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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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2" Année. — N* 183. PRIX . 5 CENTIMES CKulcvillc, le 1" Mai 1916.

Gazette des Ardennes

« JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE

On s'abonne dans tous les bureaux tle poste

fondes. L'ennemi ne put reconquérir un seul pied du
terrain perdu.

Nos dirigeables attaquèrent les installations de
chemin de fer près de Wendcn et sur la ligne de Duna-
bourg à Rjezyca.

Théâtre de la guerre aux Balkans.

La situation est saus changement.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Paria, Si avril 1916, loir
En Belgique, activité do notre artillerie dans les secteurs
de Wealende et de Steenslraele.

En Argonnc, nous avons exécuté des tira de concentra-
tion sur la région de Mulancourt.

A l'ouest de la Meuse, l'ennemi & bombardé violemment
au cours de l'après-midi nos positions de la région du Mort.
Honuue.

A rut de la Meuse el en Wofvfftj activité intermittente
de l'artillerie.

Rien ù signaler sur le reste du Iront.

La guerre aérienne. Dans la auit du 23 au 2t avril, nos esca-
drilles ont effectue plusieurs opérations de bouiburdcmenl. .

21 obus et 8 bombes incendiaires ont été lances sur la gaie ds
Loûguyon, 5 obus sur la gare de Slenav, 12 obus sur les bivouac»
k l'est de Dun, 32 obus sur des bivouacs do la région Montfaucon
• t sur la gare do Nanlillois.

Paris, 25 avril 1916, 3 heures.
A l'ouest de la Meuse, hier, en fln de journée, après un
violent bombardement, les Allemands ont attaqué à plu-
«leurs reprises nos nouvelles positions de la région du Mort-
Homme. Les deux premières tentatives ayant complètement
échoué, l'ennemi lança une dernière attaque ave*» emploi
intensif de liquides enflammés. Arrêtés par nos tirs de
barrage et nos feux d'infanterie, les Allemands ont été con-
traints de rentrer dans leurs lignes avec des pertes impor-
tantes.

Intense activité d'artillerie dans la région d'Avocourt.
Au cours de la nuit, l'ennemi a tenté sari3 résultat fl'enlever
les postes avancés du réduit d'Avocourt.

A l'est de la Meuse, bombardement assez vu* de nos
premières et deuxièmes lignes.

En forêt d'Apremont, lutle a coups de grenades.

En Lorraine, noua avons dispersé une forte reconnais-
sance ennemi qui tentait d'aborder un de nos petits postes
à l'est de Neuvlller,

! La guerre aérienne. Ce mntin, un avion allemand s jetc six
bombes sur Dunkcrque ; une femme a été tuée, trois hommes

bleuis ; les dégâts matériels sont insignifiants.

« JUSTE RÉPARTITION »

Jf Sous ce litre, la a Bataille » vient de publier l'article sui-
vant qui fini écho aux appels qui: MM. Ilumbcrt el Clcmcn-
beuu adressent aux alliés de la France :

k La guerre est une terrible mangeuse d'bomines cl nous
lie sommes pas les seuls à en faire la douloureuse expé-
rience. L'Angleterre, dont l'effort dans le sens de la cons-
cription-générale ne saurait être contesté, est amenée i re-
connaître que la lai votîe le a5 janvier dernier n'a pas
donné le résultat que ses auteurs en attendaient à l'origine.

« On mit que cette loi établissait l'obligation du service
militaire pour les célibataires de dix-huit a quarante et un
ans et qu'elle prévoyait des exemptions a des titres divers.
Le surnombre de tes exemptions d'une port, les vides quo-
tidiennement creusés dans les rangs des unités de combat
d'autre part ont conduit le gouvernement anglais ù vouloir
élargir le système actuel de recrutement, a l'assouplir aux
circonstances.

