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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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2* Année. — N» 261

Charleville, le l(ï Septembre 1916.

Gazett

JOURNAL DES PATS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE

On s'abonne dans tous les bureaux de poste

Lettres Mens
à son 10

prisonnier français

Coup de pied de l'âne I Coup de pied de l'âne 1.. „
Comment diantre, nmi Chauvin } Hei lettres familière!
•ont le coup de pied de l'âne à la Patrie en danger [
Vous allez un peu fort pour charrier les meubles, vous,
par exemple I Et c'est tout ce que roui trouvez à en
dire ? Tout ce que vous avez à répondre P Quand mes
réflexions seraient les plus justes du monde, elles sont
Intempestives I... Quoi ! mon destin (aidé un peu par
cet esprit critique dont je ne me croîs point entière-
ment dépourvu), m'a mis à même de constater quels
funestes préjugés nourrissaient la Franceài'encontrede
ion formidable adversaire; ma conscience de patriote
m'incite k l'avertir que ses dirigeants, en l'entretenant
dans cet aveuglement « qui fait l'admiration du monde a
(au sens latin du mot, s'entend I), la poussent droit à
l'abîme ; je n'ai sous la plume qu'Un journal allemand
pour tâcher de lui faire ouïr vérité et raison, et je
n'aurai point le droit de m'en sepvir ; je devrai me
croiser les bras et tristement me taire, parce que la
moisson est indigeste, qui lève en terre étrangère ?

Hé, la faute en est-elle à moi P Connaîtriez-vous pas,
d'aventure, un journal français de courage assez haut
pour faire écho à cette voix française qui clame dans
le désert deB camps de prisonniers P Et Anastaeie lais-
serait-elle faire — elle en qui nos gouvernants, affolé»
des terribles responsabilités encourues, ont mis toutes
leurs complaisances et tout leur fol espoir P

Coup de pied de l'âne I Coup de pied de l'âne I
Autrement dit, ce m'est un crime que-de chercher à
être utile ici à mon malheureux pays, parce qu'occur-
rence et conjonctures sont telles que le service que je
lui pourrais rendre risquerait aussi de profiter à l'en-
nemi P Singulière mentalité 1 Comme si la France et
l'Allemagne —- ces deux noblw faces de l'esprit humain
— étaient désormais condamnées à vivre à couteaux
lires in accula secutoruni 1.. .

Coup de pied de l'âne I Coup de pied de l'âne 1 Et
déjà, on m'écrivait qu'un mien ueveg était furieux que
j usse avoué bonnement, dans mes lettres familiales!
profiter de mes loisirs de captif en Allemagne pour me
remettre à l'étude des classiques allemands — car on
lui enseignait au lycée « qu'il ne saurait y avoir du
génie chez un ennemi 1»

En vérité, l'âme collective qui, de plus en plus, se
manifeste en -France, me déconcerte et m'épouvante.
On y envisage la guerre comme devant nécessairement
duier des années encore ; et comme on n'y comprend
ni l'attitude anglaise, ni la réserve des neutres ; comme
on s'y débat vainement dans le réseau barbelé dea
mensonges intéressés ; comme, en un mot, le terrible
manceniMier d'Anastasie fait tout doucement son œuvre
de mort; plutôt que de réagir virilement, en peuple
vraiment conscient et libre ; plutôt que de chercher k
voir, dans un suprême sursaut de dignité et d'énergie,
•'il n'y aurait pas quelque solution à la fois plus élé-
gante et plus salutaire à tirer d'une plus objective
vision des faitB, on préfère imiter l'imbécile autruche,
et, la tête dans le trou, ruminer les plus ineptes ragots
lur cet ennemi tellement inépuisable et que, néan-
moins, on ne parvient pas k vaincre I

Mais si, mais si, dites-vous, la France vaincra finale-
ment ; elle ne peut pas ne pas vaiucie, avec l'aiue de ses.

