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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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r Xnnéa, — N- 268.

Charleville, le 2fi Septembre 1916,

Gazette d

rden

JOURNAL DES PAY8 OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE
On s'abonne dans tous les bureaux de poste

UN GRAND DÉBAT

A la Chambre française

La discussion des douzièmes provisoires à ta
Chambre française a donné Htu, ta >o septembre, i
an débet d'un* importance dépassant sensiblement ta
niveau dus séances ordinaires.

On sait que, parmi les partis de gauche, certaine
opposition commence 1 se faire sentir contre ta poli-
tique de guerre à outrance, préconisée par le gouver-
nement et tas partis nationalistes auxquels se sont
joints tas loeialistes ministériels.

Oette apposition n'a fait que croître depuis un an.
Au dernier congrès soitaltaac elle a sensiblement
dépassé ta tiers des délégués présents, (1091 contre
i836.)

- C'est elle qui vient de faire entendre sa voix i la
tribune de la Chambre, par la bouche de deux députés,
MM. Roux-Costadau et Brizon. Résumons dans ses
grandes lignes le cours de eette séance.

Tout d'abord, M. Roux-Costadau s'est levé pour
protester contre ta suppression d'un article de sa .
plume par la •ensure. L' « Echo stt Parts » nous
apprend qu'il a osé parler des « montagnes de cadavres
qui s'élèvent jusqu'au cielu, reprochant au gouverne-
ment de vouloir « recruter les impotents et les in-
firmes », de "gratter le sol jusqu'à la racinen_ etc.,
pour continuer en ces termes .

M. ftoiuc-Coatodau. —. Juiques a quand durera celte
sombre folis ? Faisons le bilan de nos sacrifiées. Est-il pos-
sible d* déchirer plus profondément encore les chairs meur-
tries de 1s Patrie î

Il luut dire ce qui est ; ce pays est arrivé au maximum
if son effort: fcO milliards d'argent et 5 millions d'hommes,

M. flooul Péret, rapporteur général du budget. — C'est
inexact. Nous avons dépensé 40 milliards.

M. le président. — Croyez-vous utile, mon»cher collègue,
de rouvrir présentement un dfhal qui a été abordé en Co-
<nité secret f -

M. lioux'Cottodau. — -Ce que je di* ici se dit, dans In wlta
et dans les journaux. Ce qui m'inquiète, c'est que la terre ilsi
Gaules va devenir comme un désert. Il n'y a plus de pay-
sans 1 ta guerre les a fauchés largement. On ne les n'forme
guère, on ne les fmbusque pas, eux I Ils constituent l'élé-
ment le plus robuste et le plus sain de toute la nation au
moral et au physique. Assisterons-nous à leur tragique
anéantissement r • -

Ne nous réfugions « pas dans un perpétuel optimisnfe.
Voyons les choses telle* qu'elles sont.

"Ces rudes paroles ont provoqué la réplique de «M.
Briand. II n'a pas démenti M. Roux-Costadau, il lui
l simplement reproché l'imprudence de ses paroles
«1 ce moment où ta France a. besoin de la bonne vo-
lonté et du sacrifice de tous ». Il a tenu ensuite è
faire l'éloge des Alliés de ta France, comme pour les
défendre contre un secret reproche grandissant :

ci L'Angleterre n'a jamais répondu non ù un appel à son
concours.

"Quant à l'Italie, elle est venue spontanément a nous, et
vous savez avec quel admirable courage et dans quelles con-
ditions difficiles en un pays de montagnes, elle lutte pour
ta oaute-commune.

Quant à la Russie, ai vous aviez sous les yeux le chiffre
de ses perles, vous sauriez qu'elle a donné fout IXfort^qu'fl
est possible de lui demander. ...»

