inattendus qu'elles ouvraient
à la peinture dans la ville enfiévrée où pointait ce nouveau mystère,
l'enfoncement de ces fantômes dans la profondeur des murs. Fan-
tômes en effet, non seulement pour ses contemporains mais pour nous-
mêmes, car la perspective balbutiait encore, elle établissait péniblement
ses lignes de fuite, et les formes à peine équarries par le génie de
Masaccio titubaient là dedans, encombraient la composition qui
d'autres fois paraissait vide, ou la traversaient comme des géants
encore mal éveillés. C'est l'effet que produisent les fresques poignantes
de Florence et d'Urbin et les tableaux de bataille, apparitions hallu-
cinantes où la forme s'essaie à des rapports géométriques, décuplant
sa force créatrice par sa simplicité.
Cette volonté d'aboutir paraît sublime, dès qu'on a bien compris
que le grand siècle florentin, qui ne croyait plus, souffrit de ne pas
savoir si la foi délaissée lui était encore permise ou s'il devait chercher,
dans la connaissance du vieux monde et de la nature vivante vers qui
l'entraînait son instinct, les éléments d'une autre foi. Ayant faim et
soif de connaître, il eut de grands éclairs de joie sur un fond de désespoir,
il fut violent et pitoyable, criminel et ascétique, anarchique et créa-
teur. Il chercha en vain, entre le sens nouveau qu'il prenait de la vie
et la raison vacillante qu'avait libérée en lui la mort de l'esprit médiéval,
un accord qui ne s'ébaucha que chez quelques hommes pour aboutir
pleinement plus tard, hors de lui-même et des lieux qui l'avaient vu
lutter et se débattre entre ses souvenirs et ses pressentiments.
Ce n'est pas tout. Quand la tragédie éclatait dans la profondeur

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