• Voir aux numéros 'M cl 217 de la « Guicite det Aidei

alliés fidèles, car elle a pour elle le droit, la justice, etc.
— Halte-là, ami Chauvin, et veuillez, je vous prie,
faire attention que parler ainsi, quand vous défendez
l'erreur et le mensonge par raison de ménage, c'est
tout simplement convenir de cette proposition...
ébouriffante : la France qui est, dans cette guerre, le
champion du droit, de la justice et de la liberté du
monde, qui doit donc nécessairement avoir conscience
d'avoir pour elle et le droit, et la justice, et la sym-
pathie des peuples opprimés, ne saurait nonobstant
avoir d'arme plus sûre que la calomnie, ne peut réelle-
ment vaincre l'oppresseur, l'ennemi des libres nations,
le champion de l'Esprit du Mal que... par le mensonge !
La France sommant son irrriet de guerre, sa galante
bouigu'ignotc, de la calotte de Basile 1 Et c'est moi
qui lui porte le coup de pied de l'ânel Faut-il s'indigner?
Ou convient-if de rire P.. .

Coup de pied de l'âne 1 Coup de pied de l'âne I...
Tenez, ami Chauvin, parez donc un peu celui-là. Je
lis dans le « Marin» du 6 mai 1916, a1" page, 3"" co-
lonne, sous le titre : « Sur le front de Verdun, le Bai-
lot de Boches u, ceci (c'est un sergent colonial, un
«spécialiste de patrouilles nocturnes», qui parle) :

« Une nuit, nous avancions en rampant, ces trou
« bougres-la » et moi, vers les tranchéei boches. Tout 4
coup, voilà que V... se trouve nez à nez avec deux « typei »
d'en face, qui rampaient aussi. Il saule sur le premier dont
il accentue In surprise par un « direct i> entre les deux yeux ;
nous l'imitons. .Nos boches sont bientôt désarmés, maintenus
et bâillonnés, car ils priaient, ils gu.,,, les voyous I

ii C'était bien joli d'avoir capturé ces « taupes u, mail
comment les .ramener dans nos ligne» ? Le plus « costaud »
se charge de paralyser un dea prisonnier!. R.,. et moi,
nous » soignâmes » l'autre. Je donnai l'ordre a V... de
retourner chercher du renfort. Il revint bientôt... mais
tout seul et portant en sautoir, une longue corde enroulée.
« — Ce sera « rigolo », proféra-t-il.
«Et nous nous mîmeB en devoir de ficeler Je <i gibier ».
niéliculeuiement... Nous rentrâmes, en déroulant notre
Qlin... Toute la compagnie voulut tirer : « Ho !... Hisse 1 »
Trois,minutes,plus tard, nos ■ otages h nous arrivaient un
peu meurtris, mais nous les tenions... », etc., etc. •

lié bien, ami Chauvin, que vous en semble ?
Commentcrai-je ?... Non, je n'aurai pas cette
cruauté. Je me permettrai de vous demander limpk-
ineut pour finir: i° Ce que vous diriez, si voui trouviei
jamais un pareil récit dans un journal «boche»}
a" Et qui, de nous deux le «Malin», porte vraimen*
le coup de pied de l'âne ? Est-ce moi, en m'efforçant
de guérir mon pays d'un aveuglement qui, d'éVidence,
le mène à l'abîme P Ou bien l'organe par excellence
du chauvinisme français, qui ose glorifier, en style
d'apache, un geste de canaque soi-disant commis par, .
des Français — et prétend que la France — la noble
France — «e régale de ces insanités?...

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier gênerai, le 14 septembre 1916.
] Théâtre de la guerre 4 l'Ouest,

Front du feldinaréchal Krônprinz Hupprecht dt Bavière.
Dans la'bataille de la Somme combat d'artillerie de la
plus grande violence de part et d'autre. Des attaques -enne-
mies répétées a plusieurs reprises entre Ginchy et la Somme
ainsi qu'à plusieurs endroits du -neuve sont repoussées san-
glantes. A l'occasion de contre-poussées noue avons gagné
quelque terrain ; nous avons fait des prisonniers et ramené
du butin.

Front du Krônprinz allemand.
À-droite de la Mcise de* combats d'infanterie se déclen-
chèrent à l'Ouest de la gorge de Souvilîe pendant qu'il y eut
de temps à autre une très vive canonnade dans te secteur dt
Thiaumont—Bois du Chapitre.

