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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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https://doi.org/10.11588/diglit.2794#0583
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Z* Année.

N> 272.

Charleville, le 3 Octobre 1916.

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE

Ou s'abonne dans tous les bureaux de post»

L'ARME SUPREME

Au moment môme où la Chambre française vient
d'entendre le» prenants appela des députés Brizon et
Roux-CogLadau. exhortant lea alliés de la France, et
tout particulièrement l'Angleterre, d'épargner au
' peuple français les suprêmes sacrifices, en donnant
un peu plus de leur sang pour ménager le sien, le
grand journal radical anglais «Daily News» vient de
publier un article intitulé » The ultimale uieaponn (la
dernière arme), qui mérite l'attention de tous ceux qui
tiennent à voir clair dans ce problème complexe.

Le journal anglais, sans mettre en doute la «vic-
toire» alliée qu'il désire, entrevoit la possibilité, pour
l'Allemagne, de soutenir encore une guerre défensive
très longue. 11 estime que l'Angleterre aussi doit s'y
préparer. Or, demande-t-il, de quels facteurs faut-il
tenir compte avant tout P

a Certains réclament des hommes, toujours plus
d'hommes pour les envoyer au front. On parle d'élever
à 4r> ans la limite d'âge pour le service obligatoire,
on établit des comparaisons entre 4ea pertes anglaises
et les perles françaises, comme 61 les pertes en hommes
comptaient seules pour l'appréciation dea services ren-
dus à. la cause, commune. »

Le a Daily News » estime que «ce point de vue est
scandaleux 1 ». 11 est scandaleux de vouloir mesurer
les mérites britanniques d'après le sang versé
sur le» champs de bataille. « 11 fout tenir compte du
total des hommes, des navires, de la puissance navale,
tic la foi ce industrielle et de l'argent mobilisés. S'il
reste en Angleterre des hommes disponibles, qu'on les
envoie au front I Mais qu'on n'oublie pas que le con-
tingent anglais devra toujours rester subordonné au
maintien de l'éneigie industrielle, de la position sur
mer et do la puissance financière de l'Angleterre, ban- .
quier des Alliés 1 ■ -

L'effondrement possible des finances anglaises ap-
paraît au » Daily News» comme le plus grave danger
pouvant menacer l'Entente. « Tandis que l'Allemagne
vit de ses ressources intérieures, les Alliés, eux, dépen-
dent du standard financier, qui a permis "jusqu'ici à
l'Angleterre de mobiliser les ressources mondiales.
Jusqu'ici, l'Angleterre avait pu vivre du capital dont
elle dispose à l'étranger. Mais ce capital diminue de
jour en jour et bientôt il lui faudra songer à faire face
aux dépenses de la guerre par le gain du travail na-
tional. Or, ce travail national a aussi diminué dans
une mesure inquiétante. Si la guérie dure encore long-
temps, ce n'est pas le manque de soldats, mais le
manque d'ouvriers qui deviendra fatal à l'Angleterre,
en lui arrachant cette prospérité commerciale qui eôtla
'suprême arme pouvant donner la victoire aux alliés, n
Tel est, clairement exprimé, le point de vue anglais,
On avouera qu'il n'est pas a négliger. I] y a un an et
demi environ, M. Llffyd George, le plus réaliste des*
ministres anglais, ne disait-il pas déjà en plein Parle-
m?nt : « L'Angleterre ne peut pas tout faire à la fois ;
garder la maîtrise de la mer, tire le banquier de set
AllUs it appeler en même temps toute sa population
lout'lcs armes, à l'exemple des Puissances continen-
tales, n —

Le moment semble venu, où le conflit entre Ici
différentes fonctions anglaises devient insoluble, en
même temps que l'appel de la France épuisée se fait
plus tragique. Le moment est venu,' où l'Angleterre
commence à sentir que le pro/if de la a victoire», que
son orgueil s'obstine a escompter, devient de plus en
plus douteux. Pour atteindre le but militaire proclamé
par les Alliés, il lui faudra affaiblir de plus en plus
cette hégémonie industrielle et commerciale, pour
laquelle elle a fait cette guerre fatale. Cette guerre,
dont une grande revue anglaise, la « Saturday Rcview n
annonçait cyniquement, dès 1897, le dessein préconçu,
en écrivant dans un article resté fameux :