Ce dernier fait est incontestable, et oe n'est certes
pas ta Russie qui méritera le reproche de t'ètfu épar-
gnée. C'est bien plutôt elle qui, après l'offensive horri-
blement coûteuse du général Broussilow, pourra de-
mander d d'autres ce qu'ils ont atteint, eux, pendant
qu'elle gaspillait sans compter ses enfants. -

Comme de coutume, M. Briand termine par une
tirade à grand effet :

FEUILLETON DE La tGAZLtlh ULU AilUL\r>iLS»

LA VICTOIRE

far Paul AOKLK.

U venait de se réveiller.

L'scnour, voilà ce qui avait uniquement dominé sa "le
depuis trois mois, l'amour qui engourdit l'esprit, suspend
l'éncigie, ne souffre pus que rien distraie de ign pfttvolr,
le terrible amour toujour* redouLé, qui, Dette fois, non
seulement le teriassait, mais l cnehaïn iil. Il avait fui
l'amour, l'amour l'avait cherché jusque dans retraite, el
tout ce qui n'était pas l'an tout s'était évanoui ' ne femme
vivait à côté dt lui, sa femme, qui ne le quitterait jamais
«t qu'il aimait, et il avait pour elle, dans L'ivresse du bon-
heur, tout oublié

André descendait si vite vers la ville que Madeleine le
suivait avec peine : déjà, en courant vers Hcnhlbeig, vois
l'hôtel, vers >a chambre, d courait vois la France. Une na-
ture, comme la sienne, si piornple, malgré une apparents
froideur a s'exalter, devait essayer *de « ressaisir avec la
même fougue tenace qui L'avait livrée à l'aïuoui.
Dans leur appartement, Madeleine lui dit :

— Vous avez saison de partir... nous nous ntlaidions
trop... Mais, comme vous ne parlic-r. pas du déjisrt, jo
n'osais pus,-moi, vou-* en parler.... ht puis, j'étais si heu-
reuse... —

11 fut ému de su docilité ;

— Moi aussi, J'étais hertmix.
lit inquiet aussitôt, il ajouta :

— Vraiment, vous ne craignes pas celte solitude du
Gato.i ?

Loin de la craindre, Madeleine la souhaitait 11 demeura
incrédule, iani le lui temoigmi II demandait au maître
d'hôtel ia note, la réglait, consultait un indicateur... Un
train las mettait à sept heures du soir a btrasbourg, à Farts
la lendemain matin à cinq heure* ; on pouvait être dans
l'après-midi au Catois. Madeleine avait sarm doute des

« Le peuple, s'écrie-t-il, désire la fin de cette guerre,
mais il veut la victoire et H sait que, pour l'obtenir, les
effectifs el les obus ne suffisent pas ; il fsut un cœur haut
placé ; il faut un moral qu'auouue propagande n'ébranle.. .a

C'est la thfrse gouvernementale. M. Brizon se lèva
pour développer celle des adversaires de la guerre à
outrance. Son discours a été réduit, dans presque tous
les journaux français, a un résumé bref «t tendan-
cieusement arrangé.

II*. Brizon. — Messieurs, no parlons pas. Le « partage »
e*t une maladie pour députés. Vous le savez bien : on vous
la aiiez dit dans les journaux réactionnaires du Gouverne-
ment

N'écrivons pas non plus. L'« écrivageu esl un luxe abon-
damment permis par la censure aux mêmes journaux réae-
tionnaires en bataille contre le Parlement et la République,
et abondamment refusé par la même censure de M. Briand
aux journaux républicains et socialistes, quand ils veulent
répoudra.

Ne pensons pas non plus : car la pensée est une dépra-
vation dans un pays où le Gouvernement « républicain »
acclimate des habitudes de monarchie et des mœurs de
réaction.

•Alors, que nous reste-t-il ? Le calcul. Eh bien, calculons.-
Chifïrons froidement le prix de la guerre. C'est, du moins,
ce que je voudrais faire rapidement.

Lu mains, le rapport de M. le rapporteur général du
budget, je vois qu'au 3t décembre igi6, nous aurons en-
gage.— j'arrondis lea chiffres — 66 milliards. Mais il faut
avoir la loyaulé de faire la discrimination, c'est-à-dire ds
n'indiquer que les milliards dévorés par la guerre, soit ôi
milliards.

