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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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fi' Année. — N* 236.

CharlevUle, le 2 Août 1916.

Gazette

JOUSNAL DES PATS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE

On s'abonne dans tons les bureaux de poste

L'Âge terre Jugée par
on Officier

Nos lecteurs ont trouvé dans le dernier numéro
de la « Gazette » l'épilogue politique que le capitaine
Danrit a ajouté à son roman militaire " La Guerre
fatale ». On sait que l'auteur est mort a la tête de ses
chaiseurs, devant Verdun, en défendant bravement sa
patrie. Noua ignorons quels furent, à la On de tel
jours, les sentiments du .lieutenant-colonel Driant à
l'égard des alliés anglais, aux côtés desquels la politique
de son pays l'obligeait de combattre. 11 est certain que
ces sentiments n'ont pas porté atteinte à'son patriotis-
me, qu'il scella de son sang.

Mais l'officier qui signait « capitaine Danrit » a
fait preuve, en écrivant son roman de guerre franco-
anglaise, d'une clairvoyance que les événements' ac-
tuels ne sauraient infirmer. L'alliance fatale que les
gouvernants français ont cru devoir conclure avec
l'Angleterre, ne change rien au fait que l'auteur de
la k Guerre fatale * avait de la politique britannique
une conception très nette, appuyée sur les leçons de
l'Histoire.

C'est cette Angleterre, nous a dit le capitaine Dan-
rit, qui a adopté la devise formulée par un de ses
hommes d'Etat :

« Tout prendre, ne rien rendre, toujours préten-
dre}» ____

Et plus loin : .

« Jupiter rend foui ceux qu'il veut perdre 1

r Jupiter, en la circonstance, c'était le Jupiter de-Danaé,
celui qui l'était changé en pluie d'or.

« C'était la soif de- l'or qui avait rendus foui les Anglais.

« Après dei siècles de libéralisme, l'Angleterre ivait re-
mis ses destinées à une ploutocratie avide et sans scrupules ;
■on aristocratie avait abdiqué sa fierté, ta grandeur, ton indé-
pendance antre les mains dc« manieurs d'argent ; sa démo-
cratie froidement indifférente à tout ce qui n'était pas sou
intérêt et son bien-être, n'avait plus d'idéal... ... »

Voilà la condamnation du mercantilisme anglais
qui, pour avoir choisi comme victime l'Allemagne au
lieu rie la France, n'en reste pas moins tel que l'a vu et
défini l'auteur de la « Guerre fatale ».

Nos lecteurs auront été frappés d'ailleurs .de l'exac-
titude de certaines prévisions qui se succèdent dans
lee pages de ce roman. Dans la premier chapitre, où
il nous a montré, assis à ion bureau, le chef de l'agence
internationalisa1'espionnage, cette officine centrale de
corruption qui l'abrite « sous le couvert menteur d'une
société d'assurance », l'auteur n'a-t il pas dévoilé en
quelques phrases l'organisation systématique de cette
propagande tendancieuse et mensongère qui a été,
depuis le premier jour de la présente guerre, l'arme la
plus perfide des adversaires de l'Allemagne ? Ecou-
lons-le :

« Devant le bureau, occupant toute la paroi de la mu-
raille et encadrée d'une moulure, de cuivre, une carte colos-
sale s'étalait, portant le titre de : *

a Electric communications 0/ Europe. »
« Des Iles Britanniques, comme du centre d'une toile
d'araignée, partaient dans toutes les directions des trames
rouges, rattachant ies royaumes, les républiques, les Iles et
les colonies au centre anglo-saxon, comme les ramifications
nerveuses relient les membres au cerveau directeur de tout
mouvement.

