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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0119
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Là où l'homme, au contraire, s'installe au centre des
champs cultivés comme une araignée dans sa toile, l'indus-
trie de l'habitation, puis du ménage, puis du loisir se déve-
loppe, déposant sur ses facultés primitives, comme une allu-
vion régulière, l'obstination de besoins monotones qui, bien
qu'élargis et compliqués sans cesse, gardent le caractère
commun dont chaque jour se nourrissent son regard, ses
sensations, son âme, et les tissus vivants qui leur fournissent
le feu. Le travail, l'aliment, la manière de se vêtir impriment
à son énergie créatrice, par leur action séculaire sur ses gestes
quotidiens, une direction tyrannique. Le cultivateur de la
Chine, vivant de riz, de fruits, de racines, de poisson n'est-il
pas tout entier dans son art lent, égal, sans violences convul-
sives, ces grandes statues calmes comme des tours, conçues,
réalisées sans hâte, ces peintures exprimant, dans leurs
harmonies effacées, des états d'âme prolongés où la sérénité
et la sagesse dominent, ces paysages tranquilles où il n'est
question que de la rosée dans l'aurore, du coucher de la lune
sur les rizières endormies, du murmure des ruisseaux autour
des villages muets ? N'y a-t-il pas quelque chose d'ana-
logue dans l'art des Égyptiens, nourris de froment et de
dattes, art germant du milieu des blés, à proximité des
fermes, durant aussi trente ou quarante siècles et ne se las-
sant pas de bercer, entre des cadres immobiles, ses sûres et
monotones abstractions? D'autre part n'est-ce pas la viande,
n'est-ce pas le vin et l'alcool, en décuplant, mais en usant
aussi la puissance nerveuse de l'Européen, qui ont contribué
à marquer sa poésie, sa sculpture, sa peinture du caractère
dramatique qu'on retrouve en toutes ses entreprises si
grandes, mais si inutiles au regard des Orientaux?
Cependant, le contraste entre ces deux impératifs maté-
riels et les deux âmes si tranchées qui y correspondent, serait
beaucoup moins accusé si l'influence des travaux n'était venue
renforcer l'action immémoriale de l'aliment. L'aliment ne
diffère pas assez chez ces deux peuples d'Occident — l'Égyp-
tien et le Grec — ni chez ces deux peuples d'Orient — le
Chinois et le Japonais — d'autre part si proches l'un de
l'autre par la race et l'habitat, pour qu'on soit tenté de lui

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