«Si demain l'Allemagne était effacée de la carte
du monde, 11 n'y aurait pas un seul Anglais qui n'en
deviendrait d'autant plus riche. Des peuples ont
combattu pendant des années pour une ville ou un
droit de succession. N'est-ce pas notre devoir de faire
une guerre pour un commerce de 5 milliards de
marks par an ? »

Celte guerre, l'Angleterre l'a faite avec le concours
de la Fiance et de la Russie. Elle comptait bien que
ses acoljles viendraient seuls à bout de lu puissance
militaire de l'Allemagne, tandis qu'elle étranglerait
aa prospérité commerciale. Aujourd'hui elle sent bien»
et ses Alliés sentent avec elle qu'ils se sont trompés.
Mais la situation où ils se sont mis apparaît dès
aujourd'hui insoluble. M. Briand, en soulignant dans
sa réplique à M. Roux-Costadau les formidables sacri-
fices de la Hussie, a dit au moins une part de vérité.

En ajoutant que l'Angleterre aussi avait fait ce qu'on
attendait d'elle., il n'a pus davantage menti — du moins
au point de vue anglais I Jamais l'Angleterre n'avait
songé, jamais elle n'avait promis d'envoyer dans- les
tranchées ses ouvriers, ses commerçants, ses indus-
triels, ceux-là même qui devaient profiter du sanglant
fratricide des peuples continentaux.

Mais ses Alliés la poussent; leur voix se fait pressante ;
ils n'ont pas vu à temps à quelle partie inégale les con-
viait l'Angleterre, et maintenant ils réclament d'elle
ce qui dépasse ses forces. Elle le sent; elle pèse et
mesure, improvise et marchande. Elle voit s'élargir
jusque sous son trône doré l'abîme qu'elle avait sa-
vamment creusé sous lca pieds de la vieille Europe.
Elle appréhende de se voir contrainte à partager le
sort qu'elle lui réservait. Elle sent trembler déjà dans
su main cruelle 1'« arme suprême » de son -égoïsme,
frôlé par le souffle glacial du destin» vengeur.

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier gênerai, 1" octobre 1U1G.
Théâtre de la guerre a l'Ouest.
Sur le front de

VArmèiAa feldmaréchal Duc Albrecht de Wurtemberg,
ainsi que sur la front de Flandre et d Artois du "f
Groupe d'armée du Kronprinz Hiipprecht-tte Bavière

les patrouilles anglaises se montrèrent parltrirtierement -

actives.

Sur le front de bataille au Noid de la Somme la lutte
d'artillerie devint très vive dans l'oprèj-niidi. Près de Thicp-
val et plus à l'Est de fortes attaques anglaises se pro-
duisirent de' nouveau ; comme les jours précédents, elles
furent repousiées après d'opiniâtres corps à corps par les
troupes des généraux von Stein et Sixt von A m, in. Partant
de Rancourt et plus à l'Ouest des régiments français as-
saillirent en vain notre position. Des poussées de détail dé-
bouchant de Gourcelette et de Morval, ainsi qu'au Nord-
Ouest de Halle échouèrent sous nos tirs de barrage.

Groupe d'armée du Kronprinz allemand.

Sur la rive droite de la Meuse l'activité de l'artillerie se
vivifia passagèrement, et il y eut de petits combats à la
grenade sans importance.

Théâtre de la guerre à l'Est.

Les Eusses ont repris sur plusieurs points leurs attaques.

Front du feldmaréchal Prince Lcopold de Bavière.

A l'Ouest de Luck le feu ennemi augmente depuis ce
matin.