' u C'était l'affirmation matérielle de la supériorité de la
Grande-Bretagne, maîtresse de la transmission de la pensée
sur toute la surface du globe, u

Quant aux faits qui se sont produits depuis deux
ans, le capitaine Danrit en avait prévu quelques-uns
avec une remarquable clairvoyance. C'est ainsi qu'il

a posé en principe la nécessité de faire à l'Angleterre
une guerre navale sans merci, en utilisant contre elle
loutes les urmes que peut fournir la technique moder-
ne, et en première ligne le sous-marin, qu'il compare
pittoresquement au groin de sable providentiel qui tua
CiouivvelL

' A l'heure où la grande presse française joint son in-
dignation factice à la colère de la presse britannique
contre ce qu'elles appellent ln «piraterie» sous-marine,
il est bon de rappeler que l'officier patriote que fut le
capitaine Danrit appelait de tous ses vœux et jugeait
.rtaifaitemcnt légitime cette « piraterie », qui pour lui
n'était qu'une réplique 0 la tyrannie séculaire qu'exerce
lui la mer libre l'Impérialisme anglais.

Les exploits épiques des vaillants et agiles croi-
seurs allemands « Emdenf », « Karlsruhe », de la
t< Moewe » etc., qui administrèrent tant de camouflete

'"a la u reine des mers », Danrit les a prévus et glorifiés
à l'avance, tout en les attribuant à des croisçurs fran-
çais :

■ En juillet, les blés de l'Amérique du Sud s'étaient faits
de plus en plus rare; : il avait suffi pour cela de trois cru-
seuis français bien conduits, insaisissables grâce à leur
vitesse supérieure, le » Châteaurcnault », le « Câlinât », le
9 T ronde » ; ces' trois bâtiments croisant sur le trajet des
convois de la République Argentine et du Brésil, sur ces
vastes espaces de l'Atlantique où ils pouvaient prendre chasse
sans être acculés à aucune terre, auaitfnt à eux trois détruit
et coulé plus de i5o navires de commerce en Juin et juillet. »

- En dressant ce bilan, le capitaine Danrit ne laisse
percer aucune indignation. Tout au contraire, il juge
que ces coulages de navires de commerce sont de
bonne guerre.

La guerre coloniale a également été prévue par
l'auteur dans la forme qu'elle a prise depuis deux ans.
Battue en Europe, l'Angleterre prend sa revanche sur
les colonies lointaines de l'adversaire. Livrées à elles-
mêmes, celles-ci succombent, lans qu'il y «Lit là, pour
le conquérant, aucun titre de gloire. Laissons parler
Danrit : . ,

(i Pendant les cinq premiers mois de guerre, l'Angleterre
avait réussi dans sa mainmise sur les possessions françaises
des quatre parties du monder.....

k Dès le mois d'avril, les Anglais, qui se sûnt fait une 1
spécialité d'offrir aux autres ce qui ne leur appartient pas, 1
avaient engagé les Belges de l'Etat Libre à prendre ce qui
leur conviendrait du domaine colonial français, situé i
l'Ouest de l'Oubanghi ; nos bons voisins, dont le gouverne-
ment s'était maintes fois révélé comme hostile à la France,
furent asses mal inspirés pour se rendre à celte alléchante
invitation et s'annexèrent les territoires situés su Nord-Est
de la Sangha. La réunion de 1s Belgique à la République 4
française fut la réponse à cet acte de piraterie coloniale et
ce fut une assex plaisante histoire, au milieu du bouleverse-
ment mondial qui se produisit, que celle de ce petit royaume "
auquel en reprit le fruit de son larcin en l'annexant lui-
même avec ses colonies, a

Notons, en passant, que le principe des nationalité*
n'embarrasse guère le m nationaliste » qu'était le capi-
taine Danrit. U annexe sans hésiter la Belgique qui
s'est, rendue coupable d'accointances avec l'Angleterre.
On sait que ces accointances ont, en effet, existé, bien
que ious une autre forme, Danrit semble avoir vu
cependant les-fils subtils par lesquels la diplomatie an-
glaise s'était attaché le gouvernement belge. 1 *

Mais il y a, dans la « Guerre fatale », une page
particulièrement prophétique : celle où l'auteur prédit
l'insurrection de V « Irlande martyre'» contre la tyran-
nie britannique. Ces mêmei patriotei irlandais que la
presse parisienne traite aujourd'hui en traîtres et en
criminels, sont glorifiés comme des héros par la plume
de Danrit. Rappelons quelques phrases qu'il consacre
au réveil du patriotisme irlandais :

u L'Ile entière, à la voix de Maud Gonne et du député
Hemond, s'était soulevée.