-1-1--

Théâtre de la guerre à VEH,
Front du feldinaréchal Prince Lêopold de Bavière.
La situation est sans changement.

Front du général de cavalerie Archiduc Charles.
Dans les Cnrpathes une tentative d'assaut msie sur I*
Capul échoua. A l'Ouest du Capul le combat continue.
En Transylvanie aucun événement important.

Front macédonien.
Dans la Dobroudja les troupes allemandes, bulgares et
tuiques continuent leur avance dons des combats victorieux.
Théâtre de la guerre aux Balkans.
Groupe d'armée du ftldmaréchal von Mackensen,
Activité de combat plus intense des deux côtés du lac
d'Ostrovo, aur le front de la Moglenu et à l'Est du Vardar.
Au Nord de la Cegnnska-Plamna ainsi qu'au Kukuruz et
Kovil d'assez fortes attaques ennemies répétées furent repous-
tees. Kovala est Occupé par les troupes bulgares.

Grand Quartier général, le 15 septembre 1018.
Théâtre de la guerre à l'Ouest.
Front du feldmaréchal Krônprinz Rupprecht de Bavïèrt.
Le combat d'artillerie entre l'Ancre et la Somme continue
avec le même acharnement que les jours précédents. La
tentative entreprise par de forces considérables anglaises, da
prendre noire ligne saillante, au Sud de Thiepval, par une
ailaque générale, a échoué. De fortes attaques "d'infanterie
françaises, conduites avec bravoure et préparées par un fttf
roulant exceptionnellement nourri, avaient pour but da
percer entre Hancourt et la Somme. Elles échouèrent avec
de lourdes pertes sanglantes. La ferme Le Priez (à l'Ouest
de Hancourt) est occupée par l'ennemi. A l'Est de Belloy
et au Sud de Ssjjyécourt des attaques partielles furent
repoussées.

Dana des combats aériens, couronnés de succès, le capi-
taine Boelcke et le lieutenant Wintgens ont chacun abattu
deux avions ennemis.

Front du Krônprinz allemand.
On mande après coup que des parties de nos lignes
avancées à l'Ouest de la gorge de Souville ont _été perdues
le i3 septembre. Dans un combat acharné, qui fut continué
la nuit, l'ennemi est de nouveau expulsé. Le soir, une fort*
aitaque fiançai*e devant notre front Tiiiaumont-Fleury a'ef-
foiidra complètement. *

Théâtre de la guerre à l'Est.

Front du ftldmaréchal Prince Léopold de Bavière.

Aucun événement.
Front du général de cavalerie Archiduc Charles.

Au secteur NarajowUa et à l'Est, des entreprises de dé-
tachements allenmnds et turcs furent couronnées de succès.

Dans les Carpathea, à la pente Ouest de la Cimbroslawa
Wk., des Russes, qui avaient pénétré jusque jians nos lignes,
lurent culbutés, de même une partie de la position à l'Ouest
de Capul, tombée entre les muni de l'ennemi dam les
combats relatés hier, fut de nouveau reconquise.

En Transylvanie des troupes allemandes et austro-
hongroises sont engagées dans une lutte favorable, au Sud-
Est de Hçetzing (Hatczeg).

Théâtre de la guerre aux Balkans.
Groupe d'armée du ftldmaréchal von Mackcnsen.
Dans de nouvelles attaques les troupes alliées ont brisé,,
«jn plusieurs endroits, la résistance "de l'adversaire et l'ont
rejeté dans la ligne générale Cuzgun-Cara Orner. Le prince
Frédéric Guillaume de Hcsse est tombé près de Cara Ornwn.

La chiffre de* prisonniers faits dans les combats initiaux
et lors de l'assaut de Tutrakan atteint, d'après lea constata'
tions actuelles, a8,ooo hommes.

Front macédonien..
Apre» un combat acharné la Malka Nidze (à l'Est da
yiorina) a été perdue. Dans la contrée de la Moglena dea
attaques ennemies sont repoussées. A l'Est du Vardar du
détachements anglais qui avaient pénétré dans lea tranchées
avancées allemandes en furent de nouveau expulsés.