Des deux coléa de la voie feirée de Brody—Lemberg et
plus au Sud jusqu'à la Graberxa, près de Zarkow, l'avance
ennemie est arrêtée en partie par nos tira de barrage ; ail-

leurs l'attaque, répétée jusqu'à sept fois, l'est complètement
'effondrée. Sur l'aile Sud d'attaque les Russes ont pris pied
jdans la ligne de défense la plus avancée.

j Front du général de cavalerie Archiduc Charles.

De part et d'autre de la Zlota Lipa de violenta combats
.rapprochés ont eu lieu. Dana le coin entre la Zenio-wke
et la Zlota Lipa l'ennemi s'est avancé. Plus à l'Ouest des
(troupes turques rejetèrent, hier et ce malin, par de promptes
Jeonlre-poussées, des détachements ennemis qui avaient pé-
iiiétré, et firent aao prisonniers.

( Dans les Carpathcs la journée fut généralement calme.
J-e chiffre des prisonniers faits près de Str. Klauzura a'eat
laccru à plus de Goo.

fin Transylvanie.
'. Sur le front Est des attaques roumaines ont été repous-
iées au val de Maros. Dans la vallée de Goergeny et plus
au Sud les avant-gardes évitèrent en partie le choc ennemi.

Le butin des troupes allemandes, fait dans le combat
au Sud de Hc.nndorf (Hegen) a augmenté de 8 canons. Au
Nord-Ouest de Fogaros l'ennemi a arrêté son attaque.

Le butin de la bataille do Hermannstadt, dénombré-
Jusqu'à hier, est le suivant : plus de 8,000 prisonniers et
18 canons; un hangar pour avions, 2 avions, 10 locomotives,
800 wagons de munitions, plus de 200 voitures do mu-
uitious, plus de 200 voitures remplies de bagages, 70 auto-
mohiles, 1 train sauitairo. L'autre matériel abandonné ne
pourra être ramassé que peu à peu daDB les forétg. .

Le « Col de la Tour Rouge » est rempli de véhicules
détruits par notie feu. Au Sud du col de fortes attaques
roumaines, diiigées contre les hauteurs à l'Ouest de Caineni,
furent repoussées,

Dans les montagnes de Hoetzing (Hatszeg) l'ennemi at-
taqua en vain à l'Ouest de la Yalléc de Surcll (Szlrigy).

Théâtre de la guerre aux Balkans.
Groupé d'armée du feldmaréchal von Macltensen.
Le 29 septembre une [lotilie auslro-hongroise du Danube
, força l'entrée du port de Corabia, où elle détruisit 9 et cap-
tura 7 bateaux, en partie chargés.

Bucarest a été bombardé avec succès constaté par nos
escadrilles aériennes.

Front de Macédoine.
En beaucoup d'endroits entre le lac de Prcspa et le
Vardar violents combats d'artillerie et quelques entreprises
ennemies de détail, qui n'eurent aucun succès. Une forte
attaque permit à l'adversaire de prendre possession du som-
met du Kajmakcalan.

Grand Quartier général, le 2 octobre lDllS.
Théâtre de la guerre à l'Ouest,
Groupe d'armée du Kronprinz Rupprecht de Bavière.
Sur le champ de bataille au Novd de la Somme encore
. une journée de grands combats 1 Sur un front de plus de
' au kilomètres de large, entre Thiepval et Rancourt, les
Anglais et lea Français attaquèrent, aprèi avoir intensifié à
l'extrême leur feu de préparation. En beaucoup d'endroits
leur assaut fut enrayé déjà, avec pertes sanglantes, par le feu
1 bien dirigé de notre artillerie ; des détachements qui avaient
j pénétré succombèrent en corps à corps acharné avec notre
' inébranlable infanterie. Immédiatement au Nord de la
Somme une attaque partielle française fut rcpuussée. La
, bataille continua toute la nuit et bal encore son plein.
Au Sud de la Somme, ci et là vive lutte d'artillerie.