k Des comités insurrectionnels avaient été élus a Lime-

rick, a Belfast........Ce* comités nvaient, de leur côté,

élu un Parlement natioual qui appela le peuple irlandais
aux armes, et le 39 juillet, les premières bandes h landaises
armées do vieux fusils, de faux, de pics et d'armes de tous *

modèles, entraient dans Dublin presque dégarni de tioupcs.

u La séparation de l'île sœur, s'eur martyre, était pro-
clamée et cette fois définitive........

u Mais...... lord Kitchener, récemment rentré en An-

gleterre, se chargea de réduire l'île par la terreur, comme
l'avait fait le général Lakc en 1796.

« Or, en matière de répression, Kilcbencr s'y connais-
sait.

« Le 3 sont, il débarquait a Cork et lançait sous le litre
de « New coercion Att » une proclamation des plus mena»
ça nies, enjoignant aux utlioupemeots de se dissoudre, bous
peine d'exécution militaire et interdisait a tout Irlandais le
droit de porter une arme, quelle qu'elle fût ; le 8 ooilt, lei
pendaisons et les fusillades commencèrent.

« Ce qui manquait aux patriotes révoltés, c'était précisé-
ment des amies et des munitions, car Ils avalent le nombre,
l'esprit de s Edifice cl surtout le courage du désespoir : ils
savaient que, s'ils étaient vaincus dans cette nouvelle lutte,
la froide cruauté de l'homme qui personnifiait mieux
qu'aucun autre l'égoïsme britannique, les ferait disparaître
comme nation, soit par le massacre méthodiquement orga-
nisé, soit par l'exil obligatoire........

(i Ils se rappelaient les terribles exécutions de «1798, les
incendies, les viols, les pillages de Gallois et des Hessois,
mercenaires à la solde de l'Angleterre, et plus lard la répres-
sion des tentatives des fenlans. Les nom» des patriotes pendus
h Manchester en 1867 : Allin, Larxin et O'Bricn, devinrent
les mots de ralliement des révoltés, et le magnifique chant
national du poète Sullivan, « God save Ireland », qui s'était
éteint depuis la mort de Pnrncll, retentit * nouveau dans l'île
martyre.........etc. »

* Ces événements imaginaires n'ont.-ils pas une très
grande ressemblance avec les faits tels qu'ils viennent
de se produire réellrmentP Celte ardente patriote irlan-
daise, la comtesse de Marlticvicr, n'est-ellc pas une au-
tre Maud Gonne?

Mais dans le roman du capitaine Danrit la France,
fidèle à ses sympathies historiques, porte' secours à
l'Irlande. Car elle a gardé « le souvenir de la lutte san-
glante du siècle nrécédent soutenue par ........ ces

ardents patriotes irlandais, à qui l'appui des mille
hommes du général Humbcrt faillit donner la liberté. »

On sait que ces souvenirs, chers au capitaine
Danrit, sont pénibles à la France officielle d'aujour-
d'hui, dont la presse, a applaudi à la sanglante répres-
sion de Dublin et à la condamnation à mort du patriote
iloger Casemcnt 1 (A suivre.)

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier général, 30 juillet 'DUS.
Théâtre de la guerre à l'Ouest.

Le feu ennemi a atteint une violc.ice extrême entré
l'Ancre et la Somme. Près de Pozières et de Longueval des
attaques anglaises partielles restèrent sans résultat. Au sud
de la Somme et à l'est de la Meuse vives luttes d'artillerie.

Près de La Chaiade (Argouncs occidentales) le lieutenant
Baldamus mit hors de combat son cinquième adversaire ; en
outre, un avion ennemi fut abattu t la limite Est des Ar-
gonnes et un deuxième h l'est de Sennheim.

Théâtre de la guerre à l'Est.
Groupe d'armée du feldmaréchal von Hindcnburg.
De fortes patrouiles ennemie» furent empêchée» par
noire feu de franchir la Duna. Des installations de chemin
de fer à la voie de Wileika—Molodeszno—Minsk, occupée
par des transports de-troupes, de même qu'en fice du

Groupe d'armée du feldmarichal Prince Léopold de Bavière
les gares de Pogorjclzy et Horodzicja furent bombardées aveo
succès.