(i Le problème posé à l'attention des pouvoirs publics
d'outre-Manche n'intéresse pas que les Anglais. L'unité d'aci
lion de» Alliés a été assez solennellement affirmée par les
chefs de gouvernement des pays en lutte avec l'Austro-Alle-
magne, pour qu'il ne soit pas superflu de dire que tout ce
qui contribuera à renforcer le pouvoir offensif de l'un des
associes de l'Entente suia accueilli avec satisfaction par l'En-
tente tout entière. Les Anglais le savent.,11s savent aussi ce
que la coalition anligcrumnique doit a la France. Leur par-,
faite connaissance de la situation nous épargnera même la

peine d'écrire ici des vérités que nous trouvons sous leur
plume et que nous reproduisons volontiers. Le « Daily Mail *
imprime en effet :

« L'effort a été terrible el il n'est pas étonnant que les
Français commencent à se demander s'ils ne supportent pas
un fardeau exagéré. Ils regardent la carte et voient que
après vingt mois d'une terrible guerre, la ligne qui, des
Alpes a la nier protège l'Angleterre autant que la France, est
encore gardée en majeure partie par des baïonnettes Jran~
çaises. Même aujourd'hui, nous défendons moins d'un quart
de cette ligne.

u Le» Français peuvent trouver cette situation difficile
à comprendre et, en vérité, il nous est difficile à nous-mêmes
de l'expliquer.

« Noua disposons de forces considérables, mais il nous
paraît qu'elles pourraient être mieux employées. Il nous
semble, par exemple, qu'il y a beaucoup plu» de soldats dans
Us Iles Britanniques mêmes qu'il n'est nécessaire pour les
garder contre une improbable éventualité d'invasion.

a Nous ne comprenons pus pourquoi la grande majorité
d'entre eux n'est pas en France. Ajoutons qu'il n'est pas juste
que soixante millions d'Anglais échappent aussi facilement
aux ravages d'une guerre dont la France souffre dans cha-
cune de ses fibres, a

Le « Daily Mail » est un journal du trust Norlhcliffe, qui
représente le militarisme anglais. Il n'est donc nullement
étonnant qu'il parle comme il le fait. Nais nous avons dit
et nous répétons que le problème n'est pas si facile a ré-
soudre. L'Angleterre n'a d'ailleurs pas coutume de se laisser
prescrire quoi que ce soit par ses a Alliés », qui sont tou-
jours plus ou moins ses yqssbux.

La sévère réponse que l'un des plus grands journaux an-
glais, le a Manchester Guardian n vient d'adresser a M. Cle-
menceau, en fait preuve. Ce journal constate que les arti-
cfes du directeur de 1' « Homme Enchaîné », qui prétend
dicter son devoir au peuple anglais ont causé en Angleterre
un certain ahurissement. Et il ajoute, en Bubstonce, ce qui
suit :

Jamui» un Anglais du rang de Clemenceau n'a osé par-
ier de ta France en ces termes ! Pendant ta guerre on s'est
abstenu, en Angleterre, de laute critique à l'adresse des gou-
vernemenls français et russe. Et cela non pas parce qu'on
n'avait aucune raison de (es critiquer, mais parce que te sens
politique et les bonnes moeurs marquent certaines limites l
C'est ainsi que l'Angleterre s'est gardée de toute critique à
l'adresse de la flotte française. Clemenceau ferait bien de se
demander s'il a intérêt à critiquer ainsi les méthodes an-
glaises. L'Angleterre n'a-t-elle pas rempli tous ses engage-,
ments précis (j) envers la France ? L'Angleterre ne le re«
greffe pas, mais elle entend choisir son chemin propre.

Ainsi parle l'un des plus grands journaux auglais. Lu
lecteurs de la u Gazette des Ardennes » ne s'en étonneront
pas. Nous avons dit assez souvent que la situation militaire
de la Quadruple-Entente est arrivée au pofnt où chacun des
Alliés juge bon de songer a lui-même avant tout. C'est la
seule « répartition juste » qui tienne devant les nécessités de
l'heure. Pour l'Angleterre cela reste, d'ailleurs, dans se*
habitudes, et il faudrait être doublement naïf pour avoir pu
croire un seul instant qu'il en serait autrement.

Si les gouvernants de Paris ont oublié de songer à ta
France, en entrant dans cette guerre que personne ne leur
imposait, et en poussant aveuglément les sacrifices français
jusqu'à l'extrême limite, c'est à eux-mêmes qu'ils devront
a'en prendre en première ligne.

NOUVELLES DIVERSES

Monaco s'en mêle.
m Paris, 2û avril 1918.