Groupe d'armée du Kronprinz allemand.
Au Nord de Le Meanil (Champagne) un détachement alle-
mand de reconnaissance captura dans une entreprise réussie
1 officier, 3S hommes.

Un de nos dirigeables attaqua les installations militaires
Calais.

Théâtre de la guerre à l'Est.
Groupe d'armée du feldmaréchal Prince Léopold de Bavière.
j A l'Ouest de Luck l'activité de l'artillerie l'est continuel-
lement accrue. Des efforts offensifs du. l'ennemi étouffèrent

dans notre feu de barrage. Lu tentatives de l'artillerie russe
d* pousser en avant l'infanterie par un feu dirigé contre
ses propres tranchées, n'y changèrent rien. Prêt de Wijnio de
brefs combats rapprochés ont eu lieu.

Une contre-pousiée dirigée par le lieutenant-général
Melior aboutit à la reprise de la position au Nord de la
Graberka, prise par les Russes le 3o septembre. L'ennemi
laissa plus de r5oo prisonniers entre nos mains. Ses tentati-
ve! de nous rejeter à nouveau échouèrent, de même que ses
nouvelles attaques des deux côtés de la ligne de Brody-Lem-
berg, où plus de aoo prisonniers ont été faits._

Front du général de cavalerie Archiduc Charles.
A l'Est de la Zlota Lipa le combat pour la reprise de quel-
ques petits éléments pris par les Russes s'est poursuivi.

En Irons)hume
Des deux côtés de la Gr.-Kokel les Roumains ont gagné
du terrain. Près d'Orsovs et plus au Nord des attaques da
nos alliés eurent du succès. Dans les montagnes de Hoetzing
(Hatueg) dea attaques ennemies furent repouasées des deux
oôtés de la vallée du Strell (Srtrgy). La hauteur d'Oboroca
fui enlevée par dea troupes autro-hougroises.

Théâtre de la guerre aux Balkans.
Groupe d'armée du feldmaréchal von Mackensen.
Au Sud de Bucarest des troupes ennemies ont pris pied
■ur la rive droite du Danube. Au Sud-Est de Topraisar dea
attaques de l'adversaire furent repousiées.

Front de Macédoine.
Les violents combats continuent au Kajmakcalan. Au
Nord-Ouest du lac de Tahinos des détachements anglais, qui
ont passé sur la rive Est de la Slrumu, sont attaqués.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

faris, iij septembre 1V16, sou-.
La bataille s'est uouijju.vio aujouruhui avec succès au Nord
de la bomme. Lea troupes alliées oui accru leur gain d'hier, dana
de fortes proportions, et ont atteint en quelques heures les
objectifs fixés pour la deuxième journée de la lutte. Dès ce
matin, les troupes françaises, reprenant leur offensive, ont
enlevé toute la partie de Combles située a l'Est el au Sud de la
voie du chemin do fer. Noa patrouilles entraient en liaison avec
les éléments de droite de l'armée britannique, qui neLtoyaiool la
partie Nord-Ouest de Combles. Pou après, le village tout entier
tombait en notre pouvoir. Le butin fait k Combles est consi-
dérable. Le* Allemands avaient accumule dans lca souterrains de
U localité une énorme quantité tic munitions et d'approvisionne-
ments de toute sorte. Nous avona recueilli une centaine d'Alle-
mands blessés abandonné* par l'ennemi. Combles m( rempli de
cadavres allemands. Cet après-midi, nos troupes, poussant leurs
avantagea, se sont emparée» d'un petit bois situé au Nord de
Frcgicourl, à mi-chemin de Morval, et de la plua grande partie
du terrain fortement organisa compila entra ce bois et la corne
Ouest du bois de Saint-Waast, a l'Est de la roule de Bélliune.
Le chiffre des prisonniers valides laits par les Français depuis
hier atteint actuellement 1,200 ; nous avons pu dénommer jusqu'à
présent une Irentainu de mitrailleuses. Canonnade intermittent*
aur le reste du front.