Le soir une attaque russe s'effondra complètement sous
notre feu, au sud de Skrobowa.

Groupe d'armée du général ton Linsingen.

Les Qltaques ennemies ont encore augmenté d'étendue et
de"puissance. A l'exception de quelques secteurs, elles te «ont
produites sur tout le front de Slrubvchwa (sur le Stochod,
au nord-est de Kowel) jusqu'à l'ouest de Bcrestecrko.. Elles

échouèrent pour la plupart dans nos feux de barrage déjà,
avec des perle* formidables pour l'assaillant ; sur quelques
points seulement de ce front étendu la lutte a abouti au corps
a corps ; là où l'ennemi avait pu pénétrer dan* nos positions,
il fut rejeté par contre-poussée ou srrêté dans son avance.
Dans la nuit nous avom exécuté, d'après un plan conçu de-
puis longtemps et sans être inquiétés par l'adversaire, le
mouvement de repli de nos troupes occupant l'arc du Slochod
saillant vers l'est (au nord de la ligne de Kowel à BownoJ sur
la base raccourcie de ce saillant.

Armée du général comte de Bothmer. -
Hier également des attaques russes, partiellement très
fortes, au nord-ouest et à l'ouest de Buciaci, n'eurent aucua

succès.

Théâirt de la guerre aux Balkans.

Aucun événement essentiel.

Grand Quartier général, 31 juillet 1916.
Théâtre de la guerre à l'Ouest.

Les entreprises anglaises près de Pozières tt de Longue-
val se prolongèrent jusque dans la journée d'hier. Elles pré*
parèrent une nouvelle grande attaque anglo-française, qui
fui exécutée dans la matinée, entre Longueval et la Somme,
par au moine six divisions opérant ensemble ; entre Potières
cl Longueval elles furent matée» pendant la journée par nos
feux de bai rage cl ne se produisirent que dam la soirée, sous
forme d'assauts détachés, exécuté» également par de* forcée
importantes. L'cuncmi a été partout rcjelé avec les plue
lourdes perle» sanglante» ; d n'a pu gagner un seul pied de
lerrum , là où H y cul de» combats rapproché», ceux-ci furent
r décidé» en noire faveur par la bravoure et la. mordant de
■■nos troupes de réserve bavaroises et saxonne» ainsi que de
nos brave» du Schleswig-Holstcin. Noua avons pris à l'en-
nemi ta officier», 799 hommes et i3 mitrailleuses.

Au sud de la Somme combats d'artillerie.

Dan» la région de Prunay (en Champagne) une faible
attaque française s'effondra dans notre feu.

A l'Est de la Meuse le feu d'artillerie devint à plusieurs
reprises plu» violent ; au Sud-Ouest de l'ouvrage de Thiau-
mon(,-il y eut de petits combat» à la grenade.

L'ennemi ayant dirigé une attaque aérienne contre Con-
ûans, nous répliquâmes en bombardant Pont-à-Mou»»on. Une
escadrille d'avion» français, lancée à l'attaque de Mûllheïm,
a été arrêtée par nos Fokker près de Neuenburg (»ur le
Rhin) ; mise en fuite, elle fut poursuivie. L'appareil du chef
de l'escadrille a été abattu au Nord-Oue»t de Mulhouse. Le
lieutenant Hoehndorf a mis-hors de combat, au .Nord de Bt-
paume, son onrlème, le lieutenant Winlgcns, à l'Est de
Péronnc, son douzième adversaire. Un biplan frsnçsii 1 ttl
abattu à l'Ouest de Pont-à-Mous»on et un autre au Sud de
Thiàucourt, Ce dernier par nos tirs de défense.

Théâtre de la guerre à l'Est.

Des deux côtés de Fricdrichsladt de» détachements misée
de reconnaissance furent repoussé*. Les attaque* conte notre
position au canal, à l'Ouest de Logischin, et prè» de Nobel,
au Strumien (au Sud-Ouest de Pin»k), ont échoué.