Les journaux publient la dépêche suivante du prince
Albert de Monaco à M. Wilson ;

r Comme souverain, navigateur el savant j'adhère à ta
protestation que vous formulez dans un grand sentiment de
dignité humaine contre les offenses infligées par les armées
allemandes au droit des neutres, à l'honneur des marins et

à la conscience publique. »

PAROLES ET ACTION

Agir I — C'est le mot d'ordre, le cri du jour que
noua retrouvons sans cesse, dans ces derniers temps,
dans les colonne» des grands journaux de France.'
Dans une des dernières séances, M. Yiollctte le jetait
à la Chambre ;

«Il faut qu'il soit bien entendu qu'il s'agit dè-dresser
des actes, car nous ne pouvons plus nous contenter
d'intentions. »

De même les sénateurs Bérengcr, Humbcrt et Cle-
menceau ne cessent de le crier au gouvernement, et il
•st évident que c'est la le grand, l'unique désir qui
domina toute la oonférenee des Alliés à Paris. C'est
pourquoi la directeur de 1' « Homme Enchaîné » ré-
clame aujourd'hui, avec plus d'insistance que jamais,
a des résultats ».

Pour la plupart des journalistes boulcvardiers, ce
dernier mot d'ordre n'est évidemment qu'une phrase
comme toutes celles dont ils se leurrent depuis vingt
mois. Certaines voix pourtant ont un accent plus
aérieux. Cest le cas des articles que le commandant
G. Mada a publiés dans la n Revue » et dont nous avons
reproduits ici-même (voir au N° i5S de la a Gazette»)
des passages essentiels.

D'un nouvel article du même auteur la censure n'a
laissé subsister que de courts fragments que reproduit
1* « Humanité » du 9 avril, et auxquels nous emprun-
tons le passage principal. Après avoir parlé sans
doute, dans la partie supprimé par la censure, de
1'« inaction militaire » des Alliés, le commandant
Mada continue :

ii Du côté économique, l'inaction des Alliés n'est
pas moindre. Affamer l'Allemagne était le programme
minimum que nos flottes devaient réaliser avec un
blocus sévère de la mer du Nord. Pendant des mois et
des mois, les journaux publièrent des articles sur le
sujet avec dea titres de plus en plus gros : « Les Effets
du Blocus !....- » k La Famine en Allemagne ! », et le
bon public ne douta plus qu'il n'y avait u qu'à durer »
pour que l'ennemi consentît enfin à implorer la paix
que nous voudrions bien lui accorder J. .. .

Loin que les déclarations au Reichstag des Helfferich
et Bethmann-Hollweg (cependant parfaitement logi-
ques et, d'ailleurs, vérifiables en fonction des faits)
fussent des avertissements dont il nous fallait profiter,
On se contentera d'en lire 1

Quand le ch-'i -'Hier affirmait « qu'un paya belligé-
rant dont les ïro... ..es s'étendent depuis Airas jusqu en
Mésopotamie ne pouvait être à la merci do la famine »,
la presse des Alliés*persista dans ses affirmations inex-
actes et dangereuses. ...

La Censure, toujours prêle à supprimer ce qui au-
rait suscité de notre part des sursauts d'énergie et des
puissances de volonté, assista, impassible,* cette défor-
mation des faits qui' faussait le jugement de ceux qui
n'avaient que la presse pour se renseigner.

Aussi, aujourd'hui, quel réveil avec les résultais de
n'enquête entreprise par le u Daily Mail m !

On avoue tranquillement que le blocus n'a servi à
rien.

« Les statistiques du commerce d'exportation qui
vienn>-nt d'être publiées montrent d'une façon indis-
cutable que le blocus de l'Allemagne par les Alliés n'a
été qu'un* vain mot et jusqu'à quel point leur maîtrise
des mers a été annihilée », écrit l'un de nos plus grands
quotidiens français. . . .

Comment ne pat> yoir que notre peuple de France
fujmorti une ebarge effroyable de souffrances et de
sacrifices ? Personne n'en doute, évidemment, maïs

rCUU LGTON DE LA tCAZETJB DBa ARDENNES* 10

LA GUERRE FATALE

# Par le Capitaine DANRIT

Louis Dhtirr lisait des journaux lorsque le mousse
l'aborda , il mont- aussitôt dans sa chambre pour y quitter
n jamai I attiiail de. grime qu'il avait pris depuis son retour
en Franci sa rorruque noire et sa longue barbe ; il fit dis-
Mtstlrc psi un lavage énergique, le ton bistré qu'il avait
ponué .1 son visage et a ses mains et, ainsi transformé,
-prenunt sous son tins la serviette de cuir qui contenait le
jtt» Kt des sous-rnarms, il descendit retrouver le mousse.

II élait lajeum de dix ans et absolument méconnaissable.