Fans, 27 septembre 1916, 3 heures.
Au Nord de !a Somme, nos troupes organisent les posiUona
conquises. L'ennemi n'a tenté aucune réaction au cours de la nuit.
Au Sud de la Somme, la lutte d'artillerie a été assez vive dana
la région de Barleux. Hier, en (m do journée, uno attaque
brillamment menée noua a permis d'enlever s. l'Est de Vermando-
viliera un bois, fortement tenu par L'ennemi, qui formait 'un petit
saillant dans notre ligne. Partout auteurs, nuit calme.

La guérie aérienne : Sur le iront de la Somme, nos avions
ont livre de nombreux combats dans la journée du 20 septembre.
Le sous-lieu tenant Nungesser a abattu, dans cette seule journée,
doux avions entre le Transloy et Hocquigny, et un'ballon captif,
qui est tombé en flammes dons la région de Neuville. Ces trois
victoire* portent a dix-sept le nombre des appareils abattue
jusqu'i ce jour par ce pilote. Duun autres avions allemands,
sérieusement touché», sont descendus désemparés, l'un vers L»
Transloy et l'autre prés de Le Mcsnil-iiruntel. Un autre ballon
captif, attaqué par un de nos pilotes, s'est effondré prés d»
Nuilu. En Champagne, un fokker, attaque & courte distance, cat
tombé d abord en vrille puis verticalement et s'est écrasé sur la
sol a Gratreuil, Nord-Ouest de Ville-sur-'! ourbo. Dans la nuit du
20 au 27, un groupe do quatorze de nos avions ont lancé 110
obus de gros calibre sur la gare, les vûiL'S ferrées et les baraque-
ments d'Aupilly. Dans la nuit du 25 au 20, vingt-deux obus ont
été jetés sur la gare de Laon et tin-scpt sur les bivouacs da
MontUucon.

FEUILLETON UK La «GAZSJTtt UhH AHUE.\i\LSt

LA VICTOIRE

Far Paul ACKEK.

— J'appréhendais vos larmes, vos terreurs, vos stippli-
■ cations.

— Mes larmes, mes terreurs, rues supplication! I... je
voua aurais tout caché.

Il fut ému, mais ir eut un geste incrédule.

— Vous dites cela,., voue êtes sincère...

Et, dans un élan de franchise qui l'entraînait à s'expli-
quer complètement :

— Ecoutes-moi. Je vous ai épousée parce que je sous
aimais, et tout, les soins dont vous m'avez entouré a Ham-
pes, ma solitude ici, votre beauté, s'est uni pour provoquer
et développer mon amour. Je voulais être seul dans la vie,
•t j'ai cedé a mon coeur... J'y ai cédé avec tant de passion
que, durant des semaines, j'ai uul'lîé tout ce qui n'était pas
vous. Mon nmour était si violent que, parfois, en Allema-
gne, il loua alarmait... Je me suis réveillé à Heidelberg, oui,
réveillé... J'étais comme un homme qu'une marche aveugle
l conduit jusqu'au bord d'un précipice... Si je ne m'éva-
dais pas de mon amour, j'étais perdu... Ah I je vous aime
toujours, n'en doutez pas, mais un homme, que l'amour
domine, est un homme diminué, s il n'impose pua a son
amour dea limites Combien pourrais-je vous en citer de ces
hommes, surtout parmi les aviateurs I Ils avaient une belle
ambition ; l'amour Ue fiappait, et ils n'opparienaient plus
qu'à lu femme qu'ils aimaient. L'un cesïuil ses vols, pour
construire, parce que sa femme avait besoin d'orgeat ; un
autre, parce que sa femme l'en implorait ; un autn...

Madeleine joignit lés mains, et le considéra avecu-is in-
finie pitié.

— Ainsi... voiln ce que vous avez pensé.

Elle parlait sans colère, sans orgueil, avec une mélan-
colie amère.