Le* vigoureux asiaut* de* masse* rusacs, qui continuèrent
contre le

Groupe d'armée du général von Linsingen.
ont été, hier également, repoussé» ; ils coulèrent de nouveau
les plu* grande* pertes aux assaillants. L'ennemi exerça »a
plus forte pression sur les secteur* des deux côté» de la
ligne de Kowel—Sarny, entre Witowuiez et la Turja, «u Sud
de la Turya et des deux côté» de la Lipa. Une contre-attaque
bien préparée rejeta l'adversaire qui avait poussé en avant
prè» de Zarecse (au Sud de Stobychwa). On a compté ju**
qu'Ici 1,889 Russe*, dont 9 officiers, faits prisonniers hier.

Nos escadrille» d'avion» ont causé d'important* domma-
ges à l'ennemi pendant le» deux dernier» jours, en attaquant
des cantonnement», des troupes en marche ou au bivouao,
ainsi que les communication* d'arrière.

Armée du général comte de Bothmer.

En continuant leurs attaques dans le secteur au Nord-
Ouest et 4 l'Ouest de Bucxacx les Russe* réussirent à- péné-

FEUILLETON ÛE LA kOAIBTTS DES ARDENNUS»

ONCLE FRANZ

(Conte de guerre Inédit)

« Oncle, Franz » !

C'était petite Blanche qui l'avait baptisé ainsi. Les
enfants ont l'instinct très .vif et très sûr, et par ces
temps de guerre, rudes et cruels, leur besoin d'affec-
tion cherche où se poser, comme un oiseau apeuré
cherche un abri dans la tourmente.

Pendant des semaines, la guerre avait passé et
repassé par le village. Tout d'abord, la jour de la mo-
bilisation, le père de Blanche était paili avet tous lei
papas de ses petites amies.

Ensuite des troupes avaient passé, des pantalons
rouges, avec des voitures et des chevaux et des canons
•ans fin. lia marchaient, disaient-ils, à la frontière.
Petite Blanche avait vu tout cela de ses grands yeux
curieux et craintifs. -Elle avait entendu le canon, très
loin d'abord, mais plus près chaque jour.

Et soudain les soldats, français étaient revenus do

là-bas ................ Couverts de poussière, Ils

avaient repassé le village. Des gens des villages voisins
- étaient venus en même temps que les soldats, avec des
charrctU-5 et des voilures chargées. D'autres étaient
à pied, et d'un pas hâtif passaient sans s'arrêter. Cette
nuit-ln_, la plupart des petites camarades de Blanche
étaient parties subitement avec leurs familles; au
malin le village était presque abandonné.

La mère de Blanche était lestée. Elle n'aurait pu

dire pourquoi. Les voisins avaient voulu l'emmener
avec la petite sur leur char à bancs. Mais quelque
ehosc d'intérieur l'avait retenue, l'enchaînant au foyer.

Le lendemain matin, elles s'étaient trouvées seule!
toutes deux, avec une centaine de vieux et de vieille!
qui n'uvuicnt pus voulu partir non plus. Ce jour-là,
Blanche et sa mère l'avaient passé chez leur vieil oncle
le cantonnier qui avait été soldat pendant l'autre
guerre, celle d'il y a quarante-cinq ans, et qui n'avait
pas voulu quitter son toit et son champ.

u Les Allemands et moi, disait-il, on se connaît.
J'ai été prisonnier là-bas. C'est pus vrai qu'ils sont
■i mauvais. C'est des gens comme nous 1 » "
. Frondeur en temps de paix, c'était lui le soutien
moral du village, ce jour-là.

Le canon s'approchait. Et puis soudain, au cours
de l'après-midi, passèrent les premiers uhlmis. A leur
appioche, poites et fenêtres se fermèrent, et la peur
alla se blottir derrière les volets clos. Seul If canton-
nier se posta devant sa porte, dans son «llilude In plus
digne, et fit le sulut militaire. L'officier qui conduirait
la patrouille rendit le Mil ut, visiblement Étonné. — Et
les cavaliers passèrent sans l'arrêter. Puis il en vint
d'autres, et depuis ce soir-là le petit village était oc-
cupé par les Allemands. Les premiers ne firent que
passer, suivis par d'autres, qui restèrent plus long-
temps et finalement s'établirent

C'est parmi ceux-ci que petite Blanche trouva son
oncle Franz C'étall un grand gaillard, auquel les
longues moustache! blondes et tombante! donnaient
l'allure d'un vieux guerrier franc, dont on trouve
l'image dans, les coins primaires d'histoire.