— Je wua suis, dit-il brièvement.

L an ahuri de Papillon et l'étonnement du personnel de
l'hôtel, m voyant apparaître un tout jeune homme «a la
place du toonsieiU d'âge mûr 11 de tout à l'heure, eût amusé
Louis bilan <-n touU autre circonstance, mais limitant était
^'idic pour lui ; il était redevenu l'officier déserteur que les
Camarades d'autrefois, que des soldats libéréa pouvaient
recourut Ire et ù qui tout gendarme devait nicttxo U main
su collet , aus£i ce fut d'un pas rapide et fébrile qu'il
MtTàlaa plutôt qu'il ne suivit l'enfant jusqu'au Grand-
110:i I de Paris, ou l'attendait Henri d'Argonne.
Le mousse monta quatre à quatre les escaliers.
-- Si veut saviez, commandant, quel drôle d'homme 1 U
(Lait tout noir, tout barbu quand je l'ai trouvé pour lui
remclre votre lettre, et le voila maintenant tout blond,
a'«c une petite moustache, et 81 pile qu'on dirait qu'il vient
di. faire un mauvais coup. Méfiez-vous bien, surtout, corn-
et andautI

Tris intrigué depuis qui! avait reçu la photographie
atr-destOuj de laquelle il avait lu le nom de Maud, l'officier
d'.' rnariife avait encore en main la loupe avec laquelle U
Examinait de plua près la fine silhouette se détachant au
soin met du belvédère de Hope'a Villa.

Il avait d'abord cru a une mystification, mais l'examen
\uquel il venait de te livrer ne lui laissait aucun doute ;

il ne faudrait pas que la passivité héroïque dont nous
sommes si fiera constituât pour noire gouvernement
le mol oreiller où s'endormir. Les mors les plus calmes
ont des lames de fond que les vieux marins redoutent
à l'égal des tempêtes du.large....»

Ce sévère réquisitoire à l'adresse du gouvernement
français, de sa censure et do sa presse, se termine par
un appel énergique a l'action. Le commandant Mada
est un patriote persuadé et persuasif. Mais U est pro-
bable que ce qui a manqué jusqu'ici, pour déclanchcr
1' a action », ce n'étaient pas les appels et les cris
d'alarme. Il est bien rare, dans la vie que des paroles
se changent en action. La force active est silencieuse*
C'est de la profondeur môme des énergies vitales que
naît l'action. Elle est une force é/t[nienfatre, ou elle
n'est pas !

Partout où cette force existait en nature, elle n'a
pas attendu vingt mois pour ee manifester. Les résul-
tats acquis par les Puissances centrales et leurs ar-
mées sont là pour en témoigner. Croit-on vraiment que
celte force s'endormira soudain dans le bras qui en a
fait preuve jusqu'ici, pour naître ailleurs, par quelque
miracle de rhétorique ou grâce a quelques articles de
politiciens-journalistes ?

Un auteur français, M. Camille de Bourcct, semble
avoir fort bien compris ces vérités élémentaires. Dans
un* article au » Nouveiiiste de Bordeaux », cité par
1" it i4c(ton Française » du ig mars, il écrivait ces lignes
clairvoyantes :

« il est profondemetil ridicule de voir tous ces gens
de la politique parler de vouloir et l'agir. Cela n'a
jamais suffi quoique ce soit nécessaire. Après Sedan,
on a uoufu agir, mais cette excellente intention n'a
jamais comble les lacunes fondamentales qui relèvent
de l'ignorance....»

Les « lacunes qui relèvent de l'ignorance » I Duns
ces .quelques mois ti;-nt lout le mystère des échecs
alliés, à comincnei 1 |iai cello politique do rancune
chauvine et de inereuiiliiiainc jftioux, qui croyait pou-
voir étrangler la saine et vigoureuse vitalité d'un peu-
ple jeune et laborieux.

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Uratid QuailR ! g. lu-rai, 39 aviil 19IÛ.
1liedlre de lu guerre a l'Ouest,

Sur le front entre le canal de La Bassée et Arras
lutte de maies vive et continue, riche en suec-'s pour
nous. Dans la contrée de Givencliy-eit-Gohellc nous
avons fait de nutnciux progrès et repoussé, avec des
pertes sanglantes pour l'ennemi, deux fortes contre-
attaques anglaises à la grenade.