Je laisse de côté les a milliards qui ont été avancés à des
pas s élrangcis et à propos desquels M. le rapporteur général
écrit cotte, phrase savoureuse :

K Cette charge peut d'ailleurs, étant donné l'époque in»
de Ici mines des remboursements, être considérée comme
une véritable dépense augmentant le total précité, u

J'aurais le droit, dans ces conditions, de porter le chiffra
des dépenses de guerre a 61 + 2 = 58 milliards.

Mettons seulement, en chiffres ronds, 60 milliards jetés
dans la guerre depuis août 1914 jusqu'au 3i décembre igiô.-

Af. Cnarlet Bernard. — C'est déjà coquet I

M. Druon. *— Voilà les dépenses publiques. C'est le pre-
mier tableau du prix de la guerre.

H y en a deux autres :

i" Le travail perdu pendant la guerre ;

i' La valeur des hommes perdus pour toujours, sans
parler des mutilés. ,

Je mets d'abord sous vos yeux la valeur du travail perdu*
Il y a <i millions et demi d'hommes mobilises. Sur 6 mil-
lions et demi, j'en compte 5 millions de productifs.... 31
j'évalue a 10 francs par jour la valeur sociale du travail d*
chacun de ces hommes, pour 3oo joufs de travail, bon an, -
mal an, cela fait 3.000 francs par sn qui, multipliés par
6 millions, font i5 milliards au bout da l'année. Et comme
la guerre, avec la politique du Gouvernement, va durer au
moins un an encore, nous aurons ainsi su moins trois ana
de guerre. Par conséquent la France aura perdu en travail
trois fois i5 milliards, soit 46 milliards.

Voilà le deuxième tableau : 45 milliards de pertes
serbes........

Le troisième tableau est le plus douloureux ; c'est il
valeur économique des hommes tombés sur les champs
de bataille.

Je ne dis pas leur valeur morale. Elle est incalculable,
sn prenant le mot dans ton sens étymologique, avec toute
sa forn . Oui, c'est incalculable la valeur d'un homme.
Quel capital Immense de sentiments, d'affections, (l'intelli-
gence, de talents, d'inventions, d'art, ds science et de génie,
sans doute, représentent eaux qui sont morts 1 Aucun
huinme du monde ne peut le calculer 1

Mais ce que je veux faire — comment dirai-je ? brutale-
ment — c'est essayer de chiffrer la valeur moyenne du tra-
vail qu'auraient pu faire tous les hommes couchés dans ta
terre.

Messieurs, nous ne pouvons pas ne pas le faire.

Combien d'hommes perdus à la fin de la guerre ) J'ti dit
qu'elle durerait encore un an su moins avec la politique de
M. Briand. (Vives interruptions au centre.) ......

Supposons qu'à la fin de la guerre la Francs ait un mil-
lion et demi d'hommes de tués. Je reprends mon calcul : la
valeur économique de leur travail. J'ai dit 10 francs par
jour; 3oo jours de travail, 3.ooo francs par an. Je prends

une moyenne de trente-trois ans de travail. J'arrive ainsi
à 100.000 francs par homme—

Or, multipliez 100.000 francs par un million et dsmlr
vous obtenez ijo milliards de francs comme valeur tsone>
mique des Français tués pendant In guerre, 100 milliards
perdus pour la France.....

Ainsi, voilà les trois chiffres : d'abord 60 milliards ds
dépenses publiques à l'heure actuelle, 5o milliards jstés dans
1 abîme dt- la guerre. Dans un an, avec 3o milliards de plu»,
le chiffre sera d'environ So milliards de dépenses publiques»

Prévoir 6 milliards pour ls réparation des dornrnageé)
c'est, je pense, ne rien exagérer là non plu». Et dire quVjlrt>
fois, on n'avait pas d'argent pour les retraites ouvrières M
paysannes I

A ces 85 milliards, il faut ajouter notre ancienne dette,
qu'on oublie un peu trop maintenant, nos 3o milliards, Sb
et 3e, cela fait u5 milliards.