BULLETIN OFFICIEL BULGARE

Sofia, le 13 septembre 1016.
L'avance de nos troupes dans la Dobroudja continua*
Moa officiers, revenus hier de Silislna, ont été témoins des
événements, et rapportent que les troupes roumaines, sur
leur retraite honteuse, ont commis des excès abominables
envers la population paisible et sans défense. On a trouvé
le cadavre d'une petite fille qui avait été déchirée en deux,
probablement après avoir été violée. Des soldats russes da
la garnison de Silîstria ont participé à ces méfaits dea
troupes roumaines battues. Près du lac de Bulkowo un
détachement italien de deux bataillons, d'un escadron et
d'une batterie ,ont été battus en fuite par nos troupes ; deux
officiera ai 876 soldats ont été faits prisonniers ; jusqu'ici
a officiers et 70 hommes ont été enterrés. Ce lut notra
deuxième rencontre avec les Italiens.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Pans, 9 septembre 1916, soir.
Dans la région de lu Somme, assez - grande activité de
l'artillerie de part et d'autre. Un combat à la grenade noua a
rendus maltrca d'un élément de tranchée ennemie u ILtt de
Belloy.~i\tiu* y avons fait une trentaine de prisonniers L'ennemi,
•pics Avoir udeuM un .Violent bombardement, a tente de noua
reprendre, les positions que noua avons récemment conquise»
au i\ord-Est du village de Berny. It a été repoussé en subissant
de louidcs pertes. Dans la région de la' Meuse, A ILsl du village
de Floury-devant-Douaumoiit nos troupes ont emporté d'assaut,
dans l'après-midi, tout un système de tranchées alk ir.arides. On
annonce déjà que doux cents prisonniers dont druf officiera
ont été ramenée dans npa lignes à la suite de celte brillante
action, et que nous avons pris plusieurs mitrailleuses. • Rien
d impôt taul k signaler sur le reste du front.

La guerre aérienne : Maigre un vent violent, dans la nuit du
8 septembre, une de nos escadrilles a lancé vingt -quatre obus
but lea garea d'Elain, de Conflans et les usines de Rombach.

Pans, 10 septembre 1916, 3 lieurea.
Au Sud de la Somme, l'ennemi a dirigé à plusieuis reprises,
•u cours de lu nuit, do fortes attaques sur différents pointa de
notre dont. EnU-e Belluy-en-Santerre et Barleux, ses tentatives,
accompagnée* de jets de liquides enflammés, lui ont permis
tout d'abord de prendre pied dans une de nos nouvelles
truhdiccs. Lue contre-attaque vigoureuse de noa troupes nous a
rendu-tout le terrain momentanément occupé par l'tiuienii ; noua
avum pria quatre miLraillouHca. Au Sud-Ouest de Baniy, a l'Est
de Ueniecourt et au Sud de Yermandovillers, lea attaques enne-
mies à Ift grenade, lancées sur 005 positions après de' violants
bombardements, ont donné lieu S de vifs combats, Les Alle-
mands ont été rejebia sur toute la ligne dans Icuis tranchées
de déport et ont subi des pertes élevées. Sur la riva dioito da
la Meuse, à la suite rie la brillante action engagée pnr noua a
l'Est de Heury, cent prisonniers nouveaux sont tombe» entra nos
mains, ce qui porte à Lois ocnla le chiffre- total de ceux que noua
avona cspturèa dans" cette affaire. Une •attaque sur les positions
que noua avons récemment conquises à l'Ouest de la route du
fort-de Vaux a échoué soua nos tin de barrage et "noa feux de
mitrailleuses. Aux Eparge» et en forêt de Parroy, des coupa da
main de l'ennemi n'ont eu aucun" résultat.