Dans la région de la Meuse, deo coiilie-puusàées
françaises à la hauteur du u Mort-Horanic n et plus à
l'Est échouèrent 4 nouveau.

Nos canons spéciaux abattirent au sud de Moron-
villiers (en Champagne) un biplan français; Ica avia-
teurs sont morls. Aii'sud de Vaux le lieutenant Boclcke
abattit son 1.^°* avion ennemi.

Théâtre de là guerre à VÊtit,
Au sud du lac de Narocz nos troupes entreprirent
hier une poussée, en vue d'améliorer encore les
positions d'observation reprises le 36 mars. Au delà
des tranchées occupées par nous avant le 20 mars, les
positions russes entre Stanarocze et la ferme de
Stacowce furent enlevées. 5600 prisonniers avec 66 offi-
ciers, dont i officiera d'état-major, un canon et 2S mi-
traillcuaefi et 10 lince-bombes sont tombés entre nos
mains. Les Busses subirent, en outre, de lourdes pertes
sanglantes, qui s'accrurent encore lors d'une contre-
attaque nocturne qu'ils exécutèrent en masses pro-

e'était bien la pose mélancobque, la taille longue et mince,
le cou frêle et gracieux de Maud, et il n'était pas jusqu'au
nom de la villa : Villa de l'Espoir, qui n'augmentât celle
oertitude-

Qui donc pouvait lui apporter des nouvelles de l'adorée,
des nouvelles aussi précises et aussi récentes J •

Et comme l'officier de marine se posait pour lu dixième
fois la question relative à l'auteur de l'instantané qu'il
avait sous les yeux, Dbûrr entra et après avoir refermé la
porte s'arrêta sur le seuil, troublé, indécis.

Henri d'Argonne le reconnut aussitôt, car Louis Dbûrr
lui apparaissait ainsi tel qu'il l'avait vu pour la première
fois à la gare de Tunis, le ik mars.

— Commandant I je vous demande pardon 1

— Comment 1 vous, monsieur p

L'oflicier de manne s'était levé el d'un œil glacial toliall
le jeune homme, attendant qu'il parlât.

Un silence pesa quelques instants entre ces deux ho,rimes
qui avaient, sans s'être jamais parlé, tant de souvenirs
eouimuns.

— Commandant, je vous prie de m'excuser, je voudrais
vous demander quelques minutes d'entretien.

D'Argonne pensait à Bizeite, mais il pensait du«si à
Kingston, à Eva, au jardin : cet homme avait aidé ù les
sauver... il ne voulait pas l'interroger sur la phc4o«r»|ihie,
désireux de pénétrei auparavant l'énigme de cette OU mgc
personnalité.

Très froid, il répondit :

— Parlez, monsieur.

— Je sais ce que vous pouvez penser de moi, oë ili .111
daot, vous m'avez vu aux côtés de SfïiUh I... Je suis un
malheureux !

Debout, muet, d'Argonne écoulait ce commencemerri de
confession.

_Je vous sais un homme d'honneur.. J'ai un aven, un

aveu atrocement pénible i vous faire-., me perinetttr/-vous
de compter qu'il restera entre vous et mui ?

— Cela dépend, monsieur, de ce que vous avez à mu dire.

— Rien que de personnel, commandant, de strictement
personnel...

— Je ne consulte que ma conscience en pareille matière :
si elle ne me fait pas un devoir du révéler ce que- \0\1s avez
i m'apprendre, je n'«i aucune raison de romprjSun secret.

— Merci, commandant, j'ar confiance en voç... laissez-
moi parler sans m'interrompre, vous m'accableiçz après de

votre mépris, vous me mettrez a la porte si vous voulez,
mais d'abord écoutez-moi : l'aveu que j'ai à vous faire
m'étouffe... Je suis un officier félon |.„ J'ai déserté mon
drapeau et trahi mon pays !...

Il s'arrêta comme incapable d'aller plus loin, maïs faisant
un violent effort sur lui-même, il reprit d'une voix sourde,
comme s'il eût craint de s'entendre lui-même...

— Oui, je suis un déserteur, un traître, mais je n'en puis
plus, je n'en puis plus I... mon crime se dresse à toute
heure devant moi, mes yeux se sont ouverts : j'en voii
il'énormité 1... j'ai commencé à expier ; je veux... je veux
aller jusqu'au bout !.,. de grâce, écoutez-moi et ne me
repoussez point I...

lit lentement, les yeux à terre, a'interrompant souvent
avec une crispation de nerfs qui trahissait une souffrance
argué, il arracha l'un après l'autre, comme a'il les livrait k
un juge, tous ces souvenirs qui le tenaillaient : sans rien
. cacher, il étala sa vie tout entière.