Voilà le gouffre à combler I ^.

Qui payera ? M. Bibot ne l'a pas encore dit ; et je ne vois
pas apparaître dans sa politique financière ls patriotisme
obligatoire des classes riches. 115 à ISO milliards, voilà un
premier chiffic.

Deuxième chiffre : 15 milliards de travnil perdu à l'heurt
actuelle, et à la lin do la guerre, dans un an, i5 milliards ds
plus, donc 60 milliards.

Troisième chiffre : 150 milliards enfouis dans la terra
avec les tués.

Ainsi, 115 à 120 milliards de dette publique et environ
200 milliards de pertes sèches ; voilà la guerre chiffrés. Lt,

encore une fois, je laisse de côté tout le problème moral.

La guerre est une « affaire s. (Exclamations.) Oui. dans
li période capitaliste où nous sommes depuis un siècle, les
guerres, les guerres coloniales, et la guerre actuelle, ne sont
que des (i affaires S.

Or, une affaire se traite comme une affaire : intelligem-
ment, prudemment, aveCle coup d'ceil sur l'avenir. Au heu
de donner le imig de son pays, M. Brisnd, pour obtenir ta
résultat qu'on veut atteindre, la victoire, dites-vous, c'est-à-
dire, je pense, l'indépendance nationale que nous voulons
comme vous, si on peut l'atteindre par négéfciaUon ou ira»
termédiaire, on peut et on doit négocier. Avant d'avoir fait
la pieuve absolue que toute solution par la paix esl impos-
sible, on n'a pas le droit de continuer à jeter, sans compter,
les milliards du peuple dans J'abîme, et les hommes en
niasse sous le feu roulant de la mort I

M. Brizon.a terminé. M. Briand ne peut laisser ce
discours sans réplique.

Il se contente toutefois de répéter quelques-unes dea
légendes qui forment l'armature de sa thèse oflicialle :
Agression de l'Allemagne belliqueuse contre la Franoa
pacifique. (Et les prêcheurs de revanche comme votra
grand ami Barrés, les oubliez-vous, M. Bi iand ?)
« Effroyables excès commis contre les populationi
occupées » elc. . . .

Nous répondrons, dans notre prochain numéro, à
ce passage du discours de M. Briand.

Finalement, le président du Conseil a cru bon da
mettre sous les yeux de M. Brizon l'existence soi-disant
menacée de la France intellectuelle et morale, — comme
si l'Allemagne, toujours si hospitalière à la pensée, au
travail et aux arts étrangers, cette Allemagne dont ta
oœur n'a jamais connu cet étroit chauvinisme inttllea-
tuel, personnifié par l'Académie française, avait
conçu le plan de rayer oette France de son rang da
nation civilisée 1 M. Briand sait fort bien que ce n'est
pas vrai! Pour être édifié, par contre, sur la haina
illimitée et la volonté desliuuLive de ses T»roprea
amis politiques à l'égard du peuple allemand tout
tntier, il lui suffira de lire, en tète du « Figaro u du
18 septembre, ta cri de haine éternelle de M. Emile
Bergerat.

Dans sa péroraison à l'adresse de M. Brizon, M.
Briand s'écria :

u Demain, la France aura saigné sous les coups pour d«
nobles idées ; déjà rayonne sur son front une couronne da
prestige et de gloire qui, dans les luttes de la paix, la fera
plus ardente au travail, lui rendra une main-d'œuvre plus
eflicace. N'oubliez pas dans vos statistiques, cette énergie
morale d'un peuple, centuplée par la victoire obtenue pour

courses à faire dans Paris ; lui, gagnerait tout de suite ta
Picardie. Madeleine protesta ; M"* Crayen avait envoyé au
Catois le linge, les vêtements, les meubles nécessaires ;
Madtlcme armerait au Catois avec son mari. André ac-
quiesça : elle avait raison ; Ba hàle même le touchait.