Le guerre aérienne . Hier, vers 23 h. 30, un aviun uunemi a
lancé quatre bombes sur Belfort. Pas de victimes ; les dégûta
maténela sont peu importanla. Dans la nuit du 9 au 10 sep-
tembre, l'adjudant pilote Baiou *t l'adjudant Eminanaulii ont da
nouveau bombarda la poudrerie de Ut lift cil. Parus à 20 h. 50,
ils ont lancé, k ££ h ââ, six obus de 155, qui ont Ole vus tom-
bant dans la région Est dea bâtiments. Lea ùclatemi ujll ont éti
très nettement constates et suivis d'une fumé a blanche abondants
émergeant dea établissements. L'artillerie de Rollwoil a tiré
sans arrêt. Les aviateurs sont rentres indemnes à 0 h 50.

Pans, 10 septembre lltliî, sou-.
Au Sud dt; la Somme, les Allemands ont attaqué 1 -ai* deux fois
noa Lrancbécs au Sud Ouest de Bcrny ; kura toolativai ont subi
un échec complet. Notre artillerie s'est montrée active lu cours
it la journée sur l'ensemble du front de la S«W1W. Partout
ailtoura, journée calme.

La guerr» aérienne : Dans la journée du 9 septembre, noa
avions ont livré au-dessus dea lignes ennemies quaiante com-
bats au eoura desquels l'aviation allemande a subi des portes
aensibles. Sur Le Iront de la Somme, l'adjudant Demie a abattu
son neuvième avion onnami, qui aal tombé à Be&ulenuourt [sud de
Bapaume) ; quatre autres appareils allemande sont tombes déseni-
•tarés : l'un dans la région do la Maisonnette, les aulies au nord

FEUILLETON DE La iGAZhfTb Ubi> AtWh.Wbi» 20

LA VICTOIRE

Par PaÔl ACJlLK.

Cependant, André s'cflorçait encore ' k s'abuser. A
Etonipcs, quand U était blessé, Madeleine le «oignait et ne
•'éloignait que lorsqu'il pouvait regagner le Gntois ;_en
allant vers elle, su moment où s'assombrissait par un mal-
heur aï impiévu l'avenir de la jeune bile, il ncqu liait une
dette de le^nuaUsanvu ; ne pouvail-il i-as lui être uc quel-
que utilité, réussir à sauver de la fui Lune de Gailuti quei-
"~ ques débris ?... Vains subterfuges, à travers les fausses
raisons i(u il inventait transpara.ssait la vente : il aimait
Madçieuicf 11 ne pionuncait pas encore ce mot, et ne vou-
lait pas le prononcer. Depuii tant d'anuées qu'il l'uvail u>é
de sa >ie, seulement le balbutier de nouveau, c'était déjà
se courber sous sa puissance. Il se concédait qu'il éprouvait
un ïentimeut qui n'était plus de l'amitié, qui n'était pas
encore de l'amour, qui pourrait le devenir, mais qui ne le
deviendrait pas. Pourtant, U lui était facile de ne pat con-
tinuer sa route, de descendre à la prochaine station et de
moater dans uu train qui le ramènerait a Paris. Chiloni,
Bar-le-Duc, Nancy, se succédaient, et d persistait é s'excu-
ser de sa faiblesse par rimpotsibUité de ne pa« témoigner
à Madeleine quelque sollicitude. Après tout, quand il aurait
demeuré à Rostheim trois ou quatre jours, quo", de plus aisé
sjuc de repartir ? Madeleine, qui n'aurait rien •oâpçonQé).
eroirait qu'une compassion bien naturelle avait déterminé
cw voyage. Rentré au Catois, André se chargeait de vaincre
son CU-'ur.

Le traiu atteignait la frontière. La visite de la dYuune
distraya André quelques instants, et, quand le train
s'ébranla, il a'obligeu à regarder le paysage pour ne pas
retomber dans celte irritante analyse de lui-même. Pareil 1
beaucoup de Français, il détestait l'Allemagne, mais jamais
■e songeait à l'Alsace-Lorrain*. Ici elle almposslt k lui. Lea
•Uin«s de la Lorrain* annexée m déroulaient sans lui offrir,
ta spectacle d'une nature différente, mais les quais d'embar-

quement construits à chaque gare lui montraient U pensée
du conquérant obstinément tendue à la préparation de La
guerre. Bouda.la, le truïn s'engagea dans une vallée étroite.
Des montagne-, couionnéea de forêts épaisses que l'au-
tomne jaunissait, l'enserraient, dressant au-dessus leurs
jjrands rochers de gièB rose ; a leur? pieds courait une pe-
tite rivière sinueuse, accompagnée d'un canal que bor-
daient des platanes. La terre de lu route qui suivait 1*
rivière et la terre du chemin de halage qui longeuit le canal
Clai'Jiil ruses, comme lea gijiiid.- ruehers. Sur un sommet,
dont la voie feriee creusait la base, un vieux château en
rumes s'élevait, qui commandait un Yiliage éparpillé au
fond de la vallée.