Il raconta son enfance dressée au travail par l'exemple
palerncl — sou père était professeur dans un lycée do pro-
vinec, — r;i jeunesse souriant à tous les espoirs de la vie,
bc> premières années d'officier studieux, dévoué a sa tâche,
puis les entraînements, le jeu dans un cercle de cosmopo-
liles, Li chute Irréparable et finalement la fuite et les débuts
de la \ îe d'aventures.

Quand il en vint à la première rencontre d'Eva, il hésita
. après avoir prononcé son nom.

DWïyuuiic intervint :

— Parlez, monsieur..., je devine déjà bien des choses..;
Cl quoi que ^ous ayez fait, si vous vous repentez, je vous

■ p!a:iH., je vous plains sincèrement, comme je l'ai plainte
; êile-m&rfle ù sa duinière heure.

' n sanglot monta a la gorge de l'ancien officier : il com-
prenait ce qu'il y avait de sous-entendu dans cette phrase :
i homme qui la prononçait avait vu mourir la jeune fille,
. devinait quelle place elle avait tenue dans cette existence
dévovuu et buvait quel vide sa mort avait creusé dans ce
cuetii' meurtri.

La pensée que cet homme, qui le dominait de toute une
vie 3j113 tache, éprouvait poui le miseiaule qu'il était, autre
chose que du mépris, lui dilata le cceur et, avec un ûpre
yÀ besoin de parler d'elle, il poursuivit le lugubre récit.
1 U raconta comment il l'avait suivie, l'armant sans eapoir,
\ prêt à tout lui sacrifier, son honneur comme le reste ; il dit
] le serment qu'il lui avait fait de se relever, de sortir de

l'abîme, et comment, la sachant morte, il n'avait plus
qu'un but ; gagner la rébabibUtion qu'elle lui avait fait
entrevoir, et comme elle, la gagner dans la mort.

—■ Celte mort, fit-il, je viens voua demander de m'ofdef
à la trouver ; j'ai songé au suicide, mats il ue laverait rien ;
c'est la mort du soldat que je voudrais, la mort qui absout :
pour cela, faites que j'obtienne une place d'engagé volon-
taire dans un des corps de l'Armée d'Angtetecre, dans un
corps d'avant-garde si possible, et je n'aurai plus rien k
désirer.

— Vous engager, fit lentement l'officier de marine, mais
sous quel nom ?

Le jeune homme hésita :

— Je n'ai pas de nom, commandant, dit-il avec effort :
mon vrai nom, celui que je voudrais taire à jamais, per-
mettez-moi... pour mon père qui vit-encore et dont le seul
espoir est que je no reparaisse jamais, permettez-moi de ne
pas le prononcer : quant aux noms d'emprunt que j'ai
pris dans ma vie d'aventures, je veux les oublier pour tou-
jours ; mon nom, celui sous lequel je voudrais servir et..*
mourir, c'est... Paul Evain I

Le regard de l'officier de marine s'était détendu, sa voix
s'était adoucie : une profonde pitié s'était définitivement
emparée de lui, en écoutant ce douloureux récit, et le nom
même qu'il venait d'entendre lui semblait comme une
Inscription gravée sur une double tombe.

— Je comprends, fit-il après un instant de lèllexion :
vous voudriez que l'on passe pour vous sur la formalité de
l'acte de naissance...

— C'est cela, commandant.

— Je n'en vois pus le moyen, fit l'officier de marine..*
| c'est la pièce sine qud non dans un engagement, où il faut

avant tout prouver sa nationalité... excepté toutefois pour la
j Légion étrangère, où cette pièce est facultative.

— J'y ai songé ; mais la Légion étrangère...

— À moins que, poursuivit l'officier de marine comme
se parlant à lui-même, voua ne contractiez un engagement
pour la Légion... et qu'en raison de l'impossibilité recan-

I nue de rejoindre votre corps, qui est de l'autre côté de la
| Méditerranée, un commandant de Corps d'armée ne oon-
I sente à prononcer votre mise en subsistance dans un des
I corps stationnés ici... Oui, ce moyen tourne la difficulté..-
i et plus j'y songe, plua je le croia possible....

(A suivre.)
 
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