— Notre bonheur continuera, n'est-ce pas, Madeleine t
lui dit-il d'une voix un ped tremblante, en 1 attirant à lui.

Elle fut si étonnée qu'elle balbutia :

— Quelle question I quelle question 1

La journée s'acheva péniblement, André, soucieux,
parlait peu ; Madeleine senlut qu'il lui cachait ses pensées.
Dans le train, toutes les objections que naguère au Catois
AnJrc, victorteurement, dressait contre ls mariage, l'as-
talUiraqt, de nouveau, et bien plus fortes, puisqu'il était
marié. 11 songeait à Madeleine : habituée jusqu'à la mort
de |OU frère à la richease et aux plaisirs, comment, maigri
ce caractère sérieux qu'il lui avait découvert, se résignerait-
elle .\ i,e confînei dam ce village isolé, surtout quand l'hiver
abrège les jouis et désole la campagne? Aurait-il la dou-.
leur de ta voir rongée, d'ennui, ne sachant à quoi s'occuper,
cootuanae de tristesse P Ne regrette! ait-elle pas un jour la
vie indépendante qu'elle put se crées par son travail à Paris*
On aune, on n'écoute que l'amour, tout parait beau et fa-
cile, et puis la dure réalité dissipe les rêves. Il songeait
aussi a lui-même : quels bouleversements apporterait dans
ton existence celle feu une jeune, jolie et qu'il aimait P Un
foii' lionnaiie, que tourmente la seule idée de sou avance-
ment, tient sa femme au courant de ses médiocres ambi-
tions, et sn femme laide souvent par dw Uabili tés mon-
daines. Une femme encore sert l'ambition d'un artiste-, car
tro*p souvent la réussite d'un écrivain, d'un peintre, d'un
rniibicien, ne se conquiert pus sans intrigues. Mais lui p son
périlleux succès dépendait de lui seul ; il attendait tout do
sa seule Intelligence et de son seul courage ; quel secours
pouvait-il reievoir de Madeleine P Au contraire, par ta ten-
dresse rnéme qui désire éloigner de celui qu'elle aime le
danger, uuo femme ne jefUM-eUe pas le trouble dans un
cœur qui n'a pas U droit de faiblir } Et s'U avait des en-
fants, conserverait-il la liberté d'exposer sa vie ? n'appar-,
tiendrail-elle pas désonnais à ceux qui seraient nés de lui P

Ainsi, il s'effruyuil, de nouveau victime de ses anciennes
théorie». Le train ne comprenait pas de wagons-lits ; mais,
comme il y avait peu de voyageurs, André et Madeleine 00-

\

cupaient à eux seuls un compartiment, et Madeleine avait
pu s'ttendie, pour la nuit, sut une des banquettes. Malgré
tout ce qui l'agitait, André veillait sur son sommeil ; U
s'alarmait si elle s'éveillait, ou si elje avait trop ihaud, osa
ai la lumière affaiblis l'incommodait encore. Parfois, rela-
yant un peu le voile qui recouvrait la lampe, il la contem-
plait. Comme elle était belle I Commant pourrait-il s»t
laisser à son amour dans sa vie qu'une petite pince ? Liait-
elle vraiment, parce qu'il l'aimait si passionnément, 1 r-n-
ncmic de son travail P... Ne seiait-alle pas au contraira,
parce qu'elle i'nunait si profondément, la compagna
dévouée de sus efforts P Cependant, c'était à cause d'elle que
depuis tant de* mois rien n'existait pour lui au monde da
ce qui seul naguère lui donnait l'orgueil et ia joie de vivra.

A Pani, M" Cruyan, en apprtnapt que son fils retour,
naît si vile au Catois avec Madeleine, fut stupéfaite.

— Ne pourrais-tu pas, su^géra-t-alls, habiter Paris, et
te rendre une fois ou deux par semaine au Catois t C^st
atroce de condamner une jaune femme à oet exil

— Avec André, répondit Madeleine, je ne serai jamais
•n exil. \

Elle tenait, autant que son mari, à partir tout de suite;
ei!>- l'aflirmu, et cette afliruialion irrita presque André. Q
saisit, par un mouveiuunt instinctif, la première preuve da
son indépendance compromise.