— Je ne suis pas de cea femmes-là, André. Je vous ai

aimé, pour bien des raison«, uiail surtout purcu que voua
poursuiviez un rêve magnifique, alors que votre fortune -
vous permettait une existence inutile. Voua m'avez dit à
Etampea, puis en Alsace, que vous appreniez chaque jour a
me connaître. A Roslheiin, vous me livriez loutea vos pen-
aéea, rappelez-voui... Alors, vous ignoriez eucore que je
vous aimais, mais vous vouliez que je vous aime. Ah I quand
on veut être aimé, ^1 ne calcule pas, 011 laisse parler sou
cœur. Lt puis, vous avez élé sûr de moi ; inuis vous n'avez
pas su pénétrer le fond de mon âme. Que m'importe d'être
votre femme, si vous me dérobez vos travaux, si je n'en
•uis paa avec vous les progrès, ai je oc vous soutiens pas de
mon courage, si enfin toute votre vie n'est pas toute ma vie.
Combien de soirs éles-vous revenu ici, soucieux, triste,
sombra 1 Je vous interrogeais, \oua me répondiez des mots
évasifi ; vous ne vouliez pus me répondre,., Lt cela a duré
un an. Toute une année où j'ai en vain attendu que vous
vous confiiez a moi, comme naguère. Jamais, jamais voua
n'avez soupçonné ce que je souffruis... Et, maintenant, je
comprends I Parce que vous m'aimez, je suis pour voua
presque uuc enuemie, moi qui ne voulais être que votre amie
et partager tous vos efforts.

André l'écoulait, et tout le troublait, dans ce calme sulon
aux voleta clos où le feu s'éteignait, cette voix que ^Uaigeait
un ragret désolé, ce visage incliné vers lui et accablé, et
cette émouvante beauté dont 1b souf[rani_e pare la jeunesse.
Ajiiti, il l'aimait, et il l'avait fait souffrir... Il l'avait fait souf-
frir, sans même rélléclnr qu'elle pouvait souffrir... Dana
cette femme qu'il aimuit, il n'avait vu qu'une ennemie, el
•lie était peut-être celle amie dont rêvent tous les hommes,
et qu'ils désespèrent toujours de rencontrer aur leur chemin,
la femme, oide, réconfort et consolation... Il l'écoutnit, et
plus il l'écoutait, plus il la croyait, encore qu'au fond de lui
les vieilles préventions ne consentissent pas à mourir. Et il
aurait voulu qu'elle se tût, qu'elle l'éloignit nussi, pour ne
plus subir sa frêle puissance.

— Madeleine, demain, si lu \eux, nous parleront, nous
discuterons... Je ne désire que ton bonheur...

11 lui tendait lea bras, elle ne s'y réfugia point.

— Et tu as pensé que je suppôt terais de vivre, comme je
l'ai fait jusqu'ici P

11 balbutia :

— Je ne désire que ton bonheur.

— Alors, accorde-moi ce que je le demanderai.
Il hésita, puis il sourit de son hésitation.

— Soit. -

— Après-demain, quand lu essaieias l'appareil^, je mon-
terai avec loi.

— Tu es folle, s'écria-t-il. Jamais, jamais, je ne t'accor-
derai oela.

— Tu viens de me l'accorder.

— J'ignorai? ce que lu me demanderais. Conçois-tu bien I
Ce que tu demandes ? Je peux exposer ma vie, je n'ai pas le |
droit d'exposer la tienne.

— Si tu dois mourir, puis-je souhaiter de vivre ?

— Tn vie ne m'appartient pas.

—> Elle t'appartient, puisque je l'aime.

Madeleine ne songeait même pas, en un tel moment,
pour triompher d'André, "à exercer le pouvoir de sa beauté,
et, si clic y avait par hasard songé, elle eût rcpou'sé avec
horreur celte tenlaliou. Elle offrait sa vie, elle la donnait;
_ te n'était pas un désir qu'elle exprimait, mais une volonté
inébranlable. André la saisit contre lui, uvec une tendresse
caressante qui bientôt s'affola.