Forgeron de son métier, il s'était établi dans la

forge du père de Blanche, où il procédait aux travaux
d'urgence, ferrant les chevaux et réparant les voiture!
militaires qui passaient.

Cela dura des semaines cl des mois. Et peu à peu
petite Blanche et le grand Frani étaient devenus de
bons amis. 11 ne savait guère le français, mais ils
avaient fini par inventer une langue sommaire et
primitive qui suffisait aux besoins de leurs conversa-
tions naïves. Il y avait longtemps qu'il- mangeaient
en commun, Franz ajoutant sa ration quotidienne au
maigre mena que la mère de Blanche parvenait À com-
biner tant bien que mal, grâce au petit potager qui
lui restait et au u ravitaillement » fourni par la
commune.

De temps en temps, un puqint de charcuterie alle-
inunde qu'apportait la « Feldpost », venait rehausser
l'ordinaiie d'un « extra >» bienvenu.

L'hher, l'intimité te lit plus droite encore dans la
cuisine busse qui servait de chambre commune aux
hôtes de la maison. La m-ie il** lil.im hc avait trouvé
un travail ne-.cz régulier qui lui faisait gagner le Bécea-
laire, 11 y avait longtemps qu'elle avait cesse de
craindre cet étranger qui occupait un coin Je la
maison, où il s'était modeaterneiit installé, passant ses

journées soit uu service, soiL à ton tijtjil devant

i'enc hune.

Elle était sans nouvelle de soy moii, mais elle res-
sentait parfois de la reconnaissance pour ce soldat en-
nemi qui Ivtt.iiL le fer à sa place, faisant ictiutir la
maison de l'écho de ses chett souvenirs.

Quant à lui, Franz Meyerhof, il songeait à sa forge
au-si, à sa maison, k son village d'Allemagne, où l'at-
tend.iiiMit sa femme et ses trois enfants. A côté de son

lit il avait placé leur portrait, et Blanche avait voulu
lavoir un jour quelle était la petite fille aux longues
nattes qu'encadraient deux solides garçons. Elle l'ap-
pelait- Marie et o'était la petite à l'oncle Frans. Et
depuis ce jour U y eut entre eux comme un nouveau
lien. Dans celte petite Française qui grimpait sur ses
genoux l'Allemand voyait comme un vivant souvenir
de sa propre vie familiale. Petite Blanche, pour lui,
c'était un peu sa Mario.

~ Pour l'enfant, la chose était plus simple encore.
Bon papa, qu'elle aimait bien, était tout loin là-bas, et
pendant oe temps, l'oncle Frenx était ici. Les enfants
sont réalistes.

Un soir, quand sa maman lui fit dire sa prière pour
que le bon Dieu protégeât ion papa, elle ajouta in-
génument le nom de l'oncle Franz. La mère laissa dira
l'enfant. Il y avait longtemps qu'au contact quotidien
de ceux que dans les premiers jours de la guerre elle
avait entendu appeler « lee Barbares », elle avait désap-
pri la haine. Elle n'eût osé toucher à la naïve affection
de sa petite chérie, et c'est ainsi que, tous ht soirs,
petite Blanche pria de tout son petit cœur pour sox}
oncle Franz.

Après une assez longue accalmie sur le secteur vok
•in du front, l'action militaire reprit.

la lugubre voix du canon se, fit plus menaçante et
les avions multiplièrent leur* visites, traçant »ur l'azmj
leur courbes d'oiseaux de proie. Tout cela n'était pas
nouveau pour Blanche, qui vivait sa petite vie de
guerre aveo cette simplicité naïve qui fait la force des
enfants.

J>4 suivre).
 
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