— Ah 1 monsieur André, dit Pacot, à le gare du Catois,
vous voilà donc marié 1 On annonce une chose, et on en
fuit une uutie .c'est la vérité dt ce monde.

Le bruve homme exultait. Madeleine lui avait serré la
main, en lui dieant quclquea mots gentils | elle savait qu'il
était marié, qu'il avait deux enfants, et connaissait »on dé-
vouement enYetl André : elle n'était pas Gère II les accon>
psgni jusqu'au pavillon de M. SUvlan où M"* Pucot, aldé«
par la mère Picquel, avait tout préparé, s> n les ordres da
M1"* Crayan. Un chemin, à travers le paie., laissait le tbài
loi 1.1 sur la guuuhe, .<--.<: loin, el conduisait au pavillon,
qui suxpiombAit par une turrast>«, au-deesus de la Somme,
Ilmmeiuisé roussit des marais. M"' Pacot s'empressait i
monlnw ta" chambres.

M" Cravuu avult suivi Bdèlemsttt lea indications da
Madeleine, bien qu'elle fût d'unu époque où l'on affection-
nait les lourdes portUres, les tentures, les fauteuils esl
tapisserie. Tout étult simple, mais confortable, des meu-

uiie noble cause. Demandez-vous si nous n'en tirerons pas
ds larges sonfpensstions.

« Monsieur Bnion, je vous en supplie, dans l'intérêt
même de votre idéal, si vous voulw que 1a paix règne sur ta
monde, ai vous voulez que las idées de justice et de liberté

y prospèrent, souhaitez fa victoire ds votre pays. »

Nous n'avons pas à intervenir dans ta débat entre
MM. Brizon et Briand, mais il noua sera permis ds
constater que cela n'ast pas, an, somma, une réponse.
C'est tout simplement la raaffirmatlon da la thasa gou-
veriieruentala dont las discours officiels n« cassent
d'annoncer ta «victoire» sans setss ajournée et tou-
jours plus lointaine, tandis qu'entre temps le sang
français continue de couler sur l'autel des chimères
qui tuent.

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Gr»od Quaruer général, le 24 septembre Ivlfl.
Théâtre de la guerre à l'Ouest.
Groupe d'armée du Kronprinz Hupprecht de Baviirê.
A la Somme la bataille de durée bat de nouveau sors
plein. La lutte d'artillerie entre l'Ancre et la Somme a
atteint une rare intensité. Des attaques nocturnes de l'en-
nemi échouèrent près de Courcelette, Rancourt et Boucha'
vesnes.

Groupe d'armée du kronprinz allemand.

Dans la région de la Meuse l'activité de l'artillerie s'est
accrue sur la rive gauche du Ocuve et dans quelques sec-
teurs de la rive droite.

Sur tout le front l'aviation fut très active ; de nombreux
combats aériens, avantageux pour nous, furent liviés dans
nos lignes et à l'arrière des ligues ennemies. Nous avons
sbaltu 34 svions, dont ao sur la Somme. Le premier lieute-
nant Buddeoke et les lieulensnts Wlntgeni et.Hoehndorf sa
distinguèrent particulièrement. Notre perte est de 6 avions.

be aa septembre, tard dans la soirée, une boinbs jetéa
sur Mannheim tua une personne et causa quelques dégtts
matériels. Au cours de plusieurs attaques aériennes enne-
mies, 6 habitants ont été tués et 13 maisons endommagées
à Lille. **

Un de nos dirigeables a attaqué dans la nuit du 31 'su
93 septembre des installations militaires anglaises prés ds

Boulogne.