— Je t'en supplie, renonce à ce projet. Tu peux être
1 tuée... c'est insensé... Je t'aime... Désormais, tout sera

commun entre nous... Je te le jure, mais paB oeil, pas cela.
Elle se dégagea de ses brns :

— Si tu ne m'accordes pas ce que tu m'us promis, ce
geru la fin de notre amour,

11 répéta :
1 — La iin de notre amour.

— Oui, car je m'en irai... Séparée de toi, je ne serai pas
j plu* loin que je ne le Buis depuis une année.

L'accent de cette voix ne pouvait pas tromper André.
Il courbu la têle :

-— Eh bien, qu'il soit fait comme lu le veux,

— Tu me promets, demanda encore Madeleine, soup^
çonneuse.

— Je te le promets.

XVII

Dans la nuit même, cette promesse parut à André non
seulement insensée, mais criminelle. Rien de plus naturel
qu'il bravât la^ mort, lui ; mai-, Madeleine, Madeleine....
L'amour, qui aurait dû lui commander de refuser, ne lui
commandait-il pas maintenant de manquer à su parole P

Mais il avait prutiua ; s'il ne tenait pas sa promesse, Madc?
leiue, elle, tiendrait la sienne.

La journée a'écoula ; Madeleine, confiante, attendait*
André ne lui dissimula pas ses craintes ; même il les multii
pliait, sans réussir a l'effrayer. Il n'osait paa la supplier de
renoncer. Ne valait-il pus mieux qu'il essayât d'abord tout
seul l'appareil ? ensuite, si l'appareil volait, Madeleine mon-
terait avec lui... Elle restait inébranlable : puisqu'il y avait
du danger, sa place ae trouvait à cùté de son mnrï. En rca-
Iront de l'atelier, André annonça que Pacot, sans, doute ému
d'apprendre que, sur la prière de Madeleine, il le gardait,
nvuit mal fixé l'aile... il avait fallu l'enlever. Ce fut un ndh
sérable délai ; le lendemain, l'uile était posée.

Le soir, vers d<x heures, comme ils se séparaient, Madei
leine dit simpltiueiU à son mari :

— A demain matin. Réveille-moi, $i je ne te réveille pas.
Il la serra contre lui, avec une silencieuse passion.

— Tu es toujouis résolue ?

— Que redoulcs-tu, lit-elle en souriant, puisque je serai
avec toi P

Il dénoua àon étreinte, elle renversa la tête, el il la baisa
doucement aux lèvres.

Madeleine se coucha vite, ses vêtements prêts au pied de
son lit, afin de ne pas perdre de temps ù les chercher, quand
elle se réveillerait. Pacot avait, dans l'après-midi, porté au
hangar le chandail cl le casque. André, de sft chambre, écou-
tait Madeleine marcher, s'asseoir, se coucher. Elle lui cria
gaiement : «Au revoir, André I h et U n'y eut plus de
lumière ; bientôt elle dormit avec une respiration égale. Lui,
ne paivenait pas c s'endormir. Il pem-ait bien il ce vol qu'il
avait promis de tenter dans quelques heures, maïs u'autrea .
pensées, rapides, discontinues, imprécises, l'en fié veulent. 11
se rappelait des choses d'Allemagne, sa fougue d'amour dans
les premiers jours, la tendresse plus heureuse qui avait suc-,
cédé... il se rappelait des mois, des gestes, des regarda de
Madeleine, petits souvenirs si grands que le temps, dans sa
fuite, dépose au fond des cœurs .. il revoyait Madeleine
Jaune fille, dans le salon de M™' Crayun, il la revoyait k
Etampes, à son chevet, il la revoyait surtout, tandis qu'elle
réclamait ses droits d'épouse. Ainsi, quand le sort lui *évé-.
lait enfin tout entière la femme qu'il possédait, le sort le
ooutraignnil d'affronter avec elle la mort.

(La fin au prochain numéro.}
 
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