L'Alsace commentait. La vallée donnait juste place k la
route et au canal. Les forêts, qui couvraient toutes les hau-
tcuia, pres-attnt, jusqu'à la rivière, leurs innombrables
essences, mêlant les feuillages dores dûB hêtres et deî chênes
aux feuillages sombres des supins. Parfois, une tour écrou-
lée, *lea niuiailles ruinées, réveiUan.nt des époques légen-
daires, ou bieu la muntagne, éveutrée par la mine, ouvrait
ses flaiKS .écarldles, d'où l'on extrairait la pieire. Rien de
farouche ou de piétenticux dans ce décor, mais tout de suite
une impression de richesse et dp grâce encore un peu sé-
vère. Le» Vosges lentement s'effacèrent, et la plaine éiciu
dit ses grasse- prairies, ses champs, .sus labours, où serpen-
taient les routes hLiriches plantés d'arbre» fruitiers, et ses
villages aux tous lougeltres.

André voyait puui la première foi& l'Alsace, el, si rapi-
de;. n_iit iiu'il la vil, il comprenait tout ce que la France en
la perdant avait perdu. Ses sensations fuient fortes
pour dominer, pendant plus d'une heure, les pensées qui
jii"[Uulor» l'avaient agité. Mais Ù Slrusbourg, dftUJ le bruit,
*l la foule, si pxès du but vers lequel le jetait une volonté
presqu1 instiiutue, les sentiments les plus divers ;e parta-
gèrent «on drue l l'etonnement, U colère, la confusion le
désir et la crainte aussi de pousser jusqu'au bout. Cepen-
dant, il attendait le Iraln de Rostheim. Il en était a ce point
où les fîmes passionnées, lasseï d'être ballottées par les hési-
tations, s'abandonnent à la fatalité avec une sorte do vio-
lence. Le mystérieux destin l'emporta. Le train avançait,
sous la pluie, toiii ae hâter, à travers une campagne plafe ,
il s'arrêta à la station de Seltheim. André descendit : Bost-
heim se trouvait à 4 kilomètres plus loin, sur le Rhin, a
l'ancienne frontière française.

Un petit bossu conduisait une charrett» ride. André
l'interpella : pouvait-il mener jusqu'à Roatheim ? L'autre,
qui ne parlait qui: le dialecte, n'entendait pas très bien 1*
jeune homme qui parlait, avec l'accent français, le bon
allemand. Un Parisien, qui, par le hasard dlun mariage,
'finissait là son existence dans une maisonnette entourée
d'un jardinet, quitta sa fenêtre, d'où il avait regardé passer
le train, et accourut, heureux d'une occasion qui variait
un peu la monotonie de. aa journée. Le bossu accepta et
entra dans La gare, pour expédier auparavant un colis. Le
Parisien, intariTâuble, racontait à André sa vie da. bureau-
crate à la Compagnie de l'Lst, uon regret de Pans, ses cn>
cupstions présentes. Enfin, le bossu revenait et délivrait
André qui grimpait sur le siège à côté de lui. L-o. route,
sinueuse, traversait la voie du chemin de fer, coupait dea
champs de blé, longeait une rivière lente, où flottaient
mollement les larges feuille? de» nénuphars, et n'était pluj
bientôt qu'un chemin creux entre des bois. Une plure hna
et serrée tombait. Dca lapins, que le soir déjà proche atti-
rait ver» les près, dressaient l'oreille et regardaient, épou-
vantes, lea couverts ; un chevreuil, qui se risquait entre
des arbros, inquiet, s'enfuit. La , route, abandonnant le*
bois, se réunit à une allée de platanes. Sous le ciel bas et
gris, qui cachait la Forêt-Noire, le bruit précipité du Rhia
' encore invisible derrière la digue se melnlt au frémlpBemeivt
de= peupliers qui bordent ses rives. Sur la gauche, la mai-
son, protégée par des arbres," apparut, silencieuse, pris de
la ferme, son grand toit de tuiles roug*s assombri par les
années, flanquée de deux ailes moins hautes où s'accrochait
une vigne rieige rougis. La voiture enfonçait ses roues «tur
le sable mouillé. Des chiens aboyèrent; une -petite bile, qui
jouait dnns la cour, la Lille du feiuiier, considéra, immo-
bile, celle voiture, d'où sautait un jeune homme. Au pr«i
uiiur étage une feinMre s'ouvrit, une jeune fille en deuil se
pencha, mais aussitôt, se retournant, elle cria è quelqu'un
qu' était dona la chambre : u André, c'est André1 », el U y
avait dans ce cri une joie qui ne cherchait pas à se con-
tenir,