Théâtre de la guerre à l'Est.
Groupe d'armée du feldmaréchal Prince LéopcU de Bavière. "

Les Russes attaquèrent de nouveau 6 fois avec de fortes
masses entre le Sereth et la Slrypa au Nord de Zborow, Près
de Manajow l'ennemi pénétra. Il fut de nouveuu rejeté par
une oontrs-pousséc, laissant entre nos mains 700 prisonniers
st 7 mitrailleuses. Plus au sud, toutes les attaques s'effon-
drèrent devant notre ligne avec de lourdes pertes.

Front du général de cavalerie Archiduc Charles.
Dans les Carpathes nous avons repris en attaquent, entra
ta Ludowa et Baba Ludona, de même que sur le versant Est
de la Cimbroslawa, des parties de notre position perdus
dans des.combats antérieurs. Au Nord-Est de Kirlibaba des
combats opiniâtres sont en train.

fin Transylvanie
pluneurs attaques roumaines ont été repoussées au col dm
Volcan et plus à l'Ouest. v

Théâtre de la guerre aux Balkans.
Aucun événement d'importance particulière.

Grand Quartier général, l« 25 Beptembre 10IG-
rhédire de la guerre à l'Ouest.
Groupe d'armée du Kronprinz Rupprecht de Bavière.
La formidable lutte d'artillerie continue enlre l'Ancre et
ls Somme. Des poussées partielles de l'ennemi contre la
secteur Combles-Rancourt et près de Boucha vesnes échou-
èrent, t

bles anglais commodes et à ligne droite, avec quelques
vieux meubles. Pourtant,.cette demeure si amenante ne
plaisait pas à André. Madeleine, qui en ressentait de ta
peine, lui rappela qu'elle n'avait rien proposé .. quoi il
n'eût consenti. Il songeait à cette petite maison où, un
matin da mai, il était entré avec Rousrd, si riche d'espéj
ranoe, où il avait subi toutes les fièvres et tous las décou-
ragements. Superstitieux, U redoutait qu'on la quittant, il
aw perdit la chance de réussir. 11 n'aurait dù la déserteri
qu'au jour de sa victoire, el encore pour la garder précieu-
sement, à la façon d une relique. Ne se l'étail-il pas juré ?,
Combien déjà il avait changé I Ah ! qu'au moins il gardât
eelte petite maison de paysan, près de l'écluse, comme una
nuage sans cesse présente I Cette chambre à coucher, con'-
siguï à celle de Madeleine, il n'en voulait pas, avec son lit
do cuivre, sa glace en acajou verni, sa commode en mar-
queterie, son store de filet..., il voulait son lit de fer, sa
commode de pitchpin, sa table de toilette en «ois blanc...,
tout ce qui meublait sa chambre ds là-bas. Madeleine l'api
prouva. '

Il avait plu toute la semaine. Les feuilles louges de4
peupliers pourrissaient sur les chffmms envahis par l'eaq,
et la tourbe boueuse collait aux semelles. Au bord de ta
Spmme, les saules, dont on avait coupé las branches, reflé-
taient leurs troncs sombres.

— J'ai peur, dit André à Madeleine, que ce pays na
vous attriste

C'était une peur sincère ; mais il souhaitait que Madei
leine manifestât aussi quelque appréhension.

— Ah I fit-elle, gaiement, j'adore la oainuagne.

La oampagne I oui, sans douta, la campagne que dorsj
k« soleil, où tout est vert et blond, avec dos malins argentéL
st des nuits pleines d'étoiles. Madeleine* ne connaissait qu*
oaUe-là, campagne de villégiature — où les jeunes fcmmeJ
ae promènent avec des robes légères et des chapeaux À
peJlta fleuris de roses — mais la campagne que baifn» 9
pluie, avec dea ciels bas et gris, où s'éteint si vita la
bunièrs, qui déjà s'est lavée, si tardive, la campagne sait,
engourdie, froide, die l'ignorait. La oesur •'émeut QUsfi
quas instants devant uns nature désolés, où l'iJMfbunsxjf
S exode, mais y rester et a'y complaire, quand on «n rsium»
et Jeune, cela est-11 possible ?

{A mivrs.ï
 
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