I a propiiété était une de ce* demeures simples et cora-
modes, où les familles alsaciennes se plaisaient jndis à
unir le confortable traditionnel du pays a la grâce du goût
fiançais, M"" Cia;an n'y avait rien ihangé. Le* chambres,
tendues avec d'anciennes cretonnes de Mulhouse, dont les
rideaux lépi'tnient mit fenêtres les claire deysin*, conser-

vaient leurs vieux meubles oharmanU. Dans un grand
«elme reposant, que troublait à peine le passage deB longs

remorqueurs sur le fleuve, la maison s'élevait juste a l'an-,
cienne frontière, iepaiec.de la digue par une'haie de buis-
*son» quat divissit une porte ù clanc-voie. Derrière, tomme
sur les côtés, ce n'étaient que des bois et des prairies. En
face, la Porèt-Nolre bornait l'horizon, si près que, par lee
beaux après-midi, le château de Rade profilait sa silhouette
blanche.

Dès qu'elle avait reconnu le jeune homme, Madeleine
était descendue avec M"" Crayan. La beauté touchante ds
la jeune bile, dani cette robe de deuil, le riaage fatigué
par lee larmes, frappa André tout de suite ; en même
temps, une émotion trie douce l'envahit, où U v avait une
tendre pitié, mai» aussi du bonheur. M™ Crayan t'entraî-
nait dani le talon : quelle arrivée inopinée ! pourquoi
n'avait-il pos'télégrephié P quelle bonne surpnse : La joie
de posséder son fil» lui faisait négliger l'infortune de Ma-
deleine... II la lui rappela en s'adressant k la jeun ; tille. ,

— Une lettre de maman an'a informé du grand mal-
heur qui s'est abattu eur vous... Je n'ai pas oublié desquels
soins vous m'avieï entouré, quand j'étais bleesé. T'ai pensé
que je pouvuia toub être da queiqui* secours : je sui3 venu.

Ainsi, il essayait, en s'excuiaut à a«e propres yeux, de
fournir une explication naturelle de sa présence.
Madeleine inolina la tête :

— Merci. ~"

M lai eut plus de gmtitude pour ce seul mot que pour
toute une phrase où H s'aurait pus »onti un accent si sin-
■fara.

Ni ne soir-la, cependant, n-i le lendemain, il ne lui

Cria do la mort de Le Dorât, dans la crainte qu'elle ce pût
. reprocher d'imposer aoa assistance ou ses ri-eila. U
la regardait vivra, et H la regardait aussi, ^iinplasncnt,
perce qu'il aimeit son visage. M" Crayan se déchargeait
sur Madeleine de tout le souci de la maison, qui d'ailleurs
était facile à diriger, puisque Pierre, après un très court
séjour, avait regagné Paris. André retrouvait eu Madeleine
la même jeune fille qu'A Etampes ' Celle d'Etampea portai^
une robe blanche, oelle de Roetlieim ■ne robe noire ; et
celle da Rostheim, auael dévouée, auaei active, mais avee ÙjdJ
voile de tristesse, ébranlait plus encore setn ooeur.

r(A suivre